Wikio Group, Fred Lefebvre, NTIC et révolutions

Publié le 28 janvier 2011 par Copeau @Contrepoints

Je l’avais mentionné dans une brève précédente : Fred Lefebvre, la référence passion en matière de bruyantes idioties, a demandé à la DGCCRF d’enquêter sur les sites web d’avis de consommateurs, et les blogs ayant une audience nationale afin de vérifier que leurs avis ne sont pas de honteuses publicités.

À la suite de quoi, l’avocat de Wikio Group s’est fendu d’une lettre, assez bien tournée, établissant quelques informations essentielles à l’attention du secrétaire d’état à la Taxation et l’Empêchement du Commerce et au Prenage des Petits Internautes Pour Des Andouilles.

Notant que les internautes ont une démarche active lorsqu’ils recherchent un produit sur internet au contraire des téléspectateurs avachis devant leur télé, et remarquant qu’un blogueur dispose d’une influence strictement liée à la confiance qui s’est tissée entre lui et ses lecteurs, Wikio Group insiste donc sur le fait que les promotions visibles sur internet sont certainement présentées de façon plus fiables et bien plus faciles à prendre dans leur contexte qu’à la télé.

J’aimerais ainsi et surtout attirer particulièrement votre attention sur le fait que c’est tout un système de confiance qui s’est créé entre blogueurs et lecteurs, entre comparateurs et adeptes de ces comparateurs. Ainsi, lorsqu’un spammeur professionnel est identifié, ses commentaires sont le plus souvent rejetés par le blogueur.

J’ai pas mal apprécié la conclusion de la lettre, qui remet un peu les choses en perspective pour notre frétillant politicien dont le mandat devra un jour être soumis à la bonne volonté des citoyens qu’il tente d’entuber une fois de plus :

Internet, loin d’être une mafia qui se serait développée en l’absence de l’État, est un écosystème sain et qui fonctionne (…) il serait temps de concevoir que ces internautes, s’il est avéré qu’ils ne sont pas tous des trafiquants, proxénètes, racistes, violeurs et psychopathes, sont en revanche bel et bien des électeurs.

Eh oui : bien que beaucoup d’internautes avouent avoir une tendresse coupable pour les nazis pédophiles partouzeurs de gauche, il leur arrive parfois de s’agacer des comportements stupides des élus qu’ils portent au pouvoir.

De façon diamétralement opposée et si les internautes sont des électeurs, on peut en revanche sérieusement s’interroger pour savoir si nos élites dirigeantes sont, même sur un malentendu, parfois des internautes ?

Comprenez-moi bien : il ne s’agit pas de savoir si Fred Lefebvre, dont très manifestement les cheveux poussent autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la boîte crânienne, est capable de se servir d’un ordinateur. Il est évident que l’objet ne doit lui apporter qu’une certaine révulsion.

Il ne s’agit pas plus de s’imaginer que Nicolas Sarkozy, bien qu’un habitué des péroraisons pénibles sur l’interweb et les nouvelles technologies qu’on bouge avec un mulot, est un l33t hax0r de première bourre : il est plus que probable qu’en réalité, notre frétillant président n’a jamais eu à mémoriser le moindre mot de passe pour une messagerie, le moindre compte facebook, twitter, hotmail, msn, meetic, j’en passe et des meilleures, et que son rapport aux ordinateurs se cantonne aux appels téléphoniques et petits coups de mentons qu’il adresse à ses secrétaires en charge de sa communication électronique.

Mais en fait, ceux qui, sans arrêt actuellement, mettent leur gros museau humide dans les affaires internautiques sont de parfaits incompétents, dans la plus pleine acceptation du terme : ils n’ont, stricto sensu, absolument aucune compétence, aucune idée, aucune expérience de ce que peut bien être internet.

C’est tellement confus et éthéré dans leurs esprits embrumés par des déjeuners trop capiteux qu’il est impensable que les décisions qu’ils prennent ne soient pas parfaitement comparables, en toute objectivité, aux choix brumeux que ferait un poivrot chargé à 2.5g/l dans sa 205 à 120 km/h sur une départementale verglacée.

Et d’ailleurs, les résultats obtenus, en ce compris les tôles froissées, les fractures multiples et les discours incohérents, sont tout aussi comparables : s’imaginant prendre avec souplesse le virage des technologies de l’information, ils se retrouvent en fait rapidement propulsés dans le décor pendant que le reste du monde, lucide, continue sa route prestement. Abandonnés, l’haleine chargée et les vêtements déchirés, au milieu des champs boueux de raisonnements d’un XXème siècle poussiéreux, à cheval entre Charles de Gaulle et le formica des années 70, nos élites s’excitent comme des puces à l’idée de réglementer tout ce bazar qu’ils ne comprennent pas.

Tous les jours montrent d’ailleurs le décalage entre les politiciens, les « puissants », et le peuple qui utilise, lui, pour de vrai, les nouvelles technologies. Comme le note l’Hérétique dans un récent billet, la récente révolution tunisienne et actuellement égyptienne montre la prépondérance des moyens nouveaux de communication. Et si la « soupape démocratique » que constitue les élections régulières et la liberté d’expressions jouent pour apaiser l’inquiétude de nos propres politiciens, il ne faut pas se leurrer : tous, autant qu’ils sont, savent qu’ils jouent de plus en plus gros à pipeauter, à tenter de tout contrôler.

Tout ceci est fort intéressant. Ce sentiment de gêne, de perte de contrôle, qu’on peut lire dans les yeux de nos politocards nous remémorent cette phrase célèbre de Jefferson :

« When governments fear the people, there is liberty. When the people fear the government, there is tyranny. »
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