De Jean-Joël Brégeon
Ed. Perrin, "Tempus", janvier 2006, 464 pages
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Réédition en poche d'un incontournable de l'histoire napoléonienne (publié en 1991 et récompensé par le prix Diane Potier-Boès de l’Académie française).
Après avoir montré la grande fascination exercée par l’épopée de Bonaparte (1798-1801) aussi bien dans le monde arabe qu’en France et rappelé brièvement les principales productions historiques écrites depuis le XIXe siècle (1), l’auteur explicite dans son avant-propos deux raisons qui l’ont poussé à écrire son livre. D’abord, si les faits militaires sont bien connus, la situation vécue ou perçue par les « Egyptiens » et les Français (militaires et civils) n’a pas suffisamment été traitée par les historiens. Les questions médicales et scientifiques ont également la part belle d’une longue analyse, à la fois instructive et passionnante. Pour raconter la « vie quotidienne » de l’expédition, J. J. Brégeon utilise les parcours singuliers d’hommes connus ou inconnus à partir de leurs journaux intimes ou de leurs mémoires. Ainsi, le Journal du capitaine François permet à l’historien de décrire « les heurs et malheurs » des opérations militaires en Haute-Egypte (chap. 16). Les Mémoires de « l’argentier » Hamelin permettent de s’interroger sur les impérities financières de la conquête (chap. 17).
L’auteur veut, par ailleurs, inscrire l’expédition d’Egypte dans un temps long qui commencerait au moins au XVIIe siècle (avec l’émergence des premiers intérêts intellectuels et politiques européens) et aboutirait pour l’essentiel à la fin du XIXe siècle (avec la construction du Canal de Suez, sorte d’épilogue de l’influence française dans ce pays et aboutissement du rêve de Bonaparte, à la veille de la domination anglaise de 1882).
En amont de l’expédition, une fascination grandissante pour « le pays du Nil »Dans une première partie, l’historien s’attache à décrire en préalable la situation physique, politique et sociale de l’Egypte avant la conquête. Le constat est sévère et sans appel pour l’Empire ottoman dirigé par Selim III. Depuis 1516, l’autorité sur l’Egypte est confiée à un pacha qui réside au Caire (qu’il ne quitte pratiquement jamais) : sa principale tâche est de veiller à la rentrée régulière des impôts qui écrasent les habitants. Pour l’assister, des beys administrent les différentes parties du territoire. La décadence était bien avancée selon Jean-Joël Brégeon avec la corruption à tous les échelons, l’anarchie administrative et les rivalités entre le représentant de la Sublime-Porte (absent… depuis 1787) et les beys. Ces derniers commandaient le puissant corps des mamelouks (2) dont ils étaient eux-mêmes issus. A la veille de la conquête, ce sont les beys Ibrahim et surtout Mourad, d’origine caucasienne, qui dirigeaient de fait le pays. Après une étude détaillée de la population égyptienne (3), J. J. Brégeon s’est intéressé à la fascination des Français pour l’Orient, enrichie des récits des diplomates, des « aventuriers », des écrivains et des religieux. Sans remonter aux croisades et à Louis IX, rappelons que François Ier, pour mieux contrecarrer les desseins de Charles Quint, n’avait pas hésité à entretenir après 1536 de bonnes relations avec la Sublime-Porte. « L’orientalisme » (4) a précédé et fourni les bases intellectuelles de la conquête française. Attiré par l’esthétique de la culture et les langues orientales, reconnaissant la grandeur passée des Arabes, ce courant de pensée a effectivement construit une vision négative de l’Islam en affirmant que sa décadence était avancée. Les Lumières avec Voltaire, Boulainvilliers, Condorcet ou Volney « imprimeront » fortement cette idée dans les mentalités européennes. « Le coupable, écrit l’historien, est nommément désigné : le despotisme ottoman ». Et c’est au nom d’une prétendue libération des Egyptiens du joug des beys que les Français engageront la conquête.
