Les photographies de Rossella Bellusci se méritent, les voir en passant ne donne rien, un peu de blanc, un peu de noir; les reproduire est difficile. Il faut rester longtemps devant chacune, se laisser doucement envahir, laisser flotter son esprit. Alors les fantômes apparaissent, ils remontent des profondeurs, de l’eau ou de l’âme, ils affleurent à la surface, ils surgissent du brouillard. Ce sont des photographies saturées de lumière, éblouissantes, des traces à peine perceptibles, des empreintes évidées très lointaines de la réalité. On discerne ici et là, dans cette blancheur divine, le contour d’un visage ou d’un corps, une silhouette parfois soulignée de noir, ou parfois une masse grise indistincte. Ce sont des corps dématérialisés, de purs esprits, dénués de pesanteur, de sensualité, et pourtant
avec une telle présence. Vous pouvez voir les photographies de Rossella Bellusci à la Galerie Taiss (dans ses nouveaux locaux) jusqu’au 26 février.
Cette tentative d’aller à l’essence même de la représentation du corps n’est pas tant une schématisation qu’une épuration, on pense parfois à Malevitch, plus qu’aux silhouettistes du XVIIIème. Je vois aussi une similitude inversée avec certains portraits très noirs d’Adam Fuss, tout aussi exigeants vis-à-vis du spectateur, qui doit s’arrêter et scruter l’image.
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Photos 1 et 4 courtoisie du service de presse de la galerie; photo 3 de l’auteur.
Ce blog va fonctionner un peu au ralenti pendant une dizaine de jours pour cause de voyages; il reprendra de plus belle à mon retour.