Sons of Anarchy: Saison 1
En 2010, j'ai eu le coup de coeur pour Justified, drama de FX centré sur cowboy des temps modernes. Au fur et à mesure des épisodes, je suis peu à peu tombé amoureux de l'univers anachronique que développait la série. Au point de faire déjà de Justified, à la fin de sa première saison, l'une de mes séries préférées. Ce que je ne savais pas, c'est que ce FX disposait déjà alors d'un autre show anachronique: Sons of Anarchy.
Découverte sur le tard, suite à de nombreux éloges lus l'été dernier sur la série, la dimension anachronique de la série m'est apparue comme une évidence dès le départ. Et c'est peut-être pour ça que j'y ai si rapidement accroché. L'histoire du club de SAMCRO a ainsi beau se dérouler dans un univers contemporain qui est celui des bikers sans foi ni loi de l'Amérique profonde, elle peut aussi presque s'assimiler à un conte médiéval. On peut voir la ville de Charming comme un royaume dont le président des sons, Clay Morrow, serait le roi, sa femme, Gemma Teller, la reine et le fils de celle-ci, Jax, le prince prétendant au trône. Les autres membres du club, Chibs, Tig, Oppie, etc, seraient quant à eux un peu les chevaliers de Clay. D'ailleurs, tels les chevaliers de Camelot, eux aussi ont droit à leur Table, certes pas ronde, mais table quand même autour de laquelle ils se réunissent régulièrement pour décider de l'avenir de leur club. Enfin, il y a les conflits avec les autres gangs qui s'apparentent à des guerres entre royaumes et de fait, même si l'armement n'a plus rien à voir avec celui du Moyen-Âge, les motivations sont les mêmes: plus de territoire et plus de richesses. Mais au-delà de cet aspect d'hybridation temporelle qui me tient beaucoup à coeur, Sons of Anarchy c'est une série qui déchire définitivement trop sa race (ou pas) pour 10 autres raisons:
1. SAMCRO, un club uni et puissant. L'unité et la puissance, ce sont clairement les aspects de SAMCRO que cherchent à illustrer les premiers épisodes de la série. Pour ce qui est de l'unité, ils y parviennent grâce à l'esprit de franche camaraderie et de solidarité existant entre les sons. Celui-ci est mis en relief par la complicité évidente régnant entre les différents acteurs. De plus, chacun de leur personnage a sa particularité, complémentaire à celle des autres. Clay est le grand décisionnaire du club, Jax, son garde-fou, Chibs, son sage, Tig, son fidèle soldat, Juice, son clown, Prospect, son homme à tout faire, etc. Mais ce qui les rapproche tous, ce sont leur goût pour les Harley, le sexe, les armes et la bagarre. Quant à la puissance du club, elle apparaît à travers le respect qu'éprouvent les habitants de la ville de Charming envers ses membres. Que ce soit la police, dont le chef, Unser (génial Dayton Callie) a été acheté par Clay, ou les grosses fortunes de la ville comme Elliott Oswald qui vient d'ailleurs carrément demander au club de retrouver le violeur de sa fille.
2. Jax, entre héros et anti-héros. C'est LE vrai personnage principal du show, celui autour duquel tout gravite. Un tel rôle ne pouvait être mieux rempli par Charlie Hunnam, formidable de retenue et d'émotion et acteur extrêmement charismatique. D'abord bad boy pas si bad que ça, Jax va progressivement changer au long de la saison, du fait de son récent statut de père et des connaissances qu'il acquièrent en lisant les pensées de son père. Ce qui le fait prondément se remettre en question. Et à mesure qu'il est confronté à de plus en plus de violence et d'immoralité, le drame d'Oppie dans The Sleep of Babies en étant son paroxysme, c'est à une vraie et poignante prise de conscience qu'il aboutit dans le season finale, The Revelator qui porte parfaitement son nom.
3. Clay, chef torturé. J'ai lu bien des éloges concernant les personnages de Gemma ou Jax, mais rarement sur Clay. Il fallait rattraper cette erreur. Car Clay Morrow est un personnage, si ce n'est parfois plus fascinant, tout aussi complexe que Gemma et Jax. Entre pouvoir et responsabilité, figure paternel et mari, biker sans pitié et chef proche de ses compagnons, c'est un rôle à multiple facettes et qui brille plus particulièrement lorsqu'il est tiraillé entre deux valeurs contradictoires. On peut remercier d'ailleurs Ron Perlman et son interprétation tout simplement bluffante pour ça.
