Quels seront les enjeux alimentaires et agricoles mondiaux à l’horizon 2050 ? C’est dans la perspective d’une forte croissance démographique que l’INRA et le CIRAD se sont mobilisés, au côté d’experts confirmés, à la mise en place d’une démarche prospective, plus connue sous le terme d’« Agrimonde ». Après 5 ans de recherches actives et concertées, l’étude démontre clairement qu’il serait possible de nourrir la planète dans le cadre d’un développement durable. Marion Guillou, présidente de l’Inra, et Patrick Caron, directeur général délégué à la Recherche et à la Stratégie du Cirad, ont donc présenté le 12 janvier à Paris, les résultats de leurs travaux.
- Entre besoin primaire et développement durable
Comment nourrir près de 9 milliards d’individus dans le cadre d’un développement durable ? L’enjeu est déterminant et même si la question est simple dans son énoncé, il n’en reste pas moins qu’elle est complexe à traiter en pratique.
En effet, la solution idéale serait de pallier à deux problématiques antinomiques : couvrir les besoins nutritionnels quantitatifs de la population mondiale, mais aussi de permettre à chacun un accès à une nourriture saine et équilibrée, produite par des systèmes respectueux de l’environnement, tenant compte de la raréfaction des énergies fossiles, et intégrant les dimensions sociales. Produire mieux tout autant que produire plus constitue le véritable défi pour les agricultures du monde.
- 3 conditions pour nourrir la planète en 2050
Afin de mener à bien cette étude, des experts, d’origines et de disciplines multiples, ont définis deux scénarios, l’un tendanciel (Agrimonde GO), l’autre de rupture (Agrimonde 1).
Dans les deux scénarios envisagés, nourrir la planète en 2050 apparaît possible. Cependant, dans le cas du scénario tendanciel, le prix à payer se traduirait par une dégradation environnementale importante, qui serait, assurément, sujette à d’autres complications d’ordre mondiale.
En revanche, le scénario de rupture, Agrimonde 1, montre que nourrir 9 milliards d’individus est tout à fait possible dans le cadre d’un développement durable. Cela va toutefois nécessiter un réajustement des consommations, au Nord comme au Sud puisque Agrimonde 1 fixe un objectif de satisfaction des besoins alimentaires de 3.000 kilocalories par jour et par habitant, dont 500 d’origines animale et aquatique, dans toutes les zones du monde.
Trois conditions principales sont posées :
- Ne pas généraliser le modèle alimentaire des pays industrialisés
Le meilleur exemple à fournir est, sans aucun doute, la réduction significative des habitudes alimentaires qui sont jugées trop excessives. Autre exemple : diminuer les pertes et gaspillages aux stades de la distribution et de la consommation finale (environ 25% dans la zone OCDE). - Faire le choix d’une agriculture productive et écologique
Il s’agit de développer une agriculture plus productive, et simultanément plus économe en énergies fossiles et plus respectueuse de l’environnement. Une telle agriculture valorise au mieux les processus écologiques. Elle stimule et exploite les synergies entre espèces végétales et animales. Elle tire profit des avancées scientifiques, mais aussi des savoirs et savoir-faire traditionnels. - Mettre en place une sécurisation des échanges internationaux des produits agricoles et agroalimentaires
Les prévisions pour 2050 estiment que le monde sera divisé en deux ou trois zones excédentaires en production de calories alimentaires (l’OCDE, l’Amérique latine et l’Ex-Union soviétique) et de trois zones déficitaires (l’Asie, l’Afrique du Nord – Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne), où l’augmentation de la production agricole domestique ne permettra pas de satisfaire les besoins intérieurs. Dans ces zones, un recours accru aux importations sera nécessaire. La question agricole devra donc nécessairement être posée à l’échelon international, intégrant »la problématique des échanges mondiaux de produits agricoles et agroalimentaires, de leur sécurisation, de leur stabilité, et des relations avec les régulations internationales environnementales et sociales ».
- Opportunités au profit de nouvelles perspectives de recherches
Ces dernières révélations ont permis de détecter de nouvelles pistes de recherche pour l’Inra et le Cirad.
Les deux organismes ont, d’ores et déjà, mis en place des programmes répondant à certaines des questions soulevées par Agrimonde : l’atelier « Dualine » pour des systèmes alimentaires sains et durables, des projets européens entrepris sur la durabilité des productions animales et la régulation des marchés alimentaires, ou encore la participation à des consortiums internationaux pour développer de nouvelles stratégies de production des céréales, notamment riz et blé. Une réflexion jugée prioritaire dans le prolongement d’Agrimonde est désormais engagée sur la modélisation de l’usage des terres.
Avec Agrimonde et ses prolongements, l’Inra et le Cirad s’insèrent pleinement dans les réflexions internationales menées sur cette question essentielle de la sécurité alimentaire mondiale.
- Avis de Sequovia
Cette initiative de l’Inra et du Cirad se doit d’être jugée comme exemplaire face à l’ampleur du défi posé par la croissance démographique et l’impérative nécessité d’augmenter le niveau de calories des habitants des zones géographiques défavorisées. En effet, à force de recherches et de concertation continue, les résultats sont probants et montre, encore une fois, que le développement durable est au service de notre planète et, plus encore, au service de l’homme. Quand on parle d’évolution des habitudes alimentaires, et pour ceux qui ne seraient pas rebutés, les vers représenterait selon certains chercheurs et entreprises de lombriculture comme une source inépuisable de protéines…sans compter leur action spécifique dans le compostage. Bon appétit bien sûr.