Les intérêts économiques et politiques précipitent la conquête à la fin du XVIIIe siècle
L’écrivain Claude Etienne Savary (1750-1788), dans ses Lettres sur l’Egypte (1785) et le philosophe Constantin Chasseboeuf dit Volney dans son Voyage en Syrie et en Egypte pendant les années 1783-1785 (1787) élaborèrent un véritable plaidoyer en faveur d’une expédition et prévinrent que de nombreuses puissances (anglaise, autrichienne et russe) regardaient avec intérêt la déliquescence du pouvoir ottoman (après sa défaite en 1774, l’Empire ottoman céda la Crimée à la Russie). Ces écrits ont fortement influencé, dans sa jeunesse, le futur général Bonaparte. Le lobby colonial à Paris avait reçu le renfort des marchands français et de la maison consulaire (sous l’autorité de Magallon) qui multipliaient les rapports alarmistes à la nouvelle République. La situation devenait calamiteuse pour les intérêts français affirmaient-ils, les « Turcs » étant accusés des pires « avanies ». Convaincu par le projet de conquête qui devait à la fois faire oublier la perte de la Louisiane, du Canada et de l’Inde (après la Guerre de Sept Ans achevée en 1763), déstabiliser le commerce anglais en Orient et garantir des richesses assurées, le ministre des Relations extérieures, Talleyrand, obtint du Directoire la décision d’intervenir en Egypte. Pour le gouvernement de l’époque, c’était aussi une occasion d’occuper Bonaparte, le héros des guerres d’Italie, en le maintenant loin de Paris. Le général d’origine corse nourrissait en secret l’idée qu’une gloire en Orient lui ouvrirait grandes les portes du « rêve occidental » (Jean Tulard).
L’Egypte sous l’occupation française (1798-1801)Après le « miracle de la traversée », les navires français ayant évité à plusieurs reprises les vaisseaux mieux armés de la flotte anglaise commandée par l’amiral Nelson qui sillonnaient la Méditerranée, les soldats français débarquèrent à Alexandrie le 1er juillet puis firent route vers Le Caire. L’expédition d’Egypte comptait plus de 36 000 hommes dont 28 000 fantassins et près de 3000 cavaliers ainsi que les principaux officiers qui firent la gloire des guerres consulaires et impériales comme Kléber (assassiné en 1800), Davout, Donzelot, Rapp, Murat, Reynier ou Desaix. La fameuse victoire de la « bataille des Pyramides », le 19 juillet, a permis à la France d’asseoir son autorité sur le delta du Nil. Il faudra plusieurs mois à l’armée pour parvenir à « contrôler » le désert sans que la sécurité n’y soit complètement assurée. La « guérilla » soutenue par l’Angleterre et les Ottomans fut en effet continue et était le fait des mamelouks, des fellahs, des bédouins et des « Arabes » venus des régions voisines dont les redoutables « Mekkains », encouragés par le Djihad lancé par Sélim III et les Wahhabites du Hedjaz (partisans d’un islam rigoriste). La défaite navale d’Aboukir le 1er août 1799 (dite aussi « Bataille du Nil ») scella le sort de l’armée d’Egypte coupée de la France. L’aide de la métropole ne pouvant plus parvenir au corps expéditionnaire, les Français commandés par Menou (Bonaparte a quitté l’Egypte le 23 août 1799) doivent sous la pression anglo-ottomane abandonner l’Egypte en septembre 1801.
Un scénario huntingtonien avant la lettre ou la « cohabitation impossible »
Avant Madrid, le Caire a connu ses Dos et Tres de Mayo : les 21 et 22 octobre 1798, une révolte des Cairotes avait entraîné une répression très sévère. Il y eut plusieurs milliers de morts parmi les civils ; des lieux de culte comme la célèbre mosquée d’al-Azhar furent profanés débouchant sur une incompréhension réciproque et une haine tenace chez les habitants. Outre l’occupation de leur territoire par les « Francs », les Egyptiens ont vu leurs traditions bousculées. La vie sociale était désorganisée par les réformes engagées par l’occupant. Les beuveries des soldats et la « débauche institutionnalisée » (p. 202) ont aussi scandalisé le peuple (5). Le comte de Las Casas a rapporté dans son fameux Mémorial de Sainte-Hélène (1823) que Vioney avait personnellement averti Bonaparte que trois guerres lui seraient nécessaires : contre les Anglais, contre les Ottomans et contre l’Islam. Il lui aurait prédit que celui-ci serait « son pire ennemi ». Trop sûr de lui, le général n’aurait pas voulu tenir compte de ses conseils. C’est surtout auprès des minorités religieuses ou ethniques que les Français ont pu trouver des collaborateurs dignes de confiance. Ainsi, Bonaparte a pu constituer une « légion copte » qui a compté plusieurs centaines de membres. La cohabitation n’a donc jamais fonctionné avec les Egyptiens malgré les efforts de Bonaparte et de Desaix d’abord, de Kléber et de Menou ensuite (ce dernier s’était converti à… la religion musulmane). Le choc des cultures était trop important. Contrairement à Kléber, Menou avait envisagé une colonisation du pays en réformant la fiscalité et la justice égyptiennes. Stratège médiocre mais administrateur avisé et précurseur de la colonisation française du XIXe siècle, Menou avait manqué de temps et de moyens pour parvenir à ses fins.
