Commissaire aux politiques macro-économiques de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le professeur Lambert N’Galadio Bamba cite le Ghana en exemple de réussite économique.
Les Afriques : Commissaire, vous avez récemment soutenu que les décennies 80 et 90 étaient perdues pour les 15 Etats de la CEDEAO. Qu’est-ce qui fonde une telle assertion ?
Lambert N’galadio Bamba : Ces décennies ont été caractérisées par la mise en place de programmes de stabilisation et d’ajustement structurel qui ont incité nos Etats à réduire leurs dépenses et à accroitre la pression fiscale sur les populations, sans qu’il y ait des investissements, notamment dans les infrastructures scolaires et de santé. La croissance dans nos pays était négative. Mais, de 2000 à 2009, les taux de croissance ont été positifs dans les pays de l’espace, avec une moyenne de 5%. C’est encore insuffisant. Il faudrait, selon les experts, au moins 7% pour réduire sensiblement la pauvreté dans notre région.
LA : Le Ghana est le seul pays de la CEDEAO à pouvoir atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
LNB : Selon les statistiques dont nous disposons, le Ghana pourrait atteindre les OMD en 2015. Le Ghana est donc un exemple pour tout l’espace CEDEAO au vu, d’abord, de sa stabilité politique. Ensuite, c’est l’un des premiers pays ouest-africains à bénéficier de la stratégie de réduction de la pauvreté et de l’allégement de sa dette. Et puis, le document ghanéen de réduction de la pauvreté a eu un encadrement très rigoureux et un mécanisme de suivi-évaluation très performant.
LA : Qu’en est-il du Nigeria ?
LNB : Le Nigeria, c’est d’abord un poids économique très important. C’est plus de 160 millions d’habitants et son PIB représente pratiquement 60% du PIB de l’ensemble de notre espace. C’est donc plutôt une grande opportunité et un marché énorme pour la CEDEAO. Mais, pour mieux exploiter cette opportunité, les autres pays devront pousser ce géant économique au respect scrupuleux du processus de mise en œuvre des différents protocoles de notre organisation régionale. Il s’agit, notamment, des protocoles liés au tarif extérieur commun (TEC) et à la libre circulation des personnes et des biens.
LA : Est-ce que les récents accords intérimaires signés par la Cote d’Ivoire et le Ghana ne sont pas de nature à saper l’équilibre de votre organisation ?
LNB : Non. La CEDEAO a encadré la négociation de ces accords intérimaires. Il est d’ailleurs prévu que, lorsque l’accord régional sera signé, ces accords deviendront caducs. C’est une première garantie. La deuxième, c’est que, même dans la mise en œuvre du démantèlement tarifaire, il a été négocié une sorte de délai de grâce de trois ans. Et on espère qu’avant la fin de ce délai, l’accord régional sera signé. Cela permettra à ces deux pays de ne pas subir de dommages et de ne pas se désolidariser des autres pays CEDEAO, et vice versa.
LA : Où en est la monnaie unique de la CEDEAO ?
LNB : Les perspectives sont tout de même optimistes, malgré la lenteur du processus. Il est vrai qu’il faut du temps pour la création d’une monnaie unique. L’expérience de l’Union européenne édifie sur le temps nécessaire pour mettre sur pied une grande organisation. Nos ambitions, au départ, étaient trop optimistes. Le délai est fixé désormais à cinq ans, mais c’est encore insuffisant. C’est pourquoi, une nouvelle feuille de route a été élaborée, avec un chronogramme beaucoup plus réaliste, qui prévoit quasiment une génération pour réaliser la monnaie unique. La deuxième zone monétaire, la ZMAO (zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest), qui concerne les pays non CFA, moins le Cap-Vert, devrait avoir sa monnaie, l’Eco, aux alentours de 2015. Pour ensuite fusionner entre 2015 et 2020 avec le FCFA.
Il est vrai qu’il faut du temps pour la création d’une monnaie unique. L’expérience de l’Union européenne édifie sur le temps nécessaire pour mettre sur pied une grande organisation.
LA : La CEDEAO, c’est aussi ce grand projet d’autoroute Lagos-Dakar. Où en est-il ?
LNB : La côtière devant aller de Lagos à Dakar, est en route. Le Nigeria est en train de construire, sur fonds propres, une autoroute à huit voies entre Lagos et Cotonou, grâce à ses forts excédents pétroliers. Les chefs d’Etat de notre organisation se sont engagés à créer un fonds spécial des infrastructures, pour mobiliser plus facilement les financements. <
PROPOS RECUEILLIS PAR MAMADOU LAMINE DIATTA