Au-delà encore, on peut s’aventurer dans le territoire de la « pensée disruptive » focalisée sur les changements qui introduisent de la discontinuité et de la rupture. Fondamentalement, cette approche passe par une remise en cause de l’ordre établi et propose une vision nouvelle. C’est l’exemple de Dick Fosbury inventant aux JO de Mexico une nouvelle technique de saut en hauteur qui élèvera le niveau des performances et, dans la foulée, se généralisera très vite.
Il ne s’agit dans cette approche de faire le contraire de ce qui était fait jusque là, mais de trouver une façon plus efficace de faire mieux que la pratique considérée jusque là comme la norme valable. Or, appliquée à l’échelle de l’individu, cette méthode peut être aussi astucieusement utilisée pour identifier les conventions qui entravent notre vie professionnelle et les battre en brèche pour bâtir une nouvelle voie plus intéressante et gratifiante.
Il est particulièrement important dans cette perspective d’identifier le bon contexte, adapté à sa personnalité et à ses attentes et dans lequel on pourra s’épanouir. Dans son livre « Le point de bascule » Malcolm Gladwell prend ainsi à rebours le préjugé selon lequel les personnes peinent à changer en montrant comment, au contraire, tout individu peut changer en fonction du cadre dans lequel il évolue. Bref, résume Bommelaer, si vous ne pouvez pas changer les choses, changez d’endroit.
L’art de la résilience
Vient alors un éloge de la résilience, particulièrement dans les périodes de transition. Si elles sont surmontées, les difficultés permettent en effet de renforcer la confiance en soi et procurent des satisfactions que la routine et le confort sont loin d’égaler. Une étude portant sur le suivi de plus de 200 étudiants de Harvard établit ainsi que près du quart de la population observée a dû affronter des difficultés significatives et que ceux qui connaissaient le niveau de bonheur le plus constant... avaient aussi connu l’enfance la plus dure.
Parmi les qualités qui matérialisent la résilience, on trouve le contrôle des affects et la capacité en particulier à gérer le temps pour rendre les choses possibles ; la force de vivre qui s’incarne souvent dans des activités professionnelles, artistiques ou intellectuelles socialement valorisées ; l’altruisme qui joue un rôle important dans tout processus de reconstruction ; mais aussi l’humour qui permet de mettre à distance les événements les plus dramatiques. On se souviendra à cet égard avec profit du mot de Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté ».
La crise représente une occasion idéale non seulement pour progresser au plan personnel, mais aussi pour se former, en particulier à toutes les technologies, méthodes et techniques qui seront la clé de la performance de demain. « Les investissements dans la connaissance, disait Benjamin Franklin, paient les meilleurs intérêts. » D’autant que la participation à des séminaires est aussi l’occasion de s’intéresser aux autres et d’élargir ses réseaux. Mais sans oublier, rappelle l’auteur, qu’il est nécessaire de s’occuper de soi – on s’occupe d’autant mieux des autres que l’on se sent en harmonie avec soi-même – et de se faire plaisir.
Dans une étude récente publiée dans le British Medical Journal, James Fowler et Nicholas Christakis suggèrent que le bonheur d’un individu dépend de la joie de vivre des personnes qui constituent son environnement habituel. Le bonheur est contagieux. A l’inverse, il convient de fuir les personnes toxiques, à l’influence mortifère, capables de démoraliser et d’instiller le doute chez les plus optimistes. Dans son ouvrage « Objectif Zéro-sale-con », Robert Sutton va jusqu’à avancer que les toxiques représentent un coût caché et un réel danger pour toute entreprise.
Laisser une empreinte
Transposée au plan professionnel, la philosophie formulée par Richard Branson fera ici un manifeste salutaire : « Amusez-vous, travaillez dur et l’argent suivra. Ne perdez pas votre temps ; saisissez votre chance, prenez la vie du bon côté. Si vous ne vous amusez pas, passez à autre chose. » Cela doit aussi être l’occasion de mettre à distance le catastrophisme ambiant en profitant au mieux des divers bonheurs de l’existence.
Ce qui compte, au final, c’est de laisser une empreinte. En quoi ai-je fait la différence ? Ai-je contribué à quelque chose d’utile ? Ai-je fait avancer mon métier ? Il ne s’agit pas forcément de changer le monde, mais à tout le moins d’avoir un but, de progresser et de faire progresser. Et cela dans un contexte de crise qui, selon l’auteur, pourrait bien avoir pour effet de réhabiliter des valeurs oubliées telles que l’intégrité, l’honneur, la simplicité, la solidarité et la fraternité.
Entre les labyrinthes de l’être et les impasses de l’avoir, il y a l’énergie et, disons aussi, le bonheur de faire. Ce n’est pas le moindre mérite de ce livre foisonnant, plein de pistes stimulantes et de références utiles autour des notions clés d’initiative, de créativité, d’ouverture et de coopération, que de nous mettre en mouvement au fur et à mesure de sa lecture.