Un langage lubrique et enfantin dans les lettres de Swift

Par Benard


La prude moralité de l'époque n'empêchait pas l'épanchement intime

Rédigé par Clément S., le vendredi 28 janvier 2011 à 10h09 (http://www.actualitte.com/actualite/23967-lettres-swift-femmes-vocabulaire-provoquant.htm)
Les documents manuscrits laissés par Jonathan Swift, papa de Gulliver, et principalement ses lettres, sont de véritables casse-tête. Parce que l'on a du mal à les comprendre.


Les missives qu'il destinait à sa bien-aimée Stella, Esther Johnson et sa compagne, Rebecca Dingley, ont nécessité une traduction, finalement opérée par Abigail Williams, universitaire… et son fils de trois ans. La tutrice en anglais du St Peter's College, à Oxford a passé des heures à tenter de comprendre les lettres pour les éditer et les publier. (voir le communiqué)

À de nombreuses reprises, elle faisait face à des mots barrés et un langage alternant entre grivoiseries et babillage - voire vocabulaire enfantin.

« Je pense que l'effet visait à créer une sorte de jeu de devinettes pour ses lectrices. Les femmes auxquelles il écrivait avaient alors besoin de déchiffrer complètement le texte avant d'en profiter. Un déguisement de caresses affectueuses qui faisait clairement partie d'un code secret de leur intimité et qui caractérise l'ensemble de son Journal », précise-t-elle. (via Guardian)

Si la littérature de Swift sait verser dans le satirique, ses lettres criblées de ratures offrent une fenêtre rare sur son intimité. Des petits noms d'amour un peu spéciaux, un langage de bébé, autant d'indicateurs que Swift utilisait pour signaler son affection et sa tendresse. Quant à ces fameuses paroles enfantines, c'est un vocabulaire très infantilisant, note-t-elle, et particulièrement sexualisé. Ainsi :
I am sorry for poo poo ppt, pray walk hen oo can
Qu'il faut comprendre comme :
I am sorry for poor poor poppet, pray walk when you can
Elles sont également serties de petits noms d'oiseau, gentiment employés, Stella devient alors une « agreeable bitch », mais Swift ne se prive pas d'autres qualificatifs, comme huzzies, naughty girls (bon titre pour une chanson de Britney Spears) ou insolent rogues.

Et pour traduire, bitch : salope, huzzies désigne une pute idiote et rogues un vicieuse. Le romancier ne se prive d'ailleurs pas de dire tout le mal qu'il pense du corps féminin… (via Independent)