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Entretien de Thierry Dime avec Fabienne Lupo, Présidente et directrice générale de la Fondation de la Haute Horlogerie

Publié le 26 janvier 2011 par Papyrus1217

110112-fabienne-lupo-actu-pme.jpgThierry Dime Le Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) fêtera cette année sa 21ème édition. Peut-on dire que le SIHH a atteint l’âge de la maturité ?

Fabienne Lupo  Certainement ! Après vingt ans d’existence, le SIHH s’est imposé comme un salon incontournable dans l’univers de la Haute Horlogerie. Un salon professionnel, je tiens à le rappeler, qui a dès le début privilégié l’exclusivité tant au niveau de ses marques exposantes que de ses visiteurs.

Lors de sa première édition en 1991, le SIHH a démarré avec 5 Maisons horlogères sur 4'500 m2. Aujourd’hui, ce sont 19 marques qui occupent une surface de 30'000 m2 au sein de la Cité de la Haute Horlogerie, un décor qui sied parfaitement à ce rendez-vous privilégié qui permet d’accueillir des représentants de quelques 1'500 points de vente répartis sur les cinq continents et plus d’un millier de journalistes spécialisés. C’est dire le chemin parcouru durant ces deux décennies d’existence.

Thierry Dime Quels seront les nouveautés de la 21ème édition ?

Fabienne Lupo  Pour le prochain SIHH, nous tiendrons le salon avec les mêmes participants. On ne peut ainsi guère parler de véritable nouveauté en dehors de l’exceptionnelle créativité dont font preuve les différentes marques en présentant des garde-temps qui réinterprètent et enrichissent année après année cette tradition de la Haute Horlogerie faite de technicité soutenue par les métiers d’art.

Cela dit, conformément à sa vocation de plateforme de la Haute Horlogerie, le SIHH sera l’hôte d’une exposition exceptionnelle. Le Musée Beyer de Zurich présentera une sélection de quatre-vingts de ses pièces les plus significatives retraçant l’histoire horlogère du cadran solaire à la montre-bracelet du XXe siècle avec quelques unes des plus belles pièces horlogères d’hier et d’aujourd’hui. La maison Cartier présentera également une exposition unique

Thierry Dime Le Salon International de la Haute Horlogerie est pour les montres de prestige ce que les défilés de Paris et Milan sont à la haute couture. Quelle place Genève occupe-t-elle dans la Haute Horlogerie ?

Fabienne Lupo  A Genève, l’activité horlogère est née avec la Réforme, notamment suite à l’interdiction faite par Jean Calvin aux orfèvres et joailliers de réaliser des « instruments servant à la papauté et à l’idolâtrie ». De ce fait, ces artisans qui faisaient la réputation de cette petite ville de 12'000 habitants ont mis leurs talents au service du noble art horloger. Depuis cette époque, cette activité n’a cessé de se développer. Cette place de choix, Genève l’a gardée malgré les crises et notamment celle du quartz. Elle occupe aujourd’hui environ 9'000 personnes dans le secteur qui assure 40% des exportations du canton.

Le Poinçon de Genève datant de 1886, actuellement en cours de révision, n’y est pas étranger. Ce label, considéré à la fois comme une indication d’origine et un gage de qualité, est probablement un des plus contraignants et par là même prestigieux de la profession. C’est une des raisons pour lesquelles les manufactures qui ont essaimé au centre ville comme dans la périphérie, surtout à Meyrin et Plan-les-Ouates, sont pratiquement toutes actives dans la Haute Horlogerie et représentent certainement un centre d’excellence de toute première importance en Suisse.

Thierry Dime Le salon joue un rôle important de relais entre marques et marchés. Est-ce que c’est ce qui a motivé votre décision en fixant dorénavant cette manifestation en début d’année ?

