Afin de mettre un terme à la polémique, le ministre de la culture Frédéric Mitterrand a annoncé le retrait du recueil des célébrations nationales 2011 de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline.
La présence de l’auteur, antisémite notoire, dans ces célébrations avait suscité l’indignation de Serge Klarsfeld, président de l’Association des fils et filles de déportés juifs de France.
Céline, mort il y a cinquante ans, figurait dans le recueil aux côtés de Blaise Cendrars, Franz Liszt, André Leroi-Gourhan ou encore Georges Pompidou.
L’appel de Serge Klarsfeld a donc été entendu. L’État n’a pas voulu créer une nouvelle polémique.
Frédéric Mitterrand a finalement reconnu que « ce n’était pas possible de déposer une gerbe aux pieds de Céline au nom des valeurs de la République, pour l’instant, et pour toujours je crois. »
« Après mûre réflexion, et non sous le coup de l’émotion, j’ai décidé de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales », a annoncé M. Mitterrand vendredi 21 janvier dans la soirée lors d’un point de presse qui devait lancer les Célébrations nationales. « Ce n’est en aucun cas un désaveu à l’égard du Haut comité (chargé d’établir la liste des personnalités célébrées) mais une inflexion que j’assume pleinement », a-t-il ajouté. Le ministre de la Culture a assuré en marge de la conférence de presse « qu’aucune controverse ni aucune pression n’avaient eu de prise sur lui ». Mais, a-t-il