Le plus dur, dans le métier de parent, ce n'est pas tant de changer des couches ou de passer des nuits blanches parce que bébé a le sommeil léger...
Le plus dur, dans le métier de parent, c'est d'accepter que son enfant grandisse et qu'il devienne autonome.
C'est réussir à lui donner les clés nécessaires pour affronter la vie, en se trompant le moins possible.
C'est le regarder prendre sa place dans le monde, accepter qu'il finisse par nous échapper un jour.Et puis, finalement, le plus dur, dans le métier de parent, c'est cette crainte à vie que l'enfant soit blessé ou qu'il ne soit pas heureux, avec en arrière fond un sentiment de culpabilité, l'impression de ne pas avoir fait ce qu'il fallait.
Lolotte va gentiment sur ses 9 ans, à son âge je faisais un milliard de trucs de plus qu'elle toute seule. Plus qu'autonome, j'étais quasiment livrée à moi-même. Et, depuis qu'elle est née, je suis partagée entre l'envie de reproduire la même chose et le besoin de la protéger un maximum.
Depuis le début de l'année, Lolotte est chargée d'acheter le pain et le dessert du dimanche. D'une sociabilité exacerbée, cela ne lui pose aucun problème d'aller faire la conversation à la boulangère, de choisir des pâtisseries selon nos goûts et le prix, de payer avec l'argent de papa et maman et de ramener la monnaie sans se tromper dans ses calculs. Cette enfant est affolante de maturité dans certaines situations.
Pour accomplir cette mission, Lolotte s'habille chaudement pour sortir tandis que je traîne encore dans ma tenue wiiesque. Nous lui confions l'argent et passons notre commande. Elle a quartier libre pour le choix des pâtisseries!
Pendant qu'elle descend les trois étages, je me poste à la fenêtre et je la surveille. Je la vois sortir de l'immeuble, traverser le carrefour, entrer dans la boulangerie. Puis, j'attends qu'elle refasse le chemin inverse. Pendant tout ce temps, je retiens ma respiration, tandis que mon coeur bat la chamade. Et quand elle arrive à la maison, détendue comme si elle avait fait ça toute sa vie, je ne peux m'empêcher de la serrer dans mes bras.
Dans 2 ans, Lolotte ira au collège et voudra y aller seule, ce qu'elle réclame déjà alors qu'elle n'est qu'au CE2. Il va falloir lui apprendre à toujours être vigilante dans la rue pour ne pas se faire renverser.Il va falloir lui expliquer que certaines personnes sont malveillantes et qu'il ne faut pas les fréquenter.Il va falloir accepter qu'elle aille seule au cinéma, avec ses copines, ou faire les magasins.Puis, elle grandira, encore un peu et deviendra une jeune fille. Avec tout ce que cela implique. Les garçons, la clope, la drogue, les soirées alcoolisées.
Personne ne m'a appris à grandir. Je me suis toujours débrouillée toute seule. J'ai découvert la vie à travers mon seul et unique regard. Aujourd'hui, je doute parfois de ma capacité à accompagner ma fille vers l'âge adulte. J'ai un noeud à l'estomac quand je la regarde grandir, avec le recul, je l'ai toujours eu : pour ses premiers pas, son premier jour d 'école, sa première dent perdue.
J'ai toujours eu hâte que mes enfants grandissent, qu'ils deviennent plus indépendants. Aujourd'hui je m'en veux, j'ai l'impression de pas avoir assez profité de mes bébés.