La nuit mon esprit s’échauffe et se laisse aller à des pensées particulièrement troublantes. Des pensées qui dénotent des envies d’ailleurs et d’autres choses, des envies d’une vie différente et de moments sans raisons ni sens. Comme une envie de liberté…
Pour être libre de quoi au juste? Je ne sais pas.
Rouler sans but, peut être, me libérerait temporairement de ce sentiment d’inachevé que je ressens la nuit tombée.
Parce que la journée, c’est différent, je ne pense pas vraiment… Ou alors, je survole l’acte de penser, les neurones déjà bien occupés par les péripéties quotidiennes de tout adulte respectable. Je travaille, je m’encombre l’esprit de futilités accablantes, en réfléchissant au stationnement de ma voiture ou à la liste de courses que j’oublierai de toute façon. Certains se sentent alors, le soir, repus de toutes ces pensées structurées et s’endorment paisiblement sur l’oreiller de leur vie en chantier; moi je n‘y parviens pas. Mon architecte intérieur a paumé les plans de la baraque et laisse libre cours à ses fantaisies les plus ambitieuses, d’où mes nuits à la forme interrogative.
Serait-ce la crainte qui m’habite ? La crainte de ne pas pouvoir tout vivre, la crainte d’une porte fermée sur les « et si… » , la crainte de se savoir vieillissant et mortel ou tout simplement la crainte du temps qui passe et qui emporte tout; notamment les rêves fous que l’on finit par laisser de côté; de peur de s’égarer au détour d’une flânerie certainement.
Je lutte donc, la nuit, pour retenir mes rêveries de leur envol vers l’oubli, conservant ainsi mon envie de tout et mon imaginaire en roue libre…
Insatiable esprit que voilà, toujours en quête d’autre chose avant même d’avoir pris le temps d’envisager l’existant.
Puis quoi ?
Je me lèverai demain comme si de rien n’était, ayant presque oublié ce qui m‘a tenu en éveil si tard, reprendrai le cours de ma vie et dissimulerai, inconsciemment, le bonheur doux des rêveurs ayant touché du doigt l’étendard des possibles.