La vie quotidienne des Français : « s’adapter pour survivre »La vie quotidienne des soldats français était rendue difficile par les rigueurs du climat et du désert, les dangers des escarmouches, l’hostilité du peuple aux mœurs si « étranges », la difficulté de s’approvisionner, les nombreuses maladies (la peste, les « fièvres » comme le paludisme, les ophtalmies qui aboutissaient pour les formes les plus malignes à la cécité), l’absence des êtres chers laissés en métropole ou le manque de distractions. Le « cafard » des soldats (au sens de « mal du pays » ici) était un mal endémique comme l’attestent les nombreuses correspondances souvent interceptées par l’ennemi anglais et parfois publiées par ce dernier pour servir d’ « arme psychologique » ou distraire la société britannique (chap. 18). De nouvelles unités appelées « dromadaires » (chap. 16) furent créées par Bonaparte en janvier 1799 pour escorter les scientifiques, transporter les courriers, lutter contre l’insécurité dans le désert, près des côtes ou mater les tribus hostiles. Elles ont eu recours à la politique de la terre brûlée déjà éprouvée en Vendée. L’armée qui manquait cruellement d’hommes avait imaginé avec plus ou moins de bonheur des « légions étrangères » : copte, grecque ou maltaise. Du côté musulman, des janissaires soigneusement « encadrés » eurent la charge de la police des villes et des provinces. Surtout, on fit appel aux plus fameuses des troupes auxiliaires de l’épopée bonapartiste : les mamelouks qui incarnent à eux seuls « la séduction de l’Orient sur les Français » (p. 162). On s’adapta aussi sur le plan logistique (chap. 19) et financier (chap. 17). On trouva mille expédients pour fournir aux soldats la poudre, les armes, les nouveaux uniformes, des femmes, l’alcool, des jeux et des… dromadaires pour pallier au manque de chevaux. Pour les finances, on fit appel aux services d’un aventurier fantasque, habile et vénal, Antoine-Marie Romain Hamelin. « L’histoire au quotidien des soldats français, écrit l’historien, c’est avant tout le récit de leurs souffrances » (p. 221). Manquant d’argent et de moyens après le désastre d’Aboukir, le médecin René Nicolas Desgenettes et le chirurgien Jean-Dominique Larrey vont organiser les services de santé et réaliser de grandes prouesses pour soigner les blessés et surtout les malades, améliorer l’hygiène et développer d’efficaces campagnes de prévention (chap. 23-24). La peste était le fléau le plus redouté et a contribué à l’échec de Bonaparte en Syrie. Au total, sur près de 9 000 décès (un quart des effectifs engagés) enregistrés dans le corps expéditionnaire, plus de 1 600 ont été victimes du « châtiment d’Allah » (p. 249).
