Les araignées, un commerce florissant

Par Oryza

Lou Sros, qui s’est lancée dans ce commerce il y a vingt-quatre ans, vend près de 300 araignées vivantes chaque jour. Selon elle, grillées ou pas, les araignées, comme les autres insectes, partent comme des petits pains. Les tarentules sont encore plus prisées entre décembre et février, lorsqu’elles sont « pleines » : « Quand il y a des bébés à l’intérieur, elles sont délicieuses », relève Soy.


Comme les autres vendeuses du village de Skun, elle achète chaque tarentule entre 200 et 300 riels et la revend entre 500 et 600 riels, une fois cuisinée. Grâce à ce commerce, certains villageois parviennent à empocher plus de 150 000 riels par jour, soit près de 35 dollars. Ils doivent cependant en reverser les deux tiers à l’intermédiaire qui les approvisionne régulièrement.

Lon Sros, 32 ans, spécialisé dans le commerce d’araignées, vient justement d’amener sa cargaison. Il a tout juste posé ses seaux emplis de tarentules sur le sol que déjà, une vendeuse s’empresse de compter la marchandise. Tout en regardant les tarentules être lancées d’un seau à l’autre, Sros explique qu’il se rend deux fois par semaine dans le district de Balaing, dans la province de Kampong Thom, afin d’en acheter aux villageois. Lors de chaque voyage, il collecte entre 10 000 et 20 000 araignées pour les revendre à Skun. Chaque araignée est achetée 200 riels et revendue 350 riels.

Selon lui, le jeu en vaut la chandelle, d’autant plus que les fournisseurs se montrent plutôt arrangeants. L’intermédiaire explique qu’il a en fait souvent affaire à des enfants âgés d’une dizaine d’années, chargés de capturer les tarentules. « Les araignées vivent à environ 50 centimètres de profondeur, il suffit de creuser pour les attrapper », explique- t-il. Les dents des araignées sont ensuite enlevées afin qu’elles puissent être vendues en toute sécurité.

Les morsures de tarentules sont fréquentes chez ceux qui ont pour mission de les déterrer, mais elles n’alarment pas outre mesure. Selon Sros, il est très rare qu’une victime se rende chez le médecin traditionnel pour autant : « Ça fait mal pendant vingt-quatre heures et puis ça passe », assure-t-il, en souriant.

Pourtant, même une fois les dents des araignées retirées, certains Cambodgiens ne se montrent toujours pas rassurés. Lin, qui a commencé à en vendre à l’âge de 10 ans, avoue avoir été effrayée à ses débuts. En attendant de les amener à Skun, son père les gardait dans un trou au fond du jardin : « J’ai pleuré plus d’une fois quand il y en avait une qui s’échappait », se souvient la jeune fille.

Article écrit par Emilie Boulenger & Im Navin - Crédits photos : Charlotte Ducrot
Article publié dans Cambodge Soir Hebdo – édition du 1er juillet 2010.