Comme toujours, les pluri-centristes ne manquent pas d'imagination pour se distinguer. On a appris cette semaine la création d’une confédération du centre par les sieurs Morin et Arthuis (Nouveau Centre, Alliance Centriste). On cherche à réunir les brebis égarées dans les multiples avatars que revêt aujourd’hui cette sensibilité.
Noble ambition. Mais cette aspiration se heurte immédiatement à la réalité. Les premiers cris d’orfraies contre les velléités « présidentielles » des uns et des autres se sont déjà fait entendre. Hervé Morin en a pris pour son grade par certains de ses compagnons d'armes. Nul doute que son passage au ministère de la Défense de Nicolas Sarkozy lui ait appris à... se défendre. Ou pas.
En face, Borloo songe également à initier une confédération du centre, mais avec ses propres amis (Nouvelle gauche, Parti Radical valoisien, centristes de l'UMP). Le hiatus entre la volonté affichée de rassemblement et sa concrétisation est manifeste. Les différents protagonistes nous revisitent un adage bien connu dans une version plus personnelle : «un pour soi, tous contre tous».
Le programme nous annonce une symphonie, on nous donne à entendre une cacophonie. C’est qu’on a oublié les musiciens, chacun se voyant manier la baguette en maître d’orchestre. Et ce n'est pas d’un coup de baguette magique que l’on rabibochera tout ce petit monde.
Un espace centriste existe cependant. Si je ne suis plus de ses ouailles, il n'en demeure pas moins que François BAYROU a su le mettre en évidence en 2007. Depuis, ce dernier n'est plus redescendu de son petit nuage. Entre temps, Némésis est venue sanctionner cette manifestation d'hubris. Le principal intéressé, lui, ne semble pas en avoir pris conscience.
Il y a de quoi redire sur l'organisation partisane de cet espace et ses multiples chapelles. Il faut des équipements spécifiques pour aller à la rencontre des structures centristes. Une sensibilité qui voisine désormais au côté de certains navires réputés insubmersibles… Ne parlons pas du MoDem qui lui est passé carrément dans une dimension parallèle dominée par des ombres et les spectres d'ambitions fracassées.
On est confronté à un véritable labyrinthe de courants, sous-courants, partis, sous partis, confédérations, et que sais-je encore. Même si l'on n'est pas un néophyte dans cet univers, on ne s'y retrouve guère. On se demande quelle Ariane pourra nous offrir le fil qui nous guidera à bon port. Je plains sincèrement celui qui aurait à établir une cartographie du monde du Milieu d'aujourd'hui.
On a tendance à considérer que la politique de la table rase est à éviter, peut-être au contraire serait-ce là le seul moyen de revivifier une famille de pensée à la dérive. Exit Bayrou, exit Morin, exit Borloo…. On envoie valdinguer le tout et on regarde ce qu'il advient. Jetons quelques temps aux orties les batailles d’egos.
La nature ayant horreur du vide, peut-être la « sélection électorale » permettra-t-elle de voir émerger de nouvelles figures. Un temps du moins, celui que mettra cette maladie endémique aux centristes qu'est la division pour refaire surface. On pourra ensuite recommencer à s’étriper et s’affubler d'amusants et pittoresques noms d’oiseaux. Quelques notions d'ornithologies pourraient être un plus pour les futurs candidats.
La situation pourrait-elle s'envenimer ? Il semble difficile de faire pire lorsque l'on observe l'état actuel des choses. Encore que… qui sait, avec les chefs de file centristes tout est possible. Excepté peut-être l’unité. Enfin si, ils sont et seront toujours d'accord sur le fait qu'ils ne soient pas d'accord même s'ils clameront haut et fort le contraire. Bon pour faire simple, ils ne s'aiment pas.
La scène que l’on nous offre aujourd’hui avec la création d’une confédération en urgence pour doubler X ou Y, avec des préalables qui sont déjà ceux qui ont conduit à la division, à de quoi laisser perplexe. On nous joue la Comedia Dell Arte, des acteurs talentueux en moins. Bientôt l'ancien ministre de l'écologie de Nicolas Sarkozy (il faut quand même le rappeler) lancera sa confédération des centres (avec une touche de vert), et pourquoi pas Bayrou tant qu'à faire. Plus on est de fou, plus on rit. Encore que lui, il est davantage attiré par une confédération des gauches que par celle(s) du(des) centre(s). Mais n’est pas François Mitterrand qui veut.
Ce qui est assuré, c'est que le centrisme est partout, au point de n’aller nulle part. Ce ne sont pas ses « têtes de pont » actuelles qui pourront inverser la donne. Les inimités et le passif sont trop lourds. Je ne pense pas que la floraison de confédérations du centre puisse être vouée à autre chose qu'à l'échec. Il faut réfléchir à d'autres options.
Au plan national, la solution pour les centristes serait peut-être de se trouver un leader qui ne se revendique pas de cette famille de pensée. Un homme, ou une femme, dont la vision puisse s’accorder avec une modération que souhaite une large partie de nos concitoyens.
Se revendiquer du centre est une manière de se positionner sur l'échiquier politique. Une vision humaniste de notre devenir est cependant une aspiration qui transcende les clivages. Replacer l’homme au cœur d’un projet, nonobstant ce que cette formule peut voir d'incantatoire ces temps-ci, n'est pas l'apanage d'une sensibilité politique particulière. Cette intention reste cependant bien souvent au stade de leitmotiv, elle demeure une vue de l'esprit et se concrétise rarement. Ne serait-ce que l'outil financier que l'on laisse faire, surtout ne pas réguler ! Comme si un instrument pouvait avoir une conscience.
Georges POMPIDOU illustrait bien qu'il n'est pas nécessaire d'être centriste pour fédérer ces derniers dans une interview en 1966 : « Si, au contraire, être au centre, cela veut dire tenir compte des besoins, des nécessités, des aspirations, si cela veut dire faire la part de la nécessité du mouvement et de la mutation, et en même temps de la nécessité de ne pas tout détruire dans un pays ancien, qui a tout de même accumulé beaucoup de biens intellectuels, moraux et matériels, alors oui je suis au centre ». Certaines conceptions peuvent être partagées au-delà des questions partisanes.
Au niveau local, le rassemblement des centristes doit passer à mon sens pas la mise en place de structures associatives, de clubs, ne distribuant pas d'investitures. Ce qui permettrait de disposer d'espaces de discussions neutres pour jeter quelques passerelles. Pour le reste, il n'y a pas de solution miracle et surtout une bonne migraine à en tirer pour le moment.