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Homosexualité au Cameroun : un long chemin à parcourir

Publié le 29 janvier 2011 par Africahit
« Blasphème », « abomination », « interdit »… Nombre de Camerounais s’insurgent contre l’homosexualité, tandis que d’autres, plus discrets, la tolèrent. Depuis le début de l’année, une importante subvention de l’Union européenne accordée à des associations de défense des homosexuels défraye la chronique. Reportage.

De notre correspondante

L’homosexualité est au cœur d’une controverse culturelle et sociale au Cameroun. Et les 305 000 euros de financement, accordés début janvier par l’Union européenne à des associations pro-homosexuels - dont l’Association de défense des homosexuels (Adhefo) de l’avocate Alice Nkom -, sont pour la majorité des Camerounais un blasphème. Un rapide micro-trottoir à Yaoundé suffit pour se faire une idée du rejet qu’inspire la pratique homosexuelle. « La Bible elle-même l’interdit déjà puisqu’elle dit que si Dieu a créé l’homme et la femme, c’était pour se reproduire », déclare Nadège, élève en classe de seconde au lycée de Mendong. « C’est intolérable. C’est une abomination », ajoute Alex Youn, demandeur d’emploi. « On doit les tuer, les brûler même. L’homosexualité ne devrait même pas exister ! », s’offusque Marie-Thérèse, mère au foyer.

L’Eglise également a été courroucée par l’annonce du don de l’Union européenne. Les prêtres catholiques notamment n’on pas manqué, à la suite du gouvernement, de dire leur indignation et leur désapprobation. Nous avons rencontré l’Abbé Félix Désiré Amougou, responsable de la communication de l’Archidiocèse de Yaoundé. Pour lui, c’est une aberration car Dieu est amour et cet amour se manifeste non pas dans une relation entre deux personnes du même sexe, mais par un mariage selon la tradition chrétienne : « Nous nous basons toujours sur les saintes écritures pour savoir quelle est la conduite que l’homme peut avoir dans la société. Dans le livre de la Genèse, il est dit que l’homme et la femme se mettront ensemble pour former un couple. Et ce couple est reçu par l’église en mariage chrétien que l’église bénit. », explique le prélat.

Quatre ONG, dont Human Right Watch, ont publié le 15 novembre 2010 un rapport sur la dure vie des homosexuels aux Cameroun intitulé : Criminalisation des identités, atteintes aux droits humains au Cameroun fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Parmi les personnes rencontrées, Erwin, un homosexuel. Il nous explique sa condition : « C’est véritablement un penchant naturel pour nous. Et nous sommes vraiment stigmatisés. Nous sommes victimes de toutes les frustrations et beaucoup d’agressions. Mais fort heureusement, madame Alice Nkom par l’entremise de son association nous aide beaucoup. Et cela nous permet de garder une lueur d’espoir. » Un autre homosexuel est intervenu il y a quelques jours dans une radio locale en compagnie de sa tante pour raconter comment il en est arrivé là. Pendant plusieurs heures, il a expliqué aux auditeurs que son père l’avait « vendu » auprès d’un monsieur à l’âge de 15 ans. Il ne savait pourquoi et encore moins ce qui l’attendait. « Le monsieur abusait de moi tous les jours. Je ne pouvais pas parler. J’avais honte et peur à la fois. Depuis cet âge-là, je n’ai connu que des hommes comme partenaires sexuels. Et aujourd’hui, je suis devenu homosexuel par la force des choses » confie-t-il d’une voix fluette.

Les homosexuels ont la loi contre eux

Les débats sont toujours très houleux dans les radios et chaînes de télévision depuis cette affaire de financement d’une association par l’Union européenne, et l’ambigüité que suscite cette pratique sexuelle plonge plus d’un dans l’embarras. Pour l’anthropologue Parfait Akana, « l’homosexualité n’a jamais constitué la norme dans aucune société. C’est un phénomène marginal. Mais quand elle est exploitée à des fins de délation, de calomnie vis-à-vis d’hommes publics, elle peut devenir à cet effet très dangereuse. »

Pour le droit camerounais, les questions des minorités ne se posent pas. Et le ministre des Relations extérieures Henri Eyebe Ayissi l’a réaffirmé lors de son audience avec Raul Mateus Paula, le chef de délégation de l’Union européenne au Cameroun : « Le peuple camerounais n’est pas prêt ni disposé à aller dans le sens du développement de ces pratiques sur son territoire. » De plus, le ministre reproche à l’Union européenne d’avoir agi en violation de la convention de Vienne de 1961 qui stipule que les organisations internationales doivent agir conformément aux lois en vigueur dans les pays hôtes. Selon Gislaine Dikoume, magistrate, le code pénal camerounais est clair sur le sujet : « C’est une infraction qui est prévue par le code pénal camerounais dans son article 347 bis. Et cet article stipule que toute personne qui entretient des rapports sexuels avec une personne du même sexe peut être punie d’une peine privative de liberté qui va de six mois à 5 ans et d’une amende qui va de 20 000 à 200 000 FCFA. »

Au Cameroun, certains homosexuels ont déjà été détenus pour pratique de l’homosexualité. Selon des sources concordantes, 200 personnes sont interpellées chaque année et gardées à vue « arbitrairement » pour cause de pratique de l’homosexualité. 9 jeunes gens détenus à la prison centrale de Yaoundé ont récemment obtenu leur libération.


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