L’une des questions qui se posent aujourd’hui aux experts et décideurs est celle de la « sortie de crise ». Mais, à observer les dix dernières années, la question est assez différente : observe-t-on, malgré les crises subies, des tendances fondamentales de nature à améliorer le fonctionnement et les performances de nos économies ?
La réponse est oui, indiscutablement, dans 4 domaines-clés :
La diffusion de la croissance :
- Par-delà la crise des trois dernières années, la croissance s’est confirmée au sein des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et aujourd’hui Afrique du Sud.
- l’Amérique latine a touché les bénéfices de sa stabilisation politique et bénéficié d’exportations minières soutenues par les cours favorables des minerais et métaux. En 2010, la croissance du sous-continent aura été de 5 à 6 %.
- L’Afrique connaît également un développement rapide. La croissance ne devrait pas y être inférieure à 5 % en 2011.
Toutes ces évolutions vont modifier profondément les flux commerciaux et les équilibres de la planète au cours de la décennie qui s’ouvre.
La diffusion des idées :
- Le réchauffement climatique, par-delà les lenteurs de la concertation internationale, est désormais reconnu comme un problème sérieux par une majorité des décideurs et des populations. Cette prise de conscience entraîne le développement accéléré de technologies porteuses d’avenir : voitures électriques, habitat à basse consommation, bio-énergies… – la liste serait longue.
- La conception même de la croissance s’est enrichie de considérations qualitatives auxquelles sont prêtées une crédibilité et une attention inconcevables voici dix ans.
- les notions de responsabilité sociale et de gouvernance ont, elles aussi, fait leur chemin dans les esprits. A tous les niveaux de la société, elles sont devenues familières et indissociables d’une croissance durable.
Les progrès des institutions :
- La crise récente a mis au premier plan la nécessaire concertation internationale et ses institutions privilégiées : FMI, G20, institutions européennes… – au sein desquelles il faut maintenant compter le Fonds européen de stabilisation financière. Certes, nous sommes loin d’une « gouvernance mondiale ». Mais l’expression se répand bel et bien : le sentiment d’interdépendance a progressé.
- L’idée s’est aussi répandue que le développement économique ne peut s’appuyer que sur la stabilité politique, dont les régimes démocratiques sont meilleurs garants. Dès lors, un regard plus aigu est aujourd’hui porté par les grandes organisations internationales (ONU, Union européenne,…) sur la légitimité institutionnelle des régimes politiques en place. La Côte d’Ivoire est l’exemple le plus récent de ce « droit d’ingérence institutionnelle ».
La diffusion des moyens de communication :
- L’essor extraordinaire d’Internet aura constitué l’un des phénomènes les plus marquants de la décennie écoulée. Sous tous ses aspects (diffusion de l’information et des connaissances, communication, commerce, …) cet essor est porteur d’un considérable potentiel de croissance pour la planète.
- L’essor des réseaux sociaux est lui aussi un phénomène majeur de ces dernières années – l’avenir nous dira comment évoluera la Tunisie, mais qui aurait cru, voici quelques mois, à ce que les jeunes tunisiens appellent entre eux la « révolution Facebook » ?
- les outils nomades ont connu eux aussi une progression à deux chiffres, avec un nombre croissant d’applications, et un pouvoir d’attraction inentamé, notamment au sein des jeunes générations, qui forment souvent une part importante de la population des pays accédant au développement. Et leur efficacité est la plus grande dans les pays manquant le plus d’infrastructures.
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On le voit : ces évolutions recèlent un potentiel de croissance remarquable dans l’industrie comme dans les services.
Certes, tout ceci, par sa nouveauté même, exigera la définition de nouvelle normes, de nouvelles régulations, de nouvelles organisations peut-être. Mais au moins ces constats relativisent-ils l’image pessimiste d’un avenir dont nous ne verrions que les risques, oubliant le développement dont il est porteur. Bien sûr, nous vivrons d’autres crises : la planète est en mouvement rapide. C’est vrai, mais il y a mieux : elle est en progrès.
Suite de notre article du 19 janvier