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[France - Banksters] Comment votre Livret A finance le CAC40 et les grandes banques françaises…

Publié le 27 janvier 2011 par Yes

Depuis sa création en 1816, jamais la Caisse n’avait perdu d’argent. Ni pendant les révolutions, ni à la suite des guerres qui avaient pourtant ruiné le pays.

La vénérable institution affiche aujourd’hui la première perte de son histoire. Son directeur général, Augustin de Romanet, est sous la pression constante de l’Elysée.

Augustin de Romanet aurait failli embrasser la prêtrise dans sa jeunesse. C’est du moins ce qui se dit sur le dix-neuvième directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. On ne sondera pas son for intérieur,  mais à 48 ans, l’homme profondément catholique, est désormais condamné à porter sa croix : il est le premier patron dans l’histoire de cette vénérable institution à afficher des pertes.

Depuis sa création en 1816, jamais la Caisse n’avait perdu d’argent. Ni pendant les révolutions, ni à la suite des guerres qui avaient pourtant ruiné le pays. Au contraire, la CDC, garante de l’épargne publique, placée sous l’autorité du Parlement afin d’éviter une main mise de l’exécutif sur ses comptes, avait contribué à maintes reprises à équiper la Nation. S’il y a une école dans chaque commune, c’est grâce à ses financements ; les HLM ? c’est pour une grande part aussi l’œuvre de la Caisse, et même la Grande Arche de la Défense, c’est encore la Caisse.

Augustin de Romanet, qui annonce ce matin 1,468 milliards d’euros de pertes devra donc méditer la célèbre parabole des talents, que tout bon gestionnaire se doit de connaître…

En l’occurrence,  « Augustin », qui est la politesse faite homme, pourrait se défendre. Il n’a rien « dilapidé ». La Caisse n’a plongé ni dans les subprimes, ni dans Madoff. L’argent des « fonds d’épargne », celui de Livrets A centralisé dans son établissement, n’a pas fondu. Il peut en justifier (1).

Seuls les comptes propres de la Caisse des dépôts ont été touchés par l’effet de souffle du plus violent krach que la Bourse de Paris ait jamais connu. Or la Caisse a des participations dans au moins la moitié du Cac 40. Celui-ci ayant fondu d’environ 50%, la Caisse doit donc afficher la réalité des comptes.  La faute « aux règles comptables » , qui contraignent toute société à adopter la valeur du marché.

Voici donc Augustin de Romanet en partie justifié par les marchés.

En partie seulement, car une part des pertes ont une autre origine : la manière dont la Caisse des dépôts a été littéralement dépouillée, comme l’apôtre Barthélémy.

Non par quelques soldats romains, mais bien par l’Elysée. Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, l’exécutif passe son temps à écorcher vive la Caisse, lambeau après lambeau. Faut-il de l’argent en urgence pour fournir des liquidités aux banques prises dans la tourmente post Lehman Brothers?

L’Elysée, alors sous l’égide de François Pérol, prend le scalpel et coupe dans la chair de la Caisse : pas loin de 43 milliards d’euros ont été sortis des fonds d’épargne gérés par la CDC et confiés aux banques privées afin qu’elles se  remettent enfin à prêter aux entreprises.

Lorsque fin septembre 2008 la banque franco-belge Dexia menace faillite, la Caisse doit apporter 2 milliards d’euros en capital.

Bercy  aurait bien vu la caisse payer 1 milliard de plus. En pleine négociation avec le gouvernement belge à Bruxelles, il fait savoir à l’Elysée : « je ne reviendrai pas à Paris avec 3 milliards ! ».

L’Etat prendra donc cette somme à sa charge. Mince victoire. Car il existe un vieux contentieux entre le ministère des finances, et en particulier sa direction du Trésor, et la Caisse, dont le directeur général prête , à son entrée en fonction, le serment de sauvegarder l’indépendance, contre les intrusions de l’Etat !

Les fonctionnaires de Bercy, toujours à la recherche de trois sous, envient la richesse de la Caisse. Edouard Balladur en 1993 avait tenté, sans succès, de démembrer la CDC. Sarkozy, discrètement s’y essaye à son tour.

En 2007 Michel Camdessus, ancien directeur du Trésor, à l’occasion d’un rapport sur le Livret A préconise rien de moins que de créer un nouvel établissement public, chargé de nouvelles missions. Tiens, tiens… A l’époque les rumeurs tournent sur le désir qu’aurait manifesté Français Pérol d’occuper le siège d’Augustin de Romanet.

Celui-ci résiste, mais doit chaque fois concéder un peu de territoire, c’est-à-dire d’argent . « C’est bien ça le problème d’Augustin de Romanet. A la différence de son prédécesseur, Francis Mayer (décédé), il n’a pas le poids politique auprès du président de la République qui lui permet d’obtenir que cessent des attaques dirigées contre son institution. Il est en position de faiblesse », analyse un cadre de la maison.