Fabienne Lupo  A la base, il s’agit d’un problème de calendrier qui nous était d’ailleurs connu depuis des années. La concomitance des salons de Bâle et de Genève avait été arrêtée entre les organisateurs de ces deux manifestations pour une période allant de 2002 à 2007. Dans la foulée, cette simultanéité s’est prolongée en 2008 puisque le calendrier le permettait. Mais pour 2009, Pâques, qui est une fête mobile, tombait mal, et les 32 jours d’occupation des halles de Palexpo nécessaires au montage, à l’exposition et au démontage du SIHH ne permettaient techniquement pas une concomitance des dates avec Baselworld.

C’est ce qui a motivé le Comité des exposants, instance dirigeante du Salon, à le placer en janvier. Une décision qui aujourd’hui fait l’unanimité car elle permet aux Maisons horlogères participantes de mieux planifier leur production sur l’année civile et livrer plus rapidement les modèles présentés au SIHH. Ce qui présente un avantage non négligeable.

Thierry Dime Dédié à l’horlogerie indépendante, Geneva Time Exhibition se déroulera durant la même période que le SIHH. N’est-ce pas une manifestation de trop ?

Fabienne Lupo  Il n’est pas très étonnant qu’une telle initiative ait vu le jour. Cela fait déjà une bonne dizaine d’années que certaines marques exposent en périphérie du SIHH.

Il y avait d’ailleurs déjà eu une initiative similaire il y a quatre ou cinq ans. Le GTE relève de la même logique et montre, si tant est que cela soit encore nécessaire, l’importance du SIHH et la place qu’occupe Genève dans la Haute Horlogerie. Cette manifestation ne pose donc pas de problème particulier au SIHH.

Thierry Dime 12’500 visiteurs, dont 1’200 représentants des médias internationaux; l’édition 2010 du SIHH a témoigné que le marché des montres se portait beaucoup mieux après de nombreux mois difficiles. Quelles sont les prévisions concernant la 21ème édition ?

Fabienne Lupo  Il ne fait pas de doute que le contexte économique est nettement plus favorable aujourd’hui qu’il ne l’était en 2009. Ce qui a déjà exercé une influence favorable sur l’horlogerie comme le démontrent les statistiques des exportations qui devraient connaître une hausse de l’ordre de 20% sur l’ensemble de l’année 2010. Certaines Maisons horlogères connaissent d’ailleurs un regain d’activité qui n’est pas sans rappeler la situation qu’elles ont vécue avant que la crise financière ne vienne appliquer un coup de frein conjoncturel brutal. Cette situation est ainsi d’excellent augure pour la tenue du SIHH.

Thierry Dime Vous êtes Directrice Générale du SIHH et vous avez récemment accédé à la présidence de la Fondation de la Haute Horlogerie. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la Haute Horlogerie ?

Fabienne Lupo  La Haute Horlogerie est plus vivante que jamais et, comme on vient de le constater, à même de résister aux vents contraires, même les plus forts. Depuis une dizaine d’années, le renouveau de la montre mécanique et l’engouement que portent les marchés à la belle horlogerie ont fait que cette activité, qui conjugue une quarantaine de métiers, a pu asseoir ses positions et développer ses canaux de distribution sur les cinq continents. La Haute Horlogerie dispose ainsi d’une présence mondiale ; ce qui, en termes d’équilibre de son modèle économique, est une excellente chose.

Cet attrait qu’elle exerce aujourd’hui n’est d’ailleurs pas le fruit du hasard. Rarement la Haute Horlogerie n’avait été si innovante et créative en cultivant tout à la fois les métiers d’art comme la recherche de pointe. Il en ressort une richesse au niveau des produits et un niveau de finition exceptionnel. Plus encourageant encore, la relève est assurée. Une nouvelle génération de jeunes créateurs indépendants a en effet émergée ces dernières années, qui vient conforter la place de la Suisse comme centre de compétence inégalé dans la Haute Horlogerie. Reste maintenant à transmettre cette passion, voire à créer cette fascination pour ce savoir faire exceptionnel auprès de tous les amateurs, et surtout des jeunes générations. Et là est le véritable enjeu de la Fondation de la Haute Horlogerie.


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