« Une aventure scientifique et culturelle unique dans les annales de l’humanité » (p. 252)Pour l’auteur, « ‘’les savants de Bonaparte’’ relèvent de cette imagerie qui a transfiguré l’épopée napoléonienne pour lui donner les dimensions d’une épopée » (p. 252). Sans nous dissimuler sa fascination pour cette partie de l’histoire, J. J. Brégeon nous fait revivre l’expédition de la « Commission scientifique » composée de 151 membres (d’après Jean-Edouard Goby) et en grande partie constituée d’ingénieurs et de techniciens. L’âge moyen était seulement de vingt-cinq ans. Parmi les membres figuraient de grandes personnalités comme le chimiste Claude-Louis Berthollet, le directeur de Polytechnique Gaspard Monge, l’imprimeur Jean-Joseph Marcel ou « l’artiste-mécanicien » Nicolas-Jacques Conté (l’inventeur… du crayon du même nom obtenu à partir du graphite). Au-delà de servir les besoins immédiats de l’armée d’Orient (p. 270), la mission à long terme de la Commission scientifique était « d’occidentaliser l’Egypte et, ce faisant, de la régénérer ». L’Institut d’Egypte fut créé à cet effet en août 1798. La première imprimerie du monde arabe est né le même mois et ce fut l’une des plus importantes contributions françaises au renouveau (nahda) de l’Egypte impulsé sous Muhammad Ali (Méhémet Ali) entre 1804 et 1848. Une autre « innovation extraordinaire » (R. Fakkar) fut la publication des premiers journaux comme La décade égyptienne.Des découvertes importantes ont été faites en Haute-Egypte. Le capitaine Pierre Bouchard, officier de génie et membre correspondant de l’Institut, a découvert en juillet 1799 la célèbre pierre noire de Rosette qui portait une triple inscription hiéroglyphique, démotique et grecque. Grâce à ce document fondateur de l’égyptologie, Jean-François Champollion en 1822 parviendra à déchiffrer l’écriture antique des pharaons. Touchés par la « fièvre des pyramides » (chap. 20), Vincent Denon et d’autres membres de la Commission n’ont eu de cesse de recenser les monuments antiques puis d’assurer leur publicité à leur retour en France. La connaissance géographique s’est étendue et l’hydrographie a fait des progrès importants. Il y eut d’inévitables disputes et jalousies entre les « savants » (chap. 26). Mais le sentiment de participer à l’une des pages les plus brillantes de l’histoire des sciences et des idées a habité, sinon exalté, tous les membres de la Commission scientifique. Sous l’impulsion de quelques chercheurs et de l’Etat, il est décidé de publier un vaste ouvrage de référence à « caractère national » appelé Description de l’Egypte (6).
En aval, les sillages féconds de l’expéditionL’expédition militaire a laissé des « sillages » féconds en Egypte. C’est la dernière partie (passionnante à divers titres) de l’ouvrage de J. J. Brégeon. Au XIXe siècle, des Français ont continué l’œuvre de Bonaparte comme Ferdinand de Lesseps (qui réalisa entre 1854 et 1869 le projet inachevé de Bonaparte, à savoir le percement de l’isthme de Suez : chap. 37) ou participé à la construction de la légende napoléonienne comme le chevalier de Lascaris (chap. 31). Ce dernier avait imaginé, un siècle avant T. E. Lawrence, l’unité du monde arabe contre les Ottomans (7). D’autres comme le « colonel Sève » dit Soliman Pacha ont soutenu les efforts de l’Egypte dans la voie de la réforme (chap. 36). Dans la première moitié du XIXe siècle, des écrivains (Gérard de Nerval, Alphonse de Lamartine ou Gustave Flaubert), des voyageurs (Champollion) vont effectuer une sorte de pèlerinage en Egypte et enrichir par les souvenirs glanés auprès des derniers témoins la geste napoléonienne. Moins que les guerres d’Italie au moment de la Renaissance, l’expédition a cependant influencé le « goût français » dans le mobilier et les arts décoratifs (style « retour d’Egypte »). Les élites ont vécu une sorte d’Egyptian Revival. Davantage que la sculpture ou l’architecture, la peinture avec Jean-Léon Gérome ou Horace Vernet a retracé dans le vaste courant orientaliste les grands faits de l’épopée.Fasciné par son sujet, J. J. Brégeon nous offre donc une synthèse remarquable et bien documentée de la vie quotidienne des Français et de leurs rapports avec les Egyptiens sur un temps long qui dépasse le cadre étroit de l’événement. Le regard