Si, comme moi, vous commencez toujours la lecture de Libé par la dernière page, voilà un livre qui doit absolument figurer dans votre bibliothèque!
4e de couverture: depuis le 26 septembre 1994, Libération donne chaque jour rendez-vous en "der" à ses lecteurs en leur proposant une rencontre avec une célébrité ou un anonyme. Enquête et photo se conjuguent et livrent les vérités et les secrets des personnes rencontrées. Pour nombre de lecteurs de Libé, le réflexe est immuable: la lecture de leur journal commence par la fin, par cet exercice de journalisme sans équivalent, ou presque, dans la presse française.
Plus de 3000 noms, de Mikhaïl Gorbatchev à Bruce Willis, en passant par Françoise Sagan et Loïck Peyron, ont défilé là, "une sorte de casting géant pour animer le film de l'actualité mondiale", comme l'écrit Laurent Joffrin. Libération-Portraits 1994-2009 est un recueil des meilleurs épisodes de cette saga illustrée par de grands portraitistes.
Extrait de "La 'der', mode d'emploi", par Luc Le Vaillant, responsable du service Portraits:
(vous pouvez lire l'intégralité ici)
L'idée de départ est assez simple. La "une" du journal s'ouvre sur le monde tel qu'il va mal, sur la chose commune et sur les enjeux collectifs. La "der" va parler de l'individu, de sa vie, de ses envies. Plan large et plan serré. Macro et micro. Le multiple et l'un.
On est en 1994. Les progrès techniques et les évolutions magazines des quotidiens ont libéré cet espace longtemps requis pour les informations de dernière heure. La "der" est à prendre. Marie Guichoux, soutenue par Serge July, va imposer une approche plus personnelles des gens, connus et inconnus, qui font l'actualité et l'air du temps.
Quinze ans et 3000 portraits après, l'ambition n'a pas changé. Il s'agit toujours de raconter à égalité les personnages publics et les singularités anonymes, les puissants et les démunis, les exhibos et les cachés, les "culturés" et les analphabètes, en France et à l'étranger, en politique et dans les affaires, dans les hôpitaux, les prétoires, les usines, sur les scènes et les stades, avec paillettes, au firmament ou dans la débine. En fin d'année, quand on revient sur nos pas, on est contents quand on a su repérer les émergents et les déchus, les adorables et les détestés, les signifiants et les décalés, tous ceux qui font l'époque.
Le portrait de "der" s'est inventé en marchant, mais n'a jamais dérogé à une règle de base: la rencontre. On rencontre tous les "portraiturés" en tête à tête, en poussant dehors les attachés de presse. Et on fait des pieds et des mains pour les voir chez eux, et pas en cinq minutes. Ensuite, on enquête alentour. Et c'est comme si l'on partait pour un délicat voyage intérieur, pour un grand et long reportage dans leur tête. Pareil pour le visuel, là aussi il y a rencontre. Libé "produit" ses photos et ne les retouche pas. Ce qui explique la fin de non-recevoir de certaines stars très contrôleuses. Bon an mal an, on tient sur cette ligne de crête. Et ça se voit et ça se sent qu'il y a de l'affect et de la chair dans tout ça. Dévoré par télés et radios, l'écrit ne survivra que s'il est capable de transmettre cette émotion qui naît d'un choc des corps et des esprits. Emotion, irritation, séduction, qui ensuite se retrouvent mises en perspective sur le papier. Déformées, tordues, peut-être. Mais en toute honnêteté, à défaut de l'impossible objectivité.
Bon plan: l'ajout de l'année 2010 dans la chronologie de la plupart des interviewés, pour qu'on sache ce qu'ils sont devenus (voir la photo ci-contre)...
Prix: 35 euros
Infos:editionslatableronde.fr