J'habite le quartier du tribunal de Créteil et je me suis rendu à trois des audiences du procès des agresseurs de Bruno Wiel. En a-t-on tout dit ? Certes, il y a les évidences, la satisfaction de la reconnaissance de l'homophobie de l'agression, mais aussi quelques non-dit.
Bruno Wiel au tribunal de Créteil. Photo AFP
Même si le procureur a déclaré que nous étions face à « un cas d'école de la barbarie », ni lui ni aucun journaliste n'a établi de parallèle entre cette affaire et celles du Gang des Barbares qui a défrayé la chronique l'an dernier.
Ils sont pourtant nombreux : dans les deux cas, la victime est choisie pour ce qu'elle est : juif dans le premier cas, homosexuel dans le second, et donc victime expiatoire de je ne sais quel bras sacrificiel dont les agresseurs se croient investis.
Les deux sont supposés riches, -ce qui était faux dans les deux cas-, et naturellement désignés parmi une caste opposée, religieusement dans le premier cas, sexuellement dans le second. (En admettant que « l'opposition sexuelle » n'ait pas de caractère religieux de second plan...).
Les deux victimes sont vouées à l'extermination, condamnées aux pires sévices par l'essence même de leur appartenance à une communauté réputée adverse.
Savoir si cette condamnation sera exemplaire est une autre paire de manches... La justice n'a jamais eu de vertu d'exemplarité, il y a autant de crimes, -et peut-être plus- dans les pays qui appliquent la peine de mort que dans ceux qui l'ont aboli, et aucune condamnation, aussi lourde soit-elle n'a jamais provoqué l'extinction du type de délit qu'elle punissait.
Pourquoi ? Parce que nous avons affaire à des catégories sociales peu instruites, marginalisées par des enfances malheureuses, des échecs scolaires et des familles sans autorité morale.
Parce que nous avons affaire à des communautés encore baignées de ces sourdes pulsions ataviques dont l'homophobie et la violence machiste sont les éruptions les plus habituelles.
Parce que nous avons affaire à un phénomène de bande au sein de laquelle le plus violent devient naturellement le chef, et où chacun essaie de briller du seul enjeu compréhensible par tous : aller plus loin dans la provocation.
Témoin cette constatation : dans toutes les affaires d'agression homophobe, et dans celle-ci comme les autres, le prévenu déclare avoir été victime d'attouchements lorsqu'il était gamin. Mais jamais aucun n'a porté plainte. Jamais la réalité de ces attouchements n'a été démontrée. Juste ça fait bien dans le dossier. C'est une circonstance atténuante bateau qu'il ne coûte rien d'afficher dans le portrait de l'enfance malheureuse.
Il y a des modes, comme cela : ainsi, dans les affaires de divorce, on a vu multiplier par dix les accusations de pédophilie, alors que les enquêtes diligentées ont démontré que leur nombre n'avait jamais varié avec le temps. Juste un argument de prétoire... Il y a des modes dans la justice comme ailleurs.
Pour m'être trouvé dans le prétoire de Créteil, je peux vous raconter quelque chose que les journalistes n'ont pas rapporté: la cité de Thiais, celle des tortionnaires, était dignement représentée par les deux dernières rangées du public. Le reste de la bande était là, tous ceux qui n'ont pas participé à la virée fatale, mais qui auraient sans doute pu s'il y avait eu plus de places dans la voiture. Chaque fois que l'un rentrait, de silencieux signes de connivence s'échangeaient avec ceux déjà assis.
Puis, il y a eu suspension d'audience, tout ce beau monde est sorti fumer une cigarette sur le parvis du palais, devant les cinémas, et je me suis mêlé à eux en tendant l'oreille.
« - La vache, je croyais qu'ils allaient sortir, ils parlent de lourde condamnation ! »
« - Putain, c'est qu'un pédé, t'as vu sa gueule. Ça mérite pas un procès et de la cabane ! »
« - S'il faut aller en tôle chaque fois qu'on casse un pédé... »
Il est vrai que si le Conseil Constitutionnel n'avait pas avec laxisme accepté que l'interdiction du mariage gay soit licite, il aurait donné un vrai signal d'égalité républicaine directement applicable aux homosexuels.
Renvoyer la balle devant le législateur qui, tôt ou tard, devra bien s'aligner sur les mœurs de son époque et voter le fameux mariage, c'est certes satisfaisant pour les gays, mais ça a un petit côté « monter dans le train en marche » qui conserve un parfum dérogatoire et n'est pas nimbé de l'autorité qu'aurait pu avoir le Conseil Constitutionnel en la matière, s'il avait daigné retoquer les députés.
La preuve que l'homophobie plane toujours dans l'air du temps, c'est qu'au sein de l'UMP, et sans désaveu à ce jour de ses édiles, le député Jacques Myard continue à s'en donner à cœur joie... et en s'attaquant à ses propres troupe, GayLib étant je le rappelle une émanation de l'UMP. Enfin, on ne sait plus très bien si c'est une émanation des gays nantis au sein de l'UMP ou une tentative de pénétration de l'UMP dans le corpus gay, mais il y a un sérieux rapport, témoin mes billets précédents...
Sans parler des petites atteintes discrètes et sournoises au PACS, que les ringards continuent à appeler "mariage gay" alors que les pacsés sont à 95% hétérosexuels...
Fabrice Eboué, d'apparence pourtant sympathique, semble ne pas avoir compris grand'chose à l'homosexualité, qu'il considère comme une tendance urbaine et branchée.
Et enfin, un nouveau suicide d'adolescent gay aux Etats Unis. On ne les compte plus maintenant, hélas...
Si au moins ce pays voulait se doter comme l'Europe d'une législation sur « la liberté d'expression » qui interdise les appels au meurtre...
Et pour finir, rions un peu : France Télécom dépense près de 59 millions d'euros pour s'offrir 49° de Dailymotion... Or sur les ordinateurs de France Telecom, lorsqu'on essaie de se connecter à Dailymotion, on découvre que le site est bloqué « parce qu'il ne présente aucun intérêt professionnel ». Ça commence à combien de millions, l'intérêt professionnel ?