Crédit photo: Heber Argumedo
Audrey Jungle, Découverte Rock LET ROCK RULE Radio, c’est une musique de caractère, mélange subtil de rock et de sonorités latines, née d’une rencontre dans la bouillonnante ville de Buenos Aires. Auteurs de Versus, un surprenant EP sorti en 2010, le duo impose une identité propre et un caractère à toutes épreuves. Leur rencontre, leurs influences et leurs ambitions, Audrey et Heber nous ouvrent les portes de leur univers artistique qui, espérons le, séduira un large public en 2011… Et peut-être les professionnels de la musique, qui sait ? En attendant, je vous mets en garde : ne vous aventurez pas à prononcer Jungle à l’anglaise…Bonjour à tous les 2. Votre style musical est assez nouveau : on parlera de rock épicé, notamment grâce aux sonorités latines présentes dans vos titres. D’où cela vient-il ?
Audrey : L’Argentine est le point de départ de cette aventure. C’est un pays qui n’est pas très connu en Europe d’un point de vue musical. Mis à part le tango… Mais en fait, il y a une vraie place pour le rock là-bas, et je l’ai découvert en y voyageant. Du coup, j’ai voulu insérer cette culture à ma musique. C’est une façon de montrer en Europe et surtout en France que l’Amérique Latine ce n’est pas que le tango, la salsa, …
Votre projet est donc né en Argentine, à l’occasion de votre rencontre…
A : Oui, j’ai rencontré Heber à Buenos Aires. Cela faisait déjà 2 ans que j’étais là-bas. A ce moment là, j’ai décidé de reprendre la musique alors qu’à l’origine je voulais être comédienne. Notre rencontre m’a donné envie de composer à nouveau, d’écrire des textes, … On a donc commencé à travailler ensemble, en apportant chacun ses influences.
Quelles sont justement vos influences ? J’ai notamment lu sur votre MySpace des noms tels que Nirvana, Nina Hagen, … Du rock « crasseux » en somme…
A : J’adore Nina Hagen! Après ce n’est pas un genre pas de musique qu’on pourrait faire. J’aime bien Manu Chao aussi. Souvent, j’écoute du jazz, ce qui n’a rien à voir avec notre musique.
Heber : Pour ma part, j’écoute surtout des groupes argentins, comme CienFuegos ou La Pequeña Orquesta Reincidentes. Après ça dépend des moments : je vais parfois écouter un groupe sans arrêt pendant 1 mois, 2 mois, …, puis je vais le laisser tomber et écouter autre chose, … Des fois je me dis même « tiens, je commence à jouer un peu trop comme eux ! Il est temps de passer à autre chose ! » (rires)
Les influences que vous citez ne sont pas dans la même veine que vous…
H : C’est normal d’être influencé par des choses qu’on aime. Il y a beaucoup de groupes qui s’inspirent ou se sont inspiré d’autres groupes sans pour autant faire la même chose.
Il y a eu un précédent EP, Nueva Jungla, sorti en Argentine en 2008. Parlez-nous de ce CD.
A : L’idée avec cet EP était de se faire connaître régionalement et passer dans les radios locales. Du coup, on a fait ce mélange : couplets chantés en français et refrains en espagnol.
On retrouve d’ailleurs cette influence franco-argentine sur le 2ème EP Versus, sorti lui en France et en Argentine. Il y a d’ailleurs un titre écrit entièrement chanté en espagnol (Intrepidamente Descarada). Quel est votre objectif ? Marquer la différence pour attirer l’attention ou c’était tout simplement naturel et évident pour vous de le faire ?
A : En quelque-sorte, chanter en français et en espagnol, c’est comme une révolte. Il fallait qu’on montre notre différence. C’est assez rare en France d’avoir un titre rock en espagnol ! Je dirais qu’on ne voulait pas chanter en anglais car cette langue est omniprésente dans la musique. D’autant plus que visiblement les radios ont des quotas de chansons en français à programmer alors que les maisons de disques recherchent absolument des groupes très « anglo-saxons ». Alors, pourquoi pas un groupe hispanophone ?!
H : C’est vrai que les groupes français qui font du rock ont souvent un style très britannique. C’est bien, il y a des choses que j’aime beaucoup, mais c’est dommage. La langue française est tellement belle ! C’est comme un manque de respect finalement.
A : Et puis il faut dire aussi qu’on chante en espagnol car on a commencé en Argentine et qu’il y avait beaucoup de gens qui ont bien aimé notre 1er Ep. En arrivant en France, on ne voulait pas les laisser tomber en abandonnant l’espagnol totalement. Il ne fallait pas leur tourner le dos.
On sent dans votre EP une certaine énergie autant dans les textes, dans le chant, mais aussi dans la musique. Vous diriez que cette touche est plutôt française ou argentine ?
A : A mon avis, ce qui caractérise le mieux la musique française n’est pas son énergie, si ce n’est Izia, que j’aime beaucoup par ailleurs. Elle a un style plutôt anglo-saxon que français.
H : En Argentine, la musique est très énergique. Il y a des mélanges de rock, de reggae, de ska et de punk, ce qui donne des choses très intéressantes.
Le chant peut parfois faire penser à Olivia Ruiz, surtout par la sensualité dégagée. Qu’en pensez-vous ? Cela te dérange-t-il ?
A : J’en suis plutôt contente en fait. Au début, je n’aimais pas Olivia Ruiz car elle avait l’étiquette « Star Ac’ » associée à celle « chanson française » dans le sens commercial du terme. Finalement, son dernier album est assez surprenant. Même sur scène, ce qu’elle propose est bien plus rock que ses albums, dans l’énergie, dans la mise en scène, dans sa façon de danser et s’exprimer, … Et c’est ce que j’adore et que j’essaie de faire moi aussi.
Tu assumes donc la comparaison…
A : Oui car je trouve que souvent les chanteuses en France ont souvent un côté « jolie fille qui chante bien et qui fait de la variété ».
Pas toujours jolie d’ailleurs. Regarde Lara Fabian… (rires)
A : (rires) Non mais tu vois ce que je veux dire !
H : D’ailleurs, je suis surpris car en France il y a beaucoup de femmes qui font de la musique, ce qui n’est pas le cas dans mon pays. Là-bas, il y a surtout des groupes essentiellement composés d’hommes.
Nos amis latins seraient-ils machos ?...
H : Non, pas du tout ! (rires) Après, on n’est pas macho à l’extrême ! Mais c’est vrai qu’en France, il y a beaucoup de femmes qui chantent, d’autant plus qu’elles font toutes plus ou moins la même chose !
A : C’est pour cela que notre chanson « Intrepidamente Descarada » n’a ni couplet ni refrain. C’est une boucle qui s’ouvre et qui se ferme. Ce n’est pas banal.
Sur cet EP, il y a une chanson Poète ou marchand d’armes, qui parle de la vie trépidante d’Arthur Rimbaud. C’est quelqu’un que vous admirez particulièrement ?
A : Cette chanson est arrivée au moment où j’étudiais l’armement et le marché des armes dans mon cursus. J’ai tout de suite pensé à Rimbaud et à son côté fascinant. J’aime beaucoup le radicalisme de sa vie. Il a arrêté d’écrire et a beaucoup voyagé. C’était tellement moderne comme vision de la vie ! (rires) Il a fait 2 métiers tellement différents donc je me suis dit que c’était le parfait symbole de la versatilité de la vie.
D’où Versus, le nom de votre EP ?...
A : Oui, et puis il y a Intrepidamente Descarada, cette chanson qui parle de la vie bien rangée, avec des horaires de bureau, … Il faut avoir du courage pour sortir de tout ça et dire « non, à 30 ans je ne veux pas de cette vie : un crédit, 2 enfants, et tout ça ! Je préfère faire autre chose ! ». Versus c’est l’alternative à ce modèle, ce que les gens aimeraient vraiment faire de leur vie. Après, on ne dit pas que les gens qui bossent dans des bureaux font fausse route, mais on a envie de leur dire de voir autre chose.
Les thèmes de vos chansons semblent être soigneusement choisis.
A : C’est vrai. Dans tous les cas, il était hors de question de faire des chansons d’amour !
Cette versatilité dans la vie est finalement un peu à ton image Audrey. Tu as fait de brillantes études, avec un diplôme de Science Po à la clé. Mais pourtant, tu as une âme d’artiste et tu ne sembles pas vouloir de cette vie « métro/boulot/dodo ».
A : Exactement ! Forcement, quand on fait des études, on définit le chemin qu’on va prendre, surtout en France !
Quand t’es-tu rendu compte que tu avais envie d’autre chose que ce à quoi tes études te menaient?...
A : Avant d’être allée en Argentine, je ne pensais pas à cela.
H : Là-bas c’est totalement différent. C’est un pays assez déstructuré. Il est difficile d’y vivre, notamment à cause de la crise que connait le pays. Les gens ont plus envie de profiter de leur vie qu’ici parce que de toute façon ils auront beau travailler, ils ne deviendront pas riches !
Du coup Heber, j’imagine que ton entourage a bien pris le fait que tu viennes à Paris pour vivre de ta passion.
H : Oui, il n’y a pas eu de problème.
Et toi Audrey, comment ton entourage a-t-il accueilli la nouvelle?
A : (rires) C’était assez électrique… Ma famille n’est pas passionnée de musique, de rock encore moins ! Tout signe de déviance artistique est mal venu ! (rires) J’ai toujours cette impression que si on n’a pas un Grammy Award demain, on ne va pas me dire « c’est bien la musique, ça marche ! ». Malgré tout, après les études, je me suis dit qu’il était temps de penser à moi et à ma passion.
Quand as-tu eu envie de faire de la musique ?
A : En fait, j’ai surtout eu envie de faire du théâtre. La danse, le cirque, la scène en général sont des choses qui m’ont toujours attirée. J’avais fait un peu de musique avant d’aller en Argentine, mais jamais au point de me dire que j’allais monter un groupe, … Et finalement je me suis rendu compte que la musique réuni tout ce que j’aime ! Ça permet de danser, d’écrire des textes, de se mettre en scène, … C’est très créatif ! Il faut aussi imaginer la pochette de l’album, choisir les costumes, …
Et toi Heber, quand as-tu commencé la musique ?
H : J’ai commencé la musique à 14 ans. J’ai pris quelques cours de guitare, puis j’ai fait 1 an et demi de conservatoire et je me suis dit que ce n’était pas pour moi car c’était trop strict, trop vieille école., J’ai quitté le conservatoire avant d’être dégouté de la musique et j’ai commencé à jouer avec des groupes sans véritable ambition particulière. Audrey Jungle est le 1er projet sérieux dans lequel je participe.
Alors 2011 vient de débuter. Quels sont vos projets pour cette nouvelle année ?
A : On a un gros projet pour 2011, c’est faire un album. Même s’il n’est pas commercialisé cette année, on voudrait qu’il soit au moins enregistré.
H : La majorité des titres sont déjà prêts.
A : On aimerait aussi jouer en Argentine. On a beaucoup de personnes qui nous suivent là-bas bien qu’on n’y soit plus physiquement. Il y a des dates déjà de prévues fin 2011.
Pour finir, j’aimerais savoir d’où vous vient votre nom de scène, et notamment le mot Jungle… (ndlr : à prononcer « à la française »).
A : On voulait garder un côté sauvage, l’idée d’instinct, en référence à l’époque où je vivais en Argentine. En arrivant à Buenos Aires, j’étais assez jeune et je me suis sentie comme dans une jungle. D’ailleurs, je pense que ça ferait le même effet à n’importe quel parisien qui irait dans cette grande ville latine. La circulation est complètement folle, il y a beaucoup de bruit, …
H : C’est vrai que Buenos Aires est une ville particulière…
En tout cas, bon chance dans votre parcours musical ! Autant en Argentine qu’en France, et même plus…
A et H : Merci !