La vision sur la Province d’une Parisienne pur jus est souvent gratinée. Pétrie de convictions et d’idées reçues, elle ne jure que par la capitale et pense encore que la province baigne dans le passé comme un film de Claude Chabrol, entre gigot de 8 heures, balade autour du lac et musée du tir-bouchon. Sans oublier le Macumba Club du samedi soir, sujet de moqueries éternelles (c’est vrai que claquer 30 euros dans une coupe de champagne au Plaza c’est tellement plus sympa). Et donc, moi la première, et à ma courte honte, je me suis aperçue que je trainais un vieux relent du fameux mépris « anti-province ». Un sentiment de dédain pour ces provinciaux qui me semblaient presque plus exotiques que le peuple Maïwaw de Namibie. Comment ? Quoi ? Ils n’ont pas de boutique Pierre Hermé à Nantes ? Pas un seul corner Isabelle Marant à Toulouse ? Pas d’expo Manet-Monet-Money ? AAArrrrhhhh, misère mais comment font ces pauvres hères pour survivre en milieu si hostile ? La vie ne doit être qu’un long fleuve soporifique comme une soirée devant Sabatier. Les jeunes doivent se suicider par poignée, les vieux se pendre avec la ceinture de leur robe de chambre Damart, les couples déprimer devant leur pizza chez Pino. Li-bé-rez la pro-vince ! 60 millions de personnes sont prises en otage pas un mot dans le JT de Pernaut. Mais où va le monde ?
Bon ça c’était avant. Avant que je me prenne moi-même en otage en m’expatriant à Marseille. Volontairement, sans flingue sur la tempe. Et j’ai même entraîné avec moi ma fille et mon mari. Mais qu’est-ce qui m’est passé par la tête ? Juste quelques indices qui parlent à tous les parigots (têtes de bobos) : les m2 qui se transforment en cm2 (car à Paris chaque centimètre carré vaut le prix d’un vison Fendi en solde), le métro qui rend marteau (spéciale dédicace à la ligne 7 qui n’a définitivement pas grand-chose à voir avec la Nationale 7) et surtout ce temps infiniment, éternellement, parfois magnifiquement mais la plupart du temps horriblement gris, bas, triste. Ce temps qu’on ne remarque plus mais qui nous plombe le moral. Je comprends mieux le concept de « ville lumière », pour habiller la ville, on avait intérêt à tout miser sur les monuments et planquer ce temps de merde ou en tout cas le faire oublier. Donc me voici de l’autre côté de la barrière. Je suis passée de « the place to be » à « la Place de la mairie », du Mathis Bar à Chez Marc et Maryse, de « Fluctuat nec mergitur » à « Droit au but avec l’OM ». Ouaip, ça change. Un peu. Beaucoup même pour être honnête. Mais c’est bien. Et pour bien le vivre il suffit juste de ne jamais comparer. On ne pourra jamais se perdre dans les rues de Marseille comme on se perd dans les rues de Paris. Mais on ne pourra jamais profiter à Paris de la lumière de Marseille. Celle qui blanchit la ville et la fait ressembler à Alger. Oui, définitivement, il ne faut pas comparer. Juste aimer.