Titre original : The Devil's footprints (Ecosse, 2006)
Beau, tout
simplement
Une légende circule dans la petite ville écossaise de Coldhaven, celle du diable qui l'aurait jadis traversée par une nuit d'hiver, laissant sur son sillage ses
empreintes noires, ni animales ni humaines, dans la neige toute fraîche. Un jour, dans la presse locale, un fait
divers horrible attire l'attention de Michael Gardiner, qui a toujours vécu dans cette bourgade de pêcheurs : voyant
en son époux violent le diable en personne et en ses fils ses successeurs, Moira Birnie tente de le poignarder avant de mettre le feu à sa voiture en rase campagne, ses deux fils avec elle à
l'intérieur, mais après avoir pris soin de déposer son aînée, Hazel. Or Moira était autrefois la petite amie de Michael, lequel commence à voir ressurgir
les vieux démons du passé, s'interrogeant sur son éventuelle paternité, et surtout se remémorant un terrible secret, celui, enfant, d'avoir assassiné le
frère de cette dernière...
Ces quelques lignes suffisent amplement à imaginer combien l'auteur va jouer avec l'attention du lecteur, ménageant son suspens par des
va-et-vient temporels. Mais elles ne parviennent pas à évoquer l'immense solitude ressentie par le héros et par ses parents due à la méchanceté et à
la bêtise humaines. On en sort triste et révolté, emporté par l'histoire jusqu'à l'achever, l'élan interrompu par quelques pensées, jsute ce qu'il faut pour se poser :
"De temps à autre, je trouvais ma mère occupée à des travaux domestiques, en train de cuisiner ou de repriser, ou bien installée sur le palier, à côté de la
grande fenêtre qui donnait sur la pointe, devant son chevalet, et je l'observais, témoin silencieux d'une existence qui était à mes yeux un complet mystère. (...) j'étais fasciné par le
visage différent qu'elle avait, endormie. J'en étais à cette époque de la première adolescence où tout semblait n'être que gigantesques découvertes philosophiques : le fait que nous sommes
foncièrement seuls, l'idée que nous ne nous voyons jamais tels que les autres nous perçoivent, la découverte des mensonges auxquels nous nous livrons, ceux dont nous nous berçons nous-mêmes,
pour tenter en vain de tromper le temps, de tromper la mort. Tout est lié ; tout se tient, dans cette philosophie puérile : nous traversons l'existence dans un rêve, vivant une vie et en
imaginant une autre, percevant notre propre voix comme personne d'autre ne la perçoit, nous contemplant de l'intérieur tel que jamais personne d'autre ne nous verra." (...) p. 97
"L'autre caractéristique du mariage, c'est qu'il s'agit d'une histoire. Il faut continuellement y ajouter quelque nouvelle péripétie de temps à autre, une ligne par-ci, un paragraphe par-là,
des chapitres entiers que les protagonistes, même s'ils ne restent pas jusqu'à la fin de la pièce, pourront toujours paratger, indirectement, pendant qu'ils sont sur scène." p.
119
... et repartir de plus belle, tout simplement ravi à la réalité par la musique de sa prose.
Il s'agit du troisième roman de John Burnside traduit aux éditions Métailié.
2003 La Maison muette (hélas non lu)
2005 Une vie nulle part ****
Il sera à Paris du jeudi 24 au dimanche 27 janvier 2008.
(Il ne parle pas français.)
BURNSIDE, John. – Les empreintes du Diable / trad. de l'anglais (Ecosse) par Catherine Richard. – Métailié,
2008. – 217 p.. – (Bibliothèque écossaise). - ISBN 978-2-86424-636-7 : 18 €.