Quand Frédéric Mitterrand supprime Céline de son calendrier de «Célébrations nationales»

Par Sergeuleski


A ce sujet, il serait bon de lire la préface du document de la célébration.

Le premier paragraphe de cette préface dit ceci : "Il n’est pas facile mais il est passionnant d’établir une liste des individus dignes d’être célébrés ; c’est-à-dire de ceux dont la vie, l’œuvre, la conduite morale, les valeurs qu’ils symbolisent sont, aujourd’hui, reconnues comme remarquables."


Qu'en est-il de la vie, de la conduite morale et des valeurs de Céline ?


On pourra longtemps s'interroger sur le fait que les lecteurs et les admirateurs inconditionnels de Céline aient tant besoin de cette célébration car cette recherche d'honneurs me paraît en contradiction totale avec le caractère et la nature de l'œuvre de l'auteur.

De même, sera-t-on fortement tentés de demander à tous ces lecteurs d'assumer le fait que Céline fait bien exception en tant qu'auteur à la fois inassimilable et irrécupérable.

Et l'on pourra toujours regretter que ces lecteurs ne comprennent pas la nécessité d'une telle responsabilité.
Et pour toutes ces raisons...

Le choix de Céline était un choix imbécile et irresponsable car Céline n’est pas un auteur que l'on peut célébrer comme l'on célèbrerait Hugo, Zola, Pagnol, Proust…

Le ministre de la culture prenant le risque de se voir déjugé par une association qui, non contente de contester sa politique - ce qui est son droit le plus absolu -,  ira jusqu'à lui dicter ses choix, ce qui est inacceptable ; sans oublier le fait que nombre d'associations à caractère ethnique ou autre (homosexuels, féministes...) pourront à loisir se poser la question de savoir si un ministre de la culture aurait accepté un tel diktat s'il s'était agi d'un autre auteur et d'une autre cible communautaire.

Double risque donc : celui de renforcer le soupçon d'un "deux poids deux mesures" au profit d'une communauté en particulier, et d'un "pour les uns tout est permis, pour les autres, tout est interdit".

Faire le choix d'inclure Céline à une telle célébration, c'est faire preuve d'un manque de discernement indigne d'un ministre de la République, et qui plus est, ministre de la culture qui, jour après jour, s’avère être un très mauvais "politique" (méconnaissances des symboles et de leur utilisation) ; un Frédéric Mitterrand maladroit, inconstant, incohérent, et bien superficiel finalement.

***

Non ! Céline n'est pas un auteur comme les autres ; son racisme, son anti-sémitisme, sa haine de l'humanité interdisent toute tentative de normalisation, voire de banalisation, d'une œuvre qui, aussi originale soit-elle, impose un devoir de vigilance ("œuvre originale"  dans le sens de… œuvre sans précédent, si on oublie un moment celle du Marquis de Sade... mais dans un tout autre domaine : celui des mœurs, de la sexualité et du pouvoir).

Auteur d’exception, Céline ne convient pas une telle célébration même si son œuvre mérite bien mieux qu’une célébration qui le rangerait parmi d’autres figures littéraires qui ne pourront jamais prétendre à un tel régime d’exception dans ce vaste champ d’investigation de nos démons les plus intimes et les plus obsessionnels qu’est aussi la littérature.

Pour rebondir et prolonger... cliquez Céline ou la littérature de l'échec