C'est l'histoire mal connue
de Beith Ahawah, un orphelinat juif, fondé à Berlin en 1922
dans un ancien hôpital juif de la Auguststrasse dans le quartier de Mitte, tout près du Tacheles. Les peintres juifs allemands Max Liebermann
et Hermann Struck sont à l'origine de cette initiative, offrant le gîte, le couvert et une instruction à des orphelins juifs d'Europe de l'est, ceux dont les parents ont
péri pendant la Première Guerre mondiale ou encore à des enfants dont les parents étaient persécutés par les nazis. A leur demande, Beate Berger dirigera l'institution. A ce
moment-là, elle n'imagine pas l'aventure qui l'attend. Depuis la cour de l'orphelinat, les enfants entendent les parades du Führer. Les défilés ont lieu dans la
Oranienburgerstrasse, non loin de là. Ils sont intrigués et amusés à la fois, ne soupçonnant pas qu'ils puissent être la cible de l'ostracisme des discours qui résonnent dans
toutes les rues du quartier. Depuis l'arrivée au pouvoir de celui que beaucoup considèrent comme le sauveur de la Nation, la situation devient de plus en plus périlleuse pour les juifs et Beate
Krüger sent bien qu'il en va de la vie de ses protégés, surtout lorsqu'elle écoute les discours haineux du chancelier qui hypnotisent les Allemands et leur redonnent paradoxalement confiance en
l'avenir, qu'elle avise les étoiles jaunes peintes sur les devantures des magasins juifs et cousues sur leurs habits.Elle fait alors le pari fou de transférer son institution en Palestine et de sauver tous les enfants de l'orphelinat. Or les
autorités britanniques de Palestine ne se montrent pas très coopératives et n'octroient qu'aux enfants de l'âge minimum de 15 ans les certificats nécessaires à leur expatriation. Ainsi de 1934 à
1939, elle sauvera la vie d'une centaine d'adolescents, effectuant plusieurs fois les allers-retours entre la Palestine et l'Allemagne. Tous les enfants n'auront pas la chance d'être sauvés,
c'est le cas des plus jeunes et de ceux demeurés à Berlin après la mort subite de Beate Berger suite à une maladie cardiaque. L'ironie du sort est que certains parents juifs, encore vivants à la
fin des années 30, rendront visite à leurs enfants en Palestine, mais devront repartir en Allemagne après l'expiration de leurs visas, les autorités britanniques étant très strictes quant aux
personnes qui franchissent le territoire de ce qui s'appelle encore la Palestine. Les enfants ne reverront pas leurs parents qui finiront par être déportés dans les camps de concentration.
Reportage de la petite nièce de Beate Berger, Ayelet Bargur