En s'amourachant de Victurnien, la duchesse s'était résolue à jouer ce rôle d'Agnès romantique, que plusieurs femmes imitèrent pour le malheur de la jeunesse d'aujourd'hui. Mme de Maufrigneuse venait de s'improviser ange, comme elle méditait de tourner à la littérature et à la science vers quarante ans au lieu de tourner à la dévotion. Elle tenait à ne ressembler à personne. Elle se créait des rôles et des robes, des bonnets et des opinions, des toilettes et des façons d'agir originales.
Cela fait beaucoup de bien, parfois, de relire un classique que l'on connaît et avec lequel on sait qu'on va passer un bon moment. C'est toujours mon cas avec Balzac, qui est mon romancier français préféré. Mon plaisir est décuplé lorsqu'il s'agit d'un roman mettant en scène cette femme fascinante qu'est Diane d'Uxelles, Duchesse de Maufrigneuse puis plus tard Princesse de Cadignan, et dont je vous avais déjà parlé avec Les secrets de la Princesse de Cadignan. Cette femme mériterait une thèse (mais je n'ai pas du tout l'intention d'en refaire une !) tant elle est riche et complexe. Et personnellement, elle a beau ne pas être très recommandable, je l'aime beaucoup !
Le roman commence en province, dans une famille aristocratique ruinée par la Révolution, les D'Esgrignon. Le vieux marquis, dont la femme est morte en couches, élève avec l'aide de sa soeur le jeune Victurnien. Et il l'élève mal : tenant tous les évènement historiques qui ont fait chuter l'aristocratie comme nuls et non avenus, il inculque à l'enfant le culte de son rang, lui laissant croire qu'il peut faire tout ce qu'il veut sans risquer jamais rien. Afin de le soustraire à de mauvaises influences, on l'envoie à Paris, où il dilapide très vite sa fortune et même plus. Il plaît, et pour se placer au niveau de tous les dandys parisiens (de Marsay, Rastignac...), il doit dépenser beaucoup. Trop. D'autant que malheureusement pour lui, Mme de Maufrigneuse, séductrice achevée, de ces femmes qui font des millionnaires avec des milliardaires, jette son dévolu sur lui. En outre, un complot pour faire tomber la famille d'Esgrignon et ruiner son honneur se met implacablement en place dans sa ville natale. Et Victurnien tombe dans le piège...
C'est un roman assez court, mais vraiment passionnant. Pas très moral au final, mais ce n'est pas l'important. L'important, c'est l'écriture balzacienne, toujours un véritable délice, et la galerie de personnages qui nous est montrée ici. Ce roman, c'est le drame d'une aristocratie qui n'a pas compris le sens de l'histoire, et se heurte à des changements qu'elle réprouve. Et c'est aussi, encore une fois, un très beau portrait de femme, même si on ne voit pas tant que ça Diane de Maufrigneuse, qui manie l'art du déguisement à la perfection, femme passionnée et passionnante, machiavélique et en même temps pas si amorale que cela. Bref, un roman à découvrir, car ce n'est pas le plus connu de l'auteur, mais malgré tout, un de mes préférés !
Balzac étant enterré à Paris, il entre dans le challenge nécrophile de Fashion !
Et comme quelques jolies pages sont consacrées à l'art de la parure de Mme de Maufrigneuse, je le mets aussi dans mon défi "Read me, I'm fashion" (dont la récapitulation du mois de janvier sera faite demain !)