Quand sommes-nous partis d’Afrique ? L’analyse d’objets rapportés de récentes fouilles dans la Péninsule arabique suggère que l’homme moderne a quitté son berceau est-africain bien plus tôt qu’on ne le pensait.
L’homme moderne est apparu il y a 200 000 ans, si l’on en croit les plus vieux ossements retrouvés. Selon la théorie communément admise, il a quitté l’Afrique de l’Est il y a environ 60 000 ans. Mais, d’après les résultats des travaux d’une équipe pluridisciplinaire, publiés aujourd’hui dans Science, des hommes modernes ont franchi la mer Rouge il y a 125 000 ans.
Des outils caractéristiques de l’homme moderne. Sur le site de Jebel Faya, aux Émirats Arabes Unis, des archéologues ont trouvé des outils en pierre taillée. Quand on considère un tel outil, la technique utilisée est caractéristique de l’espèce et de l’”époque”.
La technique employée pour façonner les bifaces retrouvés dans la strate correspondant à 125 000 ans “indique une très probable origine est-africaine des outils” a indiqué l’archéologue américain Anthony Marks, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse, peu avant la publication des travaux.
Auraient-ils pu être fabriqué par d’autres espèces ? En effet, les autres espèces d’hommes ont migré à travers ces régions avant l’homme moderne. Anthony Marks cite le cas d’hommes de la période acheuléenne qui ont disparu 400 000 avant que les outils de strate de Jebel Faya n’aient été fabriqués. Donc l’hypothèse d’une “origine est-africaine” est confortée puisque les outils ont été datés avec précisions grâce à le technique de datation par luminescence.
Comment l’homme moderne a franchi la mer Rouge ? Il y a environ 130 000 ans s’achevait une ère glaciaire. Pendant cette ère, les pôles étant très étendus, le niveau de la mer était très bas. Par ailleurs, les grands déserts étaient en expansion, poussant les populations vers l’est de l’Afrique. Quand elle a pris fin, explique Adrian Parker de l’Université d’Oxford, “les moussons sont remontées au nord apportant de la pluie sur la Péninsule arabique” qui était jusque-là aride.
Pendant une courte période, le niveau de la mer est resté très bas (voir tableau ci dessous). Les hommes ont pu , pendant cette petite fenêtre, traverser la mer Rouge sans mal et trouver sur l’autre rive un climat propice. Selon les scientifiques, à l’endroit le plus étroit, la mer Rouge ne faisait que quatre kilomètres. D’après Hans Pedro Ortun, la traversée était possible à marée basse, mais ils auraient aussi pu “utiliser des embarcations qu’ils avaient très certainement la capacité de fabriquer”.
Avec cette nouvelle hypothèse, c’est tout le déroulement de la sortie d’Afrique qu’il faut repenser, comme le souligne Hans Pedro Ortun :
“Jusqu’à présent, nous pensions que c’étaient les développements culturels qui donnaient aux peuples l’opportunité de se déplacer hors d’Afrique. A la lumière de ces recherches, je pense désormais que c’est la modification du climat et de l’environnement qui est primordiale.
Le passage d’une ère glaciaire à une ère inter-glaciaire a ouvert d’autres voies pour quitter l’Afrique. C’est arrivé une fois, ça a pu se produire à d’autres occasions pendant le quaternaire.”