Air France va chercher ŕ renforcer sa culture de la sécurité.
Dans quelques jours, le Bureau d’enquętes et analyses pour la sécurité de l’aviation civile devrait annoncer la date du début d’une nouvelle campagne de recherche de l’épave de l’AF447. C’est-ŕ-dire de l’A330-200 d’Air France qui a disparu corps et biens dans l’océan le 1er juin 2009 alors qu’il assurait le vol Rio-Paris. C’est peut-ętre la tentative de la derničre chance pour tenter de retrouver les enregistreurs de vol de l’appareil et, pour autant que leur état le permette, de les déchiffrer et déterminer les causes de la catastrophe.
Tout a déjŕ été dit sur ce sujet, ŕ commencer par le fait que la communauté aérienne espčre que l’AF447 n’allonge pas la liste des accidents inexpliqués. Mieux vaut en effet accepter des conclusions désagréables, des découvertes délicates ŕ entendre, mais permettre le cas échéant ŕ la sécurité aérienne de faire un nouveau pas en avant.
Officiellement, l’AF447 n’a rien ŕ voir avec un rapport d’expertise externe demandé par Air France ŕ des spécialistes reconnus avec pour objectif ouvertement reconnu de faire progresser la culture de la sécurité au sein de la compagnie. Un rapport qui vient d’ętre terminé dans la discrétion, dont le texte a été remis ŕ un comité de proposition, mettant ainsi un terme ŕ un travail considérable, transversal dans la mesure oů il ne s’est pas limité ŕ l’ambiance feutrée des cockpits. De trčs nombreux cadres ont été consultés, et pas uniquement les pilotes.
Jusqu’ŕ présent, Air France n’en a dit que le minimum. Il lui faudra tôt ou tard en mettre le maximum sur la place publique, dans l’intéręt commun et aussi éviter que n’apparaisse subrepticement une autre théorie du complot, pręte ŕ sortir de sa boîte ŕ la premičre occasion. Il se trouvera bien de mauvais esprits, en effet, pour accuser Air France des pires maux, ŕ commencer par sa volonté de garder secrčte Ťla véritéť, la vraie vérité. Et il ne suffira évidemment pas de moquer les comploteurs pour ramener la sérénité.
Les rares informations précises qui soient actuellement sur la place publique ne sont évidemment pas les plus importantes. Par exemple la création d’une fonction de Ťdispatcherť qui surveillera la préparation des vols moyen et long-courriers. L’idée est intéressante męme si cette phase au sol n’est pas la plus délicate et encore moins la plus accidentogčne.
Côté pilotes, on constate l’extręme prudence du SNPL, alias Air France Alpa. Il exprime sa satisfaction ŕ l’énoncé de mesure Ťsans complaisanceť (le syndicat craignait-il le contraire ?) et affirme qu’il sera vigilant lors de la mise en œuvre des mesures envisagées. La direction de la compagnie, pour sa part, s’est engagée ŕ concrétiser les propositions qui ont été formulées, condition sine qua non d’un pas dans la bonne direction.
Reste l’essentiel, c’est-ŕ-dire la notion de culture de la sécurité aérienne, que chacun espčre solide comme un roc. Ladite culture ne se fabrique pas de toutes pičces, elle relčve de l’état d’esprit davantage que de mesures réunies au sein d’un rapport, aussi pragmatique soit-il. Déceler des points faibles est une chose, installer une autre maničre de faire (et de réfléchir) en est une autre. La moindre faille peut avoir des conséquences graves, voire catastrophiques, ce que les experts du BEA peuvent expliquer mieux que quiconque.
Le problčme qui est posé, d’autant plus délicat qu’il n’échappe pas ŕ un aspect virtuel, est celui du maintien de la vigilance. Les voies aériennes sont sűres, les avions fiables, les équipages compétents et la confiance peut s’installer puis conduire ŕ une tranquillité des esprits qui, précisément, recčle de grands dangers. Comment déceler cette faiblesse potentielle et y remédier ? Une question qui taraude les esprits et qui concerne tous les rouages d’une compagnie, quelle que soit sa taille.
Dans le cadre de l’enquęte sur l’accident du Concorde Paris-New York de juillet 2000, on s’en souvient, les enquęteurs du BEA avaient constaté qu’au terme d’une opération de maintenance de routine, l’entretoise d’une jambe de train d’atterrissage n’avait pas été remise en place …pour cause d’oubli. Aucun rapport avec l’accident, avait noté le BEA. Mais cette étonnante faute aurait mérité une analyse attentive et des conclusions précises, bel exemple de perte de vigilance. Le mal, potentiellement, est partout.
Il serait vain de laisser entendre que la Ťmission d’expertise externeť ne constitue pas un effet induit de l’AF447. Mais peu importe ! L’essentiel est de constater qu’un travail de longue haleine est entrepris. Il ne fera que des gagnants.
Pierre Sparaco - AeroMorning