Car Augustin porte le stigmate de la chiraquie sur le front, en tant qu’ancien secrétaire général adjoint  de Jacques Chirac, et nommé par lui en 2007 à la tête de la CDC. Malheureusement pour lui, il semble être un piètre politique. Haut fonctionnaire consciencieux et courtois, il dispose de peu de réseau réellement chez les élus. Et il bouscule les équilibres politiques internes de la maison. Il se débarrasse ainsi  de son numéro 2, proche des socialistes, pour Alain Quinet, ex-dir cab adjoint de Dominique de Villepin. C’est se couper de la gauche, sans prendre un atout à l’UMP. Dans le personnel, d’autres nominations, à son cabinet, ou ailleurs lui seront reprochées comme « claniques ».

Les relations avec Nicolas Sarkozy sont fraîches. « Le président de la République veut utiliser la caisse comme un outil », affirme Augustin de Romanet.

Plein de bonne volonté, celui-ci croyait avoir trouvé le viatique qui le conduirait vers des relations apaisées avec l’Elysées : faire de la Caisse un « fonds souverain à la française », afin de soutenir les entreprises hexagonales. La Caisse n’est certes pas le Qatar, mais elle dispose de 20 milliards d’euros placés en actions, c’est déjà ça.

Augustin se fait prophète :« Nous irons là où le marché ne peut aller, lorsqu’il faut un horizon très long de rentabilité ». Il préconise de soutenir la sous-traitance aéronautique ou automobile.  Mal lui en prend. Nicolas Sarkozy se rue sur l’idée comme la vérole sur le bas clergé, et se l’approprie sans vergogne.

Le Fonds stratégique d’investissement (FSI), devient une entité quasi autonome de la CDC. Augustin de Romanet préside certes le conseil d’administration, mais le directeur général, véritable exécutif du FSI, Gilles Michel vient de PSA.

La présidente du comité d’investissement, Patricia Barbizet, est la stratège du groupe Pinault , quand  le président du comité stratégique, Jean-François Dehecq, préside Sanofi-Aventis.

La Caisse, actionnaire à 50%, paraît minoritaire. Et lorsqu’une annonce doit être faite au nom du FSI, dans l’affaire Heuliez, c’est le ministre de l’Industrie, Luc Chatel qui s’en charge : « l’Etat investira au moins 10 millions d’euros dans l’entreprise ».

C’est le FSI qui paye, mais c’est le gouvernement qui ramasse la mise.  Car la Caisse, elle, doit apporter  10 milliards d’euros au FSI. 3 milliards en argent liquide, et 7 autres en participations diverses.

Un véritable calvaire : non seulement la CDC doit vendre des bijoux de famille, comme les 35000 logements de sa filiale immobilière  Icade en région parisienne, mais au fur et à mesure que la crise s’accentue, les actifs baissent de valeur. Il en faut donc encore plus pour parvenir aux fameux 7 milliards d’apports. « Nous sommes investisseurs de long terme , cela ne pose aucun problème », répond Augustin de Romanet.

La Caisse fait un « don gratuit » comme le pratiquait le haut clergé dans l’Ancien régime. A l’époque, l’Eglise pensait qu’elle avait le temps, sinon l’éternité, pour elle. Le directeur général, lui, est inamovible, mais seulement pendant cinq ans.


Pour la Caisse des Dépôts, les fonds d’épargne, issus des livrets A et Bleu, des PEL, des LDD et des LEP, c’est la prunelle de ses yeux, le cœur de sa fonction de gardienne de l’épargne.

(1). Les fonds d’épargne presque écornés

Afficher un bénéfice, malgré la crise, est donc de la plus grande importance. En 2008, les fonds d’épargne ont donc un résultat très légèrement positif, de seulement 110 millions d’euros.

C’est peu, en rapport avec les 211 milliards d’épargne accumulés. On peut même dire qu’à ce niveau, il s’agit de « l’épaisseur du trait ». Et que les fonds d’épargne ont bénéficié d’un peu d’habillage comptable, puisque la Caisse des dépôts a procédé, ce qui est légal, à une reprise de provision de 1,7 milliard d’euros en provenance de son Fonds pour risques bancaires généraux (FRBG).

Pour les comptes 2007, le FRBG avait déjà été sollicité, mais pour une somme trois fois moindre… En fait, les fonds d’épargne ont bien souffert du krach boursier, mais la Caisse a puisé dans ses réserves pour compenser la perte.

L’histoire de : La Caisse des dépôts, victime de l’Elysée – Résistance Inventerre.


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