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Sans doute ne suis-je pas le meilleur des hommes, loin s’en faut. Mais je reste baba devant ces femmes qui sont à genoux devant leur machos de mari, et qui viennent baver tout ce qu’elles savent à ma table, quand je tente simplement de ne pas renouveler le genre guerrier aux bras musclés.
Sans doute ne suis-je pas le mieux placé pour émettre le moindre jugement, mais je reste sans voix lorsque la liberté des unes consiste à prendre tous les défauts de l’autre genre, tout en se proclamant indépendantes.
Je sens que je vais me faire mal voir : Mesdames, bousculez votre macho domiciliaire, assumez toutes les responsabilités que vous pourriez prendre, mais, de grâce, ne nous jetez pas tous dans le même panier.
Il en est parmi nous qui tentent d’agir et vivre en poète. Qui tentent de trouver un équilibre bien difficile entre autorité et compréhension quand il s’agit d’éduquer nos enfants qui ont besoin des deux versants pour se construire.
Reconnaissez au moins que, dans une culture mercantile qui nous invite à travailler toujours plus pour gagner toujours moins, mâle culture qui ne bouscule rien des sombres habitudes d’antan, partageant le maigre temps qui reste entre un soupçon de loisir, une maigre parcelle amoureuse, et des enfants qui ne connaissent du monde que sa violence, et qui donc ne demandent qu’à en reproduire l’usage, il faut se lever de bonne heure pour ne pas péter un câble !
La vie est un numéro d’équilibriste, et, parfois, on apprécierait de ne pas être précipité dans le vide sans appel.
Je dis « on », mais, bien sûr, je garde l’entière responsabilité de mon propos, et je ne prête à quiconque le droit et le pouvoir d’user de ma pensée comme viatique à leurs propres turpitudes.
Vivre n’est pas donné, sauf au départ. Après, il faut apprendre à ses entiers dépends à se forger tant bien que mal une existence qui ne soit pas la pire.
Comme on ne tire pas toujours les bons numéros dès le début, il faut bien, à chaque piège tendu, trouver le moyen de rebondir.
C’est d’ailleurs une chance d’avoir pu le faire. Avec le recul, je conçois aisément tout le soulagement que procure ces petits suicides silencieux. Ils laissent le champ libre pour les longues complaintes. Alors que ces individus de mon espèce, qui trouvent le moyen de rebondir à chaque faux-pas, qui ont la vie chevillée profond, et ne s’en laissent plus compter, voilà qui gène. Vivre laisse alors le mauvais goût dans la bouche : on se sent mauvaise conscience d’être encore là, comme des diables sortis de la boite, sans avoir même besoin d’ouvrir la bouche pour paraître accusateur.
Sachez-le : on a fait ce qu’on pouvait pour simplement ne pas s’effondrer, dans un monde où la sensibilité n’est pas l’apanage du genre masculin. Alors, d’un côté comme de l’autre, l’âme sensible se voit contrainte à accepter quolibets d’où qu’ils viennent.
La culture de guerre, machiste, vantarde et cynique a ses émules de part et d’autres du genre. Seule la manière de présenter les choses change.
Mais qu’on en soit à tenter de vivre, homme, en poète, prêt à verser une larme au théâtre où se joue les destinées humaines, voilà qui est impensable aux conformismes de tous bords.
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Manosque, 26 décembre 2010
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