Bisounours, s'abstenir.
Lire l'article : Les chariots de la folie
Extraits (pour mémoire, mais lisez le en entier d'abord, s'il vous plait)
- "Le décrochage", comme on dit, d'une très grande partie de la population est patent. Ils survivent jusqu'à la folie. Car c'est bien cette alternative que l'on entrevoie dans ces drames domestiques, soit celle des parents soit celle des enfants dont le destin proposé se résume à contempler une société de consommation inaccessible. Une enfance ressentie comme définitivement interdite, faite de sollicitations constantes et de privations permanentes...
Ils ne pourront pas toute leur vie se contenter de contemplation et accéder à cette simplicité volontaire dont beaucoup pensent que ce serait notre avenir...
Il n'y a plus les clefs de compréhension de l'avenir commun, le matraquage publicitaire a tellement été efficace qu'il a oblitéré toute personnalité, toute référence à une histoire familiale qui, du reste , devient de plus en plus complexe avec les recompositions en cours.
Le « temps de cerveau disponible » a envahit toute la sphère du bon sens. Il n'y a plus de temps à vivre : on est réduit à consommer non plus pour vivre, mais pour imiter la vie, le modèle que l'on nous fait miroiter.
- Dans les rayons de supermarché, les caddies remplis à ras-bord qui ne passent pas à la caisse ne cessent d'augmenter. Phénomène marginal et apparemment inexplicable hier encore, ces chariots bourrés de marchandises sont désormais devenus un vrai casse-tête pour les responsables des hypermarchés. Lorsqu'on les retrouve après la fermeture, il ne reste plus qu'à remettre en rayon les produits qui le peuvent et jeter les produits frais et les surgelés devenus invendables : le tout va aggraver les démarques constituées dues aux vols.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : il ne s'agit nullement de délits ou de vols. La surveillance des hypermarchés a fini par fournir une explication qui nous révèle cruellement jusqu'à quel point de misère ordinaire et de comportement de folie notre société a régressé :
Ils viennent en famille, pour bien montrer qu'ils sont comme tout le monde, comme les autres, ils font leurs courses pour la semaine : au moins tâchent-ils d'en avoir l'air. Mais ils font semblant : on enfourne dans le chariot métallique tout ce dont on a besoin ou envie, tout ce qu'on sait bien qu'on ne pourra pas se payer, pendant des heures, la tête dans les étoiles clinquantes de ces épiceries géantes, juste pour être dans le rythme et à la fête, juste pour ressembler à ceux qui ont les moyens, eux, et qui sortent cartes de fidélité et cartes de crédits pour passer à la caisse dans la longue file d'attente des clients honorables. Mais la lassitude venue ou l'heure de fermeture approchant, on s'esquive et le plus discrètement possible, on abandonne rapidement le caddie surchargé derrière une gondole et on part les mains vides, sans rien dans les mains, ni dans les poches : par la sortie sans achats...
Jouir, et appartenir à la société de consommation, ou au moins faire semblant, se trouver une place, virtuelle, pour un instant, comme cela, se faire une folie sans la payer, hélas : et communier dans le grand rituel consumériste...