Une chronique de Vance
Réparons un oubli pour ce Défi Cinéma qui commence tout doucement à prendre une très agréable vitesse de croisière. C’est qu’on aborde à présent les films que j’ai découvert dans ma prime jeunesse, à l’heure où il fallait encore une autorisation parentale pour pouvoir les regarder.
Film n°4 : Scanners
Titre original : Scanners (1981) avec Jennifer O’Neill, Michael Ironside & Patrick McGoohan
DVD zone 2, Opening
1.85 : 1 – 16/9
VOST 1.0 ; 98 min
Un DVD remontant au Moyen-Age de la galette numérique, mais qui remplace efficacement la très vieille cassette VHS qu’un ami de mon frère avait recopiée à partir de celle de son père (vous me suivez ?). L’image n’est pas si moche malgré des couleurs assez fades et un grain très présent : le travail du chef opérateur Max Irwing est totu de même appréciable. Le son a heureusement perdu son côté nasillard même s’il reste trop frontal, tout en faisant la part belle à la partition d’Howard Shore
Résumé : Alors qu’il cherchait à s’alimenter en puisant dans les vestiges des repas laissés par des consommateurs d’un petit restaurant de Montréal, Cameron perçoit les réprobations de deux clientes qui le dévisagent. Réagissant violemment à ces critiques, il provoque l’étouffement de l’une d’entre elles, ce qui le fait repérer par deux individus qui le prennent en chasse. Plus tard, au cours d’une présentation secrète organisée par la CONSEC, un « scanner » désireux de démontrer son pouvoir à une assemblée se retrouve pris à son propre piège : l’un des invités, visiblement plus puissant, retourne son pouvoir contre lui et lui fait exploser la tête. Pour les dirigeants de la société, l’heure est grave : une organisation rivale, sous la coupe d’un certain Daryl Revok, s’en prend à ses éléments surdoués ; il faut trouver quelqu’un capable de la contrer…
Plus rythmé, plus dense, plus resserré autour de ses personnages et de son thème principal, le 4e long-métrage de Cronenberg visionné dans le cadre du Défi est pour l’heure mon préféré. Certes, on peut lui reprocher (à raison sans doute) une plus grande longueur et quelques passages un peu verbeux (dont un monologue hypnotique de Patrick McGoohan, tout simplement prodigieux de charisme), ainsi qu’une certaine légèreté de ton qui le démarque des trois précédents. Le film, plus orienté SF aussi (si l’on demeure toujours dans un contexte médical et expérimental, on reprend le prétexte de Chromosome 3 où cette fois, c’est l’esprit qui domine la chair) suit la quête d’un jeune homme perdu auquel on apprend à maîtriser ce pouvoir qu’il ne comprend avant de l’envoyer dans le grand bain, se frotter aux autres « scanners » afin de trouver celui qui s’est retourné contre eux : Revok.
Cameron Vale vs. Daryl Revok, c’est un peu Mutants contre mutants en fait. Même les noms font très super-héros. Après tout, les scanners ont été créés opportunément, dans le but peu avouable de servir d’arme secrète : doit-on dès lors blâmer Revok, le rebelle ? Certes, ses méthodes sont contestables (il tue les scanners inféodés à la Consec en les faisant carrément exploser par la pensée), mais celles des scientifiques à l’origine du projet ne sont guère plus défendables. Dès lors, comment va réagir Cameron ?
C’est peut-être là qu’on éprouve une certain frustration : Cameron (bien aidé par l’interprétation d’un Stephen Lack complètement transparent) ne fait que subir ou réagir, sans jamais vraiment peser sur les événements. Il va trouver un petit groupe de scanners underground et pacifiques mais ne parviendra pas à les sauver de la menace Revok. Ce n’est que poussé dans ses derniers retranchements qu’on verra de quoi il est capable (comme de se connecter mentalement à un réseau informatique – brillant !). En cela, il s’inscrit dans la tradition des personnages principaux de Cronenberg, souvent des pantins doués de réflexion mais rarement capables d’influer véritablement sur le cours des événements, témoins lucides des désastres (comme les médecins de Rage et Frissons ou le mari dans Chromosome 3).
A souligner le score d’Howard Shore, beaucoup plus développé, presque envahissant, usant de sonorités parfois dissonantes, glaçant à souhait.
L’entreprise manque toutefois de profondeur et de réflexion : Scanners se contente de la confrontation (jubilatoire) entre individus dotés de pouvoirs terrifiants et esquisse une certaine problématique sans entrer dans les détails : Cameron, ainsi, souffre visiblement de son aptitude à percevoir en continu le flot des pensées des autres. L’usage de la drogue mise au point pour filtrer cette perception envahissante fait d’ailleurs figure de deus ex machina, là où on aurait pu avoir une vraie étude sur les conséquences psychiques et physiques de telles capacités. Délesté de ces problèmes, le film se suit ainsi sans gêne, comme une bonne série B percutante, un peu plus élaborée que la moyenne. Videodrome sera d’un autre acabit.