Le film, indépendamment de ses qualités et défauts est un témoignage indispensable sur cette autre face du système totalitaire, beaucoup moins connue que la solution finale allemande, notamment chez nous où sévit encore une sorte de négationisme rampant, où il suffit de comparer les deux régimes pour être suspecté d'être de droite, ou pire encore d'extrème droite. Décidément, la fameuse formule de Sartre, "l'anticommuniste est un chien" a la vie dure.... Chez nous en tout cas...
Il me faut bien rappeler que cet argument fut principalement utilisé par les régimes staliniens, non, principalement contre les ennemis de droite, mais pour isoler les anciens "amis de gauche" (Trotskystes, socialistes révolutionnaires, etc...) devenus "sociaux traitres" au fur et à mesure que le dictateur et le régime faisaient le vide autour d'eux et s'éloignaient de plus en plus du pêuple qu'ils étaient censés défendre et des idéaux révolutionnaires au nom desquels on déportait et massacrait des innocents. Tout ce processus a été fort bien documenté dans la littérature et notamment chez nous par Camus, dans l'Homme révolté, mais les peuples ayant la mémoire courte et pouvant toujours être séduits, avec la crise actuelle, par des discours et solutions extrémistes nous promettant de nouveaux "avenirs radieux" dans un monde débarassé du libéralisme, mais-cette-fois-c'est-juré-sans-les-dérives- du-passé, un tel film, même avec ses défauts "hollywoodiens", n'est pas inutile.
Pour ce qui est du film, on peut lui reprocher d'être un autre outil de propagande anticommuniste hollywoodien et de se complaire dans la contemplation de paysages splendides, au gré des contrées traversées. Certes les images sont magnifques, le tout est magnifiquement filmé, mais la nature n'est pas vue ici comme un décor de western. Elle est au contraire mise en scène, malgré sa beauté, comme l'élément essentiel (avec les hommes sinon "libres" du moins non internés, qui pourraient les dénoncer) de l'enfermement et de l'aliénation des êtres humains dans un environnement politique, social et naturel hostile. En même temps, c'est cette hostilité extrême du goulag, de la société, du régime et de la nature qui rend possible la fraternité qui lie les fugitifs et qui seule permettra aux rescapés de cette aventure de survivre et de lier entre eux des relations qui ne sont pas basés sur la force et la violence exercée envers les faibles.
C'est la quète de ces hommes, perdus dans ces déserts de glace et de sable qui rendent ces images nécessaires, indispensables à la force du message.
Le film et le flivre duquel il est adapté (The long walk) nous rappelle également un triste épisode de la 2ème guerre mondiale et du pacte germano soviétique lors duquel l'URSS et le Troisième Reich se partagèrent la Pologne, envahie en 39 par les soviétiques et les nazis avant qu'Hitler n'attaque son allié d'un jour. L'auteur du livre était un officier de l'armée polonaise ayant combattu vaillamment contre les envahisseurs nazis et du côté soviétique ensuite. Il ne fut pas massacré à Katyn pat Staline comme beaucoup d'autres, mais accusé d'espionnage par le NKVD, qui souhaitait se débarasser de tous les cadres et patriotes polonais pouvant constiuter une force de résistance au pouvoir soviétique après la guerre. Un des autres compagnons de route de l'officier polonais est l'un de ces idéalistes américains ayant rejoint le pays des oviets pour construire le communisme et déporté en Sibérie pendant la guerre, au seul motif qu'il devait être un espion, comme tous les étrangers, même communistes convaincus...
Un autre fugitif est un droit commun, appartenant à ce lumpenproletariat dont Marx disait qu'il ne pouvait absolument pas constituer un allié de la classe ouvrière dans sa lutte pour son émancipation, mais au contraire l'un de ses pires ennemis dans ce moteur de l'Histoire, qu'est pour le philosophe, la lutte des classes. Dans une très belle scène, alors que les autres fugitifs, qu'il a suivi jusque là, franchissent la frontière mongole, il préfère ne pas suivre ses compagnons et rebrousse chemin pour retourner dans la vaste prison qu'est devenue son pays et le système inhumain qu'il a engendré. Pour lui, qui n'a jamais connu la liberté, il ne peut imaginer un monde qui vaille de risquer sa vie pour atteindre une chose, une idée, qu'il ne peut même concevoir. Ce qu'il fuit en s'évadant, ce n'est pas comme les autres, l'esclavage ou la perte de la dignité humaine, c'est la dette de jeu contractée envers d'autres détenus de droit commun, qui l'élimineront pour être incapable de payer ce qu'il a perdu lors de partie de cartes où se gagnent ou se perdent des biens permettant de survivre et volés aux "politiques" : des morceaux de pain, des cigarettes, des vestes matelassées.....
Ci-dessous : un lien vers la bande annonce du film, ainsi qu'un autre lien vers vers les premiers chapitres (en anglais) du livre The long walk, adapté au cinéma par Peter Weir. Dans ces pages, l'officier polonais et auteur du récit, décrit son arrestation et son interrogatoire par le sbire chargé de lui soutirer des aveux qu'il n'obtiendra pas malgré la torture..
La bande annonce du film :
http://www.linternaute.com/cinema/film/1701630/les-chemins-de-la-liberte/bande-annonce/213307/
Lien vers les premiers chapitres du livre ayant inspiré le film :
http://www.amazon.com/Long-Walk-True-Story-Freedom/dp/1558216847#reader_1558216847