4. Gemma, la lionne. Plus qu'un membre à part entière de SAMCRO, elle en est le pilier, la boussole. C'est celle qui veille de loin sur chacun de ses membres et plus particulièrement sur son fils. Et quand la situation du club s'envenime ou qu'il s'agit de défendre ses propres intérêt ou de ceux de sa famille, on peut compter sur Gemma Teller pour agir en vraie mère lionne, féroce et intraitable. Un rôle fort et poignant, magistralement interprétée par une Katey Sagal, replendissante de naturel et d'assurance.
5. Les secrets de Clay et Gemma. Tous leurs petits mensonges, leurs non-dits notamment sur la mort de John Teller, premier mari de Gemma et fondateur de SAMCRO, ça participe à la mythologie de la série. Grâce à eux on construit donc une sorte de mythe autour de la création du club, du passé des Teller-Morrow. Une belle idée qui donne d'autant plus envie d'en savoir plus sur ces sujets. Surtout que le duo Perlman/Sagal réussit à donner une vraie envergure à ces mystères. Il faut dire que c'est un couple qui a définitivement beaucoup de chien.
6. Jax/Tara. Une relation torturée qui évolue tout au long de la première saison. Car, retrouvés après des années de séparation, du fait du départ de Tara pour étudier a Chicago, les deux tourteraux vont peu a peu se redécouvrir, se rapprocher, parfois à nouveau s'éloigner mais pour finalement totalement renouer malgré les obstacles qui vont les séparer tels que l'ex-femme junkie de Jax (excellente Drea De Matteo) et leur bébé prématuré Abel ou l'ex-copain obsédé de Tara. Le thème de l'amour impossible peut peut-être parfois paraîre redondant mais on finit vite par dépasser l'impression de déjà-vu grâce à l'incroyable alchimie que partagent Charlie Hunnam et Maggie Siff qui réussissent à redonner tout son sens à l'expression "fait l'un pour l'autre" sans tomber dans la niaiserie.
7. Le problème Kohn. Interprété par Jay Karnes, un habitué des rôles de psychopathes, l'agent Kohn est le stalker de Tara. Si l'intrigue démarre timidement, elle finit par prendre beaucoup plus d'ampleur au fur et à mesure que Kohn perd les pédales, pour finalement s'en prendre directement à Tara dans le génial épisode The Pull. La chute du personnage est d'autant plus intéressante que c'est sur elle que se scelle la réunion de Jax et Tara. Et c'est toute l'ironie de l'histoire, car en voulant récupèrer Tara et l'éloigner de Jax, Kohn finit par les rapprocher.
8. Les stratagèmes de l'agent Stahl. Agent de l'ATF enquêtant sur SAMCRO, Stahl est la bitch par excellence interprétée avec brio et charisme par Ally Walker. Présentée comme vicieuse, tordue et impitoyable, elle a toujours dans sa manche un plan machiavélique pour piéger les Sons. Elle va ainsi s'amuser en fin de première saison à semer la discorde parmi eux grâce à des subterfuges défiant souvent les limites de la morale. Ce qui nous offre une véritable partie d'échecs entre elle et le club particulièrement excitante.
9. Les difficultés financières d'Oppie et Donna. Leurs problèmes peuvent paraître assez chiants et insignifiants au départ mais lorsque Stahl décide d'en tirer profit en payant leur dettes pour laisser croire aux Sons qu'Oppie les a trahi, ils prennent une toute autre importance car cela vient participer au développement de l'arc principal. L'issue tragique de l'intrigue, habilement préparée, va même bouleverser en profondeur la série, donnant alors au personnage d'Oppie, qui peinait parfois à être attachant, beaucoup plus d'intérêt.
10. La guerre contre les Mayans. Le conflit est savamment exploité durant toute la première partie de saison, apportant alors son lot de fusillades, pactes, trahisons et guet-apens. Cette guerre des gangs est ainsi l'occasion d'offrir aux téléspectateurs leur dose d'action pure et dure, mais aussi d'expliquer le fonctionnement interne du club, ses tactiques de combats, ses relations par rapport aux autres gangs, ses moyens de financement. Elle permet aussi d'évoquer l' histoire et les coutumes de SAMCRO, comme par exemple dans Patch Over où le club décide de procéder à un patch-over justement, c'est-à-dire, absorber un club allié pour se renforcer, une opération qui est généralement suivi dans la tradition des sons par une soirée de beuverie et de débauche entre les deux clubs pour sceller leur union.
En conclusion, à la fois extrêmement fine et violente, Sons of Anarchy brille par son écriture maîtrisée, la complexité de ses personnages et son atmosphère particulièrement authentique. Sa première saison nous plonge efficacement au coeur des drames de l'Amérique profonde, faisant de l'histoire de la survie de SAMCRO, de ses guerres, ses remises en question, un récit des plus boulevsersant et palpitant. Une franche réussite.