sur l’opposition égyptienne mériterait toutefois une approche moins négative ou réductrice : elle est souvent assimilée par l’auteur aux réactions épidermiques d’élites conservatrices (comme Jabarti) voire de fanatiques religieux. C’est oublier la force du sentiment national (comme en Espagne en 1808) et même panarabe. Le Djihad et le choc des cultures n’expliquent pas tout. J. J. Brégeon regrette presque le fait que les lettrés éclairés qui souhaitent la collaboration « se comptent sur les doigts d’une seule main » (p. 127). Les cheikhs qui discutaient avec les Français n’avaient pas « la même trempe » que ces esprits des Lumières et pratiquaient à l’envi le double jeu, les bassesses et les intrigues (p. 128). Cette vision est assez édifiante et symptomatique de la force des stéréotypes. La référence à certains écrivains égyptiens contemporains pour rendre cette expédition plus « chaleureuse » (p. 9) ne doit pas masquer l’idée que l’expédition fut d’abord, pour l’immense majorité des Egyptiens, une conquête (même parée des plus beaux atours). L’influence française fut cependant déterminante au XIXe siècle pour éveiller la « conscience nationale » de la nation égyptienne (p. 392). C’est un des effets inattendus du projet du Directoire. Aujourd’hui, « la communauté d’idées et d’intérêts tient beaucoup aux soldats de Bonaparte. Sans leur incursion en Egypte, elle n’aurait pas retrouvé aussi vite les voies de l’Histoire ; sans cette expédition unique en son genre, la France se serait privée d’un apport culturel exceptionnel » (p. 397).
(1) Les premières études, méticuleuses dans les détails, ont privilégié les « faits militaires » à partir des mémoires et des archives de l’expédition. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, des historiens comme Jacques Benoist-Méchin ou l’Anglo-saxon J. Christopher Herold ont plutôt recherché les motivations profondes de la conquête, le premier affirmant notamment que Bonaparte avait voulu unir l’Orient et l’Occident (en fondant « un Empire panmusulman » du Nil à l’Indus) et marcher ainsi sur les pas d’Alexandre le Grand. Plus près de nous, dans son Expédition d’Egypte paru en 1990, Henry Laurens a voulu établir notamment les motivations et les conséquences intellectuelles de la conquête de l’Egypte par l’armée française.(2) « Mamelouk » vient de l’arabe malaka qui signifie « posséder ». Les mamelouks sont d’anciens jeunes esclaves convertis à l’Islam et formés au métier des armes. Beaucoup viennent du Caucase (Circassiens, Tcherkesses, etc.), d’Afrique noire ou d’Europe (des Balkans, de Venise, de Russie, etc.). Ils sont appelés à devenir des cavaliers redoutables.(3) La société égyptienne est mieux connue pour le Caire que pour les campagnes. Les Français entre 1798 et 1801 eurent assez peu de contacts avec les fellahs (paysans égyptiens) décris souvent comme pauvres, sales, ignorants, rétifs au progrès et fortement attachés à leurs traditions séculaires.La population cairote aurait atteint près de 300 000 habitants à la fin du XVIIIe siècle, soit plus du dizième de la population totale, travaillant essentiellement dans les métiers de l’artisanat, du commerce ou dans des fonctions de « services » (ouvriers, portefaix, domestiques, palefreniers).A côté de la « masse musulmane », il existait en Egypte de nombreux groupes ethniques ou religieux (les chrétiens coptes sont les plus nombreux et Bonaparte y rencontrera de nombreux appuis, suivis des juifs, des Syriens chrétiens, des Grecs, des Arméniens et des Européens).(4) Le mot est apparu en 1799 en France (en 1779 en Angleterre).(5) Lire les nombreux extraits du Journal d’un notable du Caire durant l’expédition française, 1798-1801 (publié en 1979 aux éditions Albin Michel et traduit par Joseph Cuoq) de Abd-al-Rahman al-Jabartî souvent cité (et parfois brocardé) par l’historien. Ils témoignent de la haine de la majorité des Egyptiens à l’encontre des Français.(6) C’est une œuvre magistrale qui fut publiée entre 1809 et 1828 en 20 volumes. Elle comporte un atlas géographique, 10 volumes de 974 planches et 9 volumes de texte. Les dessins sont d’une grande qualité.(7) Inconnu en son temps, c’est le poète Lamartine, dans ses souvenirs d’Orient publiés en 1835, qui fera la fortune posthume de Lascaris.