Et si le plus célèbre des édulcorants était nocif ? Le débat est vivement relancé par deux études et par la nouvelle enquête de Marie-Monique Robin, l'auteure du "Monde selon Monsanto".
On aimerait qu'elles soient exagérées, ces alertes sur les dangers des édulcorants qu'on consomme en quantité dans les sodas, les yaourts, les médicaments... Pourtant, les griefs s'accumulent contre le plus célèbre d'entre eux, l'aspartame, présent dans au moins 6000 produits (nom de code E951).
Risques accrus de naissances avant terme
Coup sur coup, deux études mettent en cause ses effets néfastes sur la santé. La première, danoise, basée sur le suivi de près de 60 000 femmes, indique qu'ingurgités pendant la grossesse, les sodas light favorisent les naissances avant terme. Le risque serait augmenté de 38 % avec la consommation d'un soda light par jour, de 78 % pour quatre sodas light par jour (voir le résumé en ligne, en anglais). La seconde, italienne, réalisée par l'institut Ramazzini de Bologne, conclut à une incidence accrue de tumeurs du foie et du poumon chez les souris consommant de l'aspartame (l'étude est présentée ici en français, en PDF).
Ce n'est pas tout : deux ans après Le Monde selon Monsanto, la nouvelle enquête de Marie-Monique Robin, intitulée Notre poison quotidien*, revient sur les conditions scandaleuses dans lesquelles l'aspartame a été mis sur le marché aux Etats-Unis en 1981 : une étude de toxicité médiocre, des mensonges éhontés, la pression de l'administration Reagan pour autoriser cet édulcorant produit par la firme Searle, alors dirigée par... l'ami républicain Donald Rumsfeld ! Elle se penche aussi sur la façon dont les autorités sanitaires du reste du monde ont suivi les yeux fermés la position américaine, sans étude complémentaire, se contentant d'adopter la même DJA (dose journalière admissible) fixée à 40 mg/kg de poids corporel.
Depuis, les agences de sécurité alimentaire, comme l'Efsa pour l'Europe, mettent régulièrement en doute les études scientifiques pointant les dangers de l'aspartame, notamment celles de l'institut Ramazzini, qui en a produit plusieurs. En cause, de prétendues faiblesses méthodologiques. Un argument douteux, ainsi que le met en évidence l'enquête de Marie-Monique Robin...
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Le salut par la stevia ?
Vendredi 21 janvier, le Dr. Morando Soffritti, directeur scientifique de l'institut Ramazzini, était d'ailleurs l'invité d'une réunion d'information sur l'aspartame organisée à la faculté de médecine de Paris par les associations Réseau environnement santé (RES) et Générations futures. " Il y a eu du débat, témoigne une représentante de RES. Des nutritionnistes et des industriels défendaient malgré tout l'aspartame pour lutter contre le surpoids. Mais le Dr Laurent Chevallier, également nutritionniste, a rappelé qu'au contraire, il a été montré que l'aspartame encourage une certaine addiction au goût sucré et n'aide donc en rien dans la lutte contre l'obésité. "
Le salut pourrait-il venir de la stevia, un édulcorant naturel désormais autorisé en France sous sa forme purifiée en poudre, la rébaudioside A ? Pas sûr. Lors de la réunion d'information, le Dr. Morando Soffritti a rappelé que, même si elle est d'origine naturelle, la stevia raffinée n'est pas forcément sans danger. Il conviendrait donc d'étudier soigneusement son innocuité pour éviter de répéter le mauvais feuilleton de l'aspartame...
Et vous, consommez-vous de l'aspartame ? Etes-vous passé(e) à la stevia ? Ou préférez-vous limiter vos apports en sucre ? N'hésitez pas à réagir dans les commentaires...
Eric Lecluyse
* Le documentaire Notre poison quotidien, de Marie-Monique Robin, sera diffusé mardi 15 mars 2011 à 20h40 sur Arte. Enquête en librairie le 10 mars 2011, en DVD le 16 mars 2011.