Il dîne avec quelques riches donateurs de l'UMP dans un hôtel de luxe. Il reçoit le lendemain un rapport sur (certains)
conflits d'intérêts. Il tient dans l'urgence, dans l'après-midi, une réunion sur la récidive criminelle après la
tragédie de Pornic. Il célèbre le renforcement des relations ... avec la Colombie. Il organise une émission de télévision, « face aux Français » le 10 février prochain. Il promet une
centaine de déplacements de « terrain » dans l'année. Nicolas Sarkozy fait feu de tout bois, quitte à risquer le dérapage incontrôlé, quinze mois avec le scrutin présidentiel.
Les conflits d'intérêts... des autres
Mercredi 25 janvier, Nicolas Sarkozy a reçu le rapport
attendu des trois « experts » sur la prévention des conflits d'intérêt. Le communiqué de l'Elysée fut sobre comme la
déclaration de vertu d'un parrain de la mafia : « le Président de la République a rappelé que les attentes des citoyens Français en matière d'impartialité, d'objectivité et de probité des
décideurs publics exerçant les plus hautes responsabilités ou intervenant dans des domaines sensibles comme la santé publique ou la sécurité sanitaire, étaient de plus en plus fortes et
légitimes.» Nous avons bien lu : Sarkozy évoque les « décideurs publics exerçant les plus hautes responsabilités.» Si les propositions sont « choc » (dixit le
Figaro), rassurez-vous, elles ne concernent ni les
parlementaires ni la plus haute autorité du pays, la Présidence. En près de 4 ans de mandature, la pratique monarchique du pouvoir présidentiel par Nicolas Sarkozy a pourtant montré combien la concentration de puissance pouvait
être extrême. Lors de l'installation de nouveaux « Sages » au Conseil Constitutionnel en mars dernier, il avait même osé
déclaré que « la notion de contre-pouvoir est étrangère à notre conception de l'Etat et de la République ».
Et l'affaire Woerth/Bettencourt, entre autres, avait pourtant montré combien la confusion des genres pouvait être détestable
: un ministre du Budget par ailleurs trésorier du parti majoritaire, son épouse embauchée en cours de mandat par une milliardaire soupçonnée de fraude fiscale, un hippodrome vendu à Compiègne
dans des conditions qui valent au dit ministre une enquête de la Cour de Justice... Que fallait-il d'autre ? Le président des Riches, au printemps, avait tardé à réagir. Puis, le 12 juillet, il
lâcha l'idée de cette commission de réflexion, installée trois mois plus tard et avec un objet très restreint. Ensuite, le ministre Woerth fut remercié du gouvernement en novembre dernier, et
abandonné à son triste sort.
Arroseur arrosé, le Monarque expliqua qu'il voulait « mettre en œuvre les mesures contenues dans le Rapport de la
commission qui auront été retenues ». Notez la précision des termes : Sarkozy veut mettre en oeuvre celles des recommandations qu'il aura retenues... Quelles seront-elles ?
Son ancien A peine élu, Sarkozy avait placé son ancien directeur de campagne Laurent Solly chez TF1. Son ancien conseiller économique François Pérol est parti pantouflé, sans contrôle, à la tête
des Banques Populaires et des Caisses d'Epargne. Les soupçons de financement politique illégal de
sa campagne de 2007 par Liliane Bettencourt sont en cours d'investigation, après de nombreuses embuches au travail serein de la justice semées depuis l'Elysée. Le services de renseignement
intérieur, fusionnés en 2008 et placés sous la coupe de Sarkozy, ont été privatisés pour identifier la source des rumeurs d'infidélité conjugale au sein du couple présidentiel en février 2010 , espionner un
journaliste du Monde, à deux reprises au moins, dans l'affaire Woerth/Bettencourt, ou filer, en septembre 2009, Dominique de Villepin, au début du (premier) procès Clearstream. Et quelles
seront les déclarations d'intérêt parmi ses conseillers élyséens ? Combien Sarkozy lui-même touche-t-il de la location de ses actions du cabinet d'avocat dont il est resté actionnaire ?
Sarkozy, au-dessus des règles
Ce mercredi, Sarkozy a même demandé à François Fillon « de préparer un projet de loi visant à promouvoir une véritable
culture de la déontologie dans la vie publique française.» Dans ce rapport pourtant, on ne trouve visiblement que quelques principes de bon sens, rappelés en 29 recommandations non
communiquées intégralement à ce jour. Son périmètre est apparamment large : 4000 agents publics (ministres, hauts fonctionnaires, dirigeants d'entreprises publiques) seraient concernés. Les
auteurs, Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat, Didier Migaud, Premier Président de la Cour des Comptes et Jean-Claude Magendie, ancien Premier Président de la Cour d'Appel de Paris et proche de Nicolas Sarkozy, proposent la
fusion des commissions pour la transparence financière de la vie politique et de la Commission de déontologie pour donner lieu à la création d'une « autorité de déontologie de la vie
publique », l'aggravation sanctions en cas de manquements (amende, inégibilité, interdiction d'exercer un emploi public), la mise en oeuvre de codes de conduite et chartes de déontologie
dans les administrations, et même des formations « adaptées ».
Le travail de transparence devrait s'étendre à la Présidence de la
République. Il y a quelques mois, le député René Dosière rappelait sur son blog, et à l'Assemblée, que le budget élyséen est
sous-évalué d'une cinquantaine de millions d'euros (avion à la Défense, chauffeurs à l'intérieur, etc). L'administration américaine vient de publier la liste des cadeaux reçu de gouvernements
étrangers par Barack Obama en 2009. En France, notait récemment Cécile Dehesdin pour Slate.fr, on attend
toujours la même information pour notre Monarque. Tout juste sait-on qu'il a reçu 442 présents et 487 livres en 2009. René Dosière avait obtenu des services du premier ministre une estimation de
l'enveloppe totale des cadeaux offerts par le gouvernement français en 2009 : 97.000 euros. La Cour des Comptes avait communiqué un chiffre quatre fois supérieur (385.000 euros) pour la seule
Présidence.
Le retour du Premier Cercle
La veille de la remise de ce rapport, Nicolas Sarkozy s'était discrètement
rendu à une réunion de 300 membres du Premier Cercle, ce groupe des riches donateurs de l'UMP (environ 2 millions d'euros par an), durant une demi-heure, dans les sous-sols de
l'hôtel Méridien, porte Maillot à Paris. Un témoin confia combien le Monarque fut combattif. Un vrai candidat déjà en campagne inavouée. Il y fustigea l'ISF, un « scandale », dont le
rendement vient de croître de 360 millions d'euros en 2010, vient d'annoncé le gouvernement. Il se moqua des manifestations d'enseignants, samedi dernier, qui n'avaient mobilisé « personne
dans les rues ». Il confirma que son nouveau profil plus « modeste »,
rapporte le Monde, ne serait que « temporaire. « Pour l'instant, j'ai l'obligation d'être discret car je suis président, mais attendez que je sois en
campagne.» a-t-il précisé.
Avec le Premier Cercle, nous
l'écrivions en octobre dernier, « la Sarkozie a inventé le militantisme bling bling, la cotisation à 2 SMIC, le retour d'ascenseur symbolique ET industriel. » Mercredi, le secrétaire
général du parti Jean-François Copé a dû confirmer avoir sollicité les « contributions » de ces riches donateurs, en apportant « leurs éclairages, leurs expériences,
leurs contributions pour l'élaboration du projet (présidentiel), puisque pour beaucoup d'entre eux, il s'agit d'entrepreneurs, de gens qui ont une expérience dans le monde très intéressante et
utile, dans l'intérêt de notre pays.» On les imagine cogiter sur le bouclier fiscal, l'ISF, ou le poids des dépenses publiques et notamment sociales. Que l'UMP ne comprenne pas que son
Premier Cercle incarne désormais les nouvelles 200 familles a quelqe chose de fascinant au 21ème siècle.
Et pendant ce temps...
Mercredi après-midi, le candidat Sarkozy a organisé une réunion à l'Elysée sur la récidive criminelle.
Pas question de sembler indifférent à la tragédie de Pornic, où, 9 jours après la disparition de la jeune Laëtitia, aucun aveu ni preuve n'a été obtenu. Plus tard, François Baroin a commenté
devant des journalistes que Sarkozy « a exprimé une conviction, l'expression d'une douleur, vraiment, d'une indignation profonde qui est aussi la traduction d'un long combat
politique qui a évolué au fil des années et qui l'a vu, lui Nicolas Sarkozy, porter un certain nombre de textes.» Mais qui n'exprime pas de douleur devant un tel drame ? Le gouvernement, a
ajouté Baroin, est « vraiment au côté de la famille de Laetitia ». Vraiment ? Pouvait-il être du côté du ou des coupables ? Quelle affirmation !
Mercredi,
les chiffres du chômage de décembre dernier, les derniers qui nous manquaient pour dresser le bilan, désastreux, de l'emploi l'an passé, ont été publiés. Plus de 4,6 millions de chômeurs,
sans activité ou en travail partiel, tenus de chercher un emploi ou dispensés, étaient enregistrés à Pôle Emploi. La reprise est là... Sarkozy, ce jour-là, n'eut pas un mot de commentaires sur
ces données.
Au final, la séquence des dernières heures fut politiquement incroyable. Sarkozy a, sans gêne ni précaution,
abandonné son costume de Protecteur de la Nation. C'est le signe d'une inquiétude, profonde, et d'un besoin de montrer à son camp qu'il reste le patron. La veille, la résistance de quelques
ténors à le suivre dans sa volonté de légiférer dans l'urgence après l'affaire de Pornic l'a exaspéré.
Amis sarkozystes, comptez-vous.
Sarkofrance
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