Il y a quelques mois je consacrais un billet au court-métrage Dustland de Leah Marciano. Elle m’avait invité à le voir lors d’une projection et m’avait ensuite donné carte blanche pour en parler dans mon Impossible blog ciné, quel que soit ce que j’avais à en dire. Je ne m’étais pas gêné pour pointer les défauts du film, et apparemment elle ne m’en a pas tenu rigueur puisque la semaine dernière, j’étais invité à la première projection officielle de son nouveau court-métrage, Paper Planes (http://www.paper-planes.fr/). Pour l’occasion, elle avait organisé avec ses producteurs une petite soirée, mais ce billet n’est pas écrit pour vous raconter la soirée.
Je vous passerai donc les détails de la première partie qui nous avait été concocté, un peu aussi, je dois bien l’avouer, car je n’en ai pas tiré grand-chose, entre un chanteur à l’accent français incroyablement trop prononcé lorsqu’il s’exprime en anglais et un acteur chargé de nous faire rire mais ramant pas mal avant de se tenir à un sketch sympathique à défaut d’être franchement drôle. Non, ce billet n’est consacré qu’au film Paper Planes, un court-métrage au synopsis ambitieux et cool : En 1988, Zoé, employée dans un petit cinéma de province, est tuée au cours d’un braquage. Charlie, son collègue qui n’a d’yeux que pour elle, va tenter de la sauver en défiant les lois de l’espace-temps.
C’est plus ou moins ainsi que le film m’a été vendu, et moi, éternel amateur de science-fiction, un pitch pareil, je fonce. Mais en sachant qu’il s’agit d’un court-métrage de moins de 30 minutes, la grande question c’était de savoir si les défis du film - faire un film d’époque (oui, un film se déroulant en 1988, c’est un film d’époque !), tisser une trame romantique, donner vie à une intrigue de voyage dans le temps - allaient être tenus.D’ambition, mademoiselle Marciano ne manque à l’évidence pas avec Paper Planes. Et la première constatation, c’est à quel point techniquement le film tient mieux la route que son précédent. Soigné, le film l’est, notamment une photographie pleine de chaleur très réussie. C’est toujours bon à prendre lorsque l’on s’aventure sur le terrain du fantastique où un brin de surréalisme est le bienvenu.
Maintenant, pour ce qui est de la trame du film, je suis un peu plus circonspect. La scénariste / réalisatrice s’est un peu trop compliqué la tâche en voulant absolument déconstruire son récit et l’éclater de façon plus brouillonne que convaincante. Je vais me risquer à un beau lieu commun pléonastique, mais un court-métrage, c’est… court. Et dans un format court, il faut savoir garder un minimum de cohérence et de simplicité, ce que Paper Planes peine parfois à offrir. On tourne beaucoup autour du pot dans le film, les scènes s’enchaînent et se ressemblent expressément tant et si bien qu’on se demande si Leah Marciano n’a pas pris pour modèle Un jour sans fin d’Harold Ramis, mais sans vraiment le vouloir, et sans avoir le temps de faire aussi bien.
C’est dommage car le pitch est vraiment intéressant, et le traitement, comme souligné plus haut, se révèle réussi à bien des égards. Mais le film est pressé, trop pressé, et trop petit pour le bouillonnement scénaristique qui semble vouloir partir dans tous les sens. Ce n’est pas tant la déconstruction du récit qui gène, mais le fait que cette déconstruction semble manquer de maîtrise et ne parvienne pas à retomber sur ses pieds avec une impression de cohérence narrative. Je passerai aussi sur l’épisode « on se roule dans l’herbe en s’embrassant » du film, qui après la scène d’amour dans le foin de Dustland semble un gimmick de miss Marciano renvoyant aux grandes heures de Star Wars - Episode II : L’attaque des Clones. Je passe dessus car dans ce même Paper Planes, la réalisatrice a la bonne idée de conclure sur le même dialogue qui ponctuait L’Empire contre-attaque, tout espoir n’est donc pas perdu pour la référence « Lucassienne ». D’autant que ce n’est pas la seule référence du film, l’inévitable Retour vers le Futur de Robert Zemeckis venant forcément à l’esprit lorsqu’on voit le jeune Charlie débraillé, en slip ou avec ses bretelles bien en vue à la Marty McFly. C’est peut-être ça, qu’il faut retenir de Paper Planes. Une marque d’amour pour un pan de cinéma que j’affectionne qu’une jeune réalisatrice a choisi de saluer à sa façon, aussi bancale soit-elle.
Le film nous abandonne même sur une note très positive, celle du piano et de la voix de Sébastien Tellier nous déclarant son amour de « L’amour et la violence ». Non, Paper Planes n’est pas encore une franche réussite, mais le progrès est net depuis Dustland. Ce qui rend assurément curieux pour la suite, même si le choix de la réalisatrice de tourner par la suite une adaptation (personnelle, j’en suis sûr) du « Petit Prince » de Saint-Exupéry laisse craintif tant un tel projet est casse-gueule. Mais après tout, pourquoi pas ?