Voici narrée, dans ce film de 1991, les aventures d’Alvar Nuñez dit Cabeza de Vaca (tête de vache), trésorier d’une expédition de Conquistador. Il fait parti des rares survivants (4) du naufrage de cette expédition en Floride. Il vivra parmi les indiens, sera tout d’abord l’esclave d’un chaman, puis il deviendra lui-même guérisseur et obtiendra une certaine notoriété parmi les indiens. Cet exil forcé, ce naufrage en terre indienne dura huit années, pendant lesquelles il a accomplit un périple de quelques 8 000 kilomètres avant de retrouver des conquistadores espagnols au Mexique. A son retour en Espagne il écrivit un livre dans lequel il relata ses aventures et décrivit, de façon très ethnographique les mœurs indiennes. Le film est basé sur ses écrits.
A la fois très documenté, un brin exalté : on pense à Fitzcarraldo de Werner Herzog mais Juan Diego n’a pas l’ampleur de Klaus Kinsky, et rapidement les scènes impressionnantes de massacre de conquistadores par les indiens laissent place à des scènes plus intimistes, en décor naturel. Et c’est tant mieux, car le réalisateur, Nicolas Echevarria(ancien documentariste), refuse toute complaisance et filme la véritable déchéance de ces hommes, leurs calvaires, leurs humiliations, leurs peurs, puis petit à petit leur lente reconstruction, montrant leur adaptation aux mœurs indiennes, tels des caméléons (probablement la recette de leur survie). Il nous permet ainsi d’entrer au cœur de ces sociétés chamaniques. Finalement, le film, au travers de la tragédie de ces quatre conquistadores, donne une image bien plus honnête des indiens que nombre de films relatant ces rencontres (western, y compris).
Pas de formatage hollywoodien, pas de chevelure toujours bien mises, d’ongles propres et nets : ici tous les détails sacrifient à la réalité, les acteurs sont malmenés, le film gagne en puissance et monte en intensité. Véritable confrontation, réflexion sur l’altérité, sur les objectifs des conquêtes, sur les rapports entre mystiques différentes : d’un côté une église instituée, séculière, au pouvoir politique et social important, clivant les rapports sociaux (la dernière image montrant les indiens transportant une immense croix dans le désert vaut à elle seule le détour) de l’autre la pratique du chamanisme, le rapport à la nature, aux esprits, le doute et la confiance, une ouverture à l’intemporel, à l’immatériel bien plus affirmée et surtout une assise sociale basée sur le respect et la croyance dans les pouvoirs chamaniques (là, toutes les scènes de guérison et de chamanisme sont admirablement saisissantes). Deux religions qui sont bien loin l’une de l’autre et qui ont peu de possibilités de rencontre.
Autre affiche :
Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de sortir ce film ?
Un billet de Gabriela Monelle sur Culturopoing, un autre d'Anthony Plu sur 1kult, la critique de Romain Le Vern sur excessif.com .
Le site du distributeur ED distribution. Une biographie succinte de Nicolas Echevarria, site
Cabeza de Vaca
Nicolas Echevarria, Mexique, Espagne, États-Unis, Grande-Bretagne, avec Juan Diego, Daniel Gimenez Cacho, Roberto Sosa, 1991,
1h52.