Magazine Culture
Petite sensation des festivals et le Prix Michel D’Omano en poche pour le meilleur premier film français à Deauville, le Angèle et Tony d’Alix Delaporte se pose à Port-en-Bessin, dans le Calvados : port de pêche, crise économique, falaises et froideur des bords de mer. L’homme (très convaincant Grégory Gadebois) en plein deuil du père, la femme (Clothilde Hesme, impliquée) en pleine reconquête du fils. Contexte social électrique et affrontements avec les CRS d’un côté, sortie de prison et liberté conditionnelle de l’autre. Ambiance. Mais, au-delà de la peinture de la colère qui anime les protagonistes, Delaporte a voulu parler d’autre chose : d’une rencontre entre deux êtres que rien ne rapprochait, d’une magie qui s’immisce dans le quotidien, d’amour tout simplement. Avec retenue, âpreté, pudeur. Là où le Vent Mauvais d’Allagnon se servait du cadre pour alimenter son thriller, Delaporte, lui, y pose un regard plus tendre, tout en nuances : sa mer avale et détruit, mais nourrit aussi, apaise, sublime. Tout comme la mère, héroïne du quotidien, combattante écorchée vive, déçue, louve prête à tout pour retrouver l’étincelle dans les yeux de son gamin. Angèle et Tony est un film tout aussi replié sur lui-même que généreux, peu causant mais intense, qui colle de la beauté sur de petits rien : un regard, un morceau de piano, une atmosphère, un mot. C’est un film d’acteurs, pas de mise en scène, un film sur des corps- massifs, forts, fragiles, tendus. C’est un duo inoubliable, une vraie composition- juste, sensible, authentique- pour Hesme et Gadebois, couple qui va de soi, vraiment assorti, naturel, atypique- dont il émane une lumière formidable et de jolis éclats de vie. Angèle et Tony, love story en Normandie, transcende alors morosité, drame et misérabilisme, et lâche- délicatement, modestement, discrètement- un doux message d’espoir et de candeur au cœur des afflictions.