…Encore une lecture que je dois au site Blog-o-Book, en partenariat avec les éditions Michel Lafon, et je les en remercie vivement !
Octobre 1963 : Chandler Forrestal, jeune étudiant fauché, n'aurait jamais dû entrer dans ce bar. Il n'aurait jamais dû parler à cette belle brune, ni lui offrir un verre. Car la CIA l'a choisi comme cobaye d'une « expérience » destinée à tester les effets du LSD sur l'esprit humain. Forrestal en ingère une dose massive, et développe d'effrayants pouvoirs psychiques : hyper-vigilance, lecture dans les pensées, prise de contrôle du cerveau, ou capacité à provoquer des hallucinations… Il dévoile ainsi un complot visant à assassiner le président Kennedy. Forrestal devient l'homme à abattre.
Voici un livre très attendu en librairie apparemment – j’en ai vu plusieurs exemplaires dans ma petite librairie de province -, dont l’auteur est le scénariste de la série Heroes, Tim Kring, aidé par Dale Peck.
C’est un livre qui part d’une idée originale et d’ailleurs bien exploitée par l’auteur : celle que le LSD aurait pu être sciemment utilisé par les services secrets pour manipuler le monde (au sens large !) dans les années 60 aux Etats-Unis. C’est d’ailleurs pour cette idée que le livre m’a intéressée : comment en effet conditionner un scénario à partir de là ? Et comment traduire littérairement un trip sous LSD ?
Puisque le thème des « paradis artificiels » a déjà été abordé par de très grands auteurs – Baudelaire, Cocteau, Michaux…- que j’apprécie, j’étais très curieuse de voir ce que cela donnerait sous la plume d’un spécialiste en scénarios, et dans un contexte plus proche de nous. D’ailleurs, en parlant du contexte, il est question de grandes dates de l’histoire des Etats-Unis : la crise de Cuba, la Guerre Froide en général, le mandat de Kennedy, ses liens avec la mafia et son assassinat… Pour goûter vraiment le livre, mieux vaut donc se remettre tout cela en tête : le roman prend d’ailleurs alors un sympathique goût d’uchronie, même si cet aspect du livre est sans doute beaucoup moins frappant pour un lecteur français que pour un lecteur américain, qui, lui, connaît par cœur les théories autour de la mort de JFK.
Et j’ai justement beaucoup apprécié les « passages sous LSD », si vous me passez l’expression : ils donnent lieu à des images frappantes et délicieusement psychédéliques - j’ai particulièrement aimé les « voyages » que Chandler fait dans la pupille de Naz, fascinant personnage féminin, au début du roman… Ce sont des parties soignées, bien écrites, dont les images restent gravées longtemps après la lecture.
Le reste est plus classique, avec, comme souvent, deux narrations parallèles, l’une concernant Chandler Forrestal et l’autre, les agissements des services secrets. Les parties centrées sur Chandler sont très intéressantes, elles constituent à mon avis les meilleurs passages du roman : il est très beau de voir ce personnage se perdre peu à peu, et avoir des flashs de lucidité tragique. Le reste est de qualité mais moins original : il s’agit de complots politiques, menés ou combattus, entre autres, par la CIA, avec toute une équipe d’agents secrets plus ou moins terrifiants – parmi lesquels le terrifiant Melchior, très réussi, et la redoutable tenancière d’une maison de passe de luxe, Mme Song. Si les personnages sont généralement intéressants, l’intrigue elle-même m’a moins passionnée, sans doute en partie parce que le contexte historique dont il est question m’est assez indifférent.
En bref, La porte d’Orphée est une lecture agréable ; c’est un livre bien construit, bien scénarisé, avec de beaux passages lorsque l’on suit le personnage de Chandler Forrestal, mais ce n’est tout de même pas un livre extrêmement marquant, peut-être à cause de l’intrigue peu originale, bien que plutôt réussie, autour des services secrets et de la réécriture de la théorie du complot autour de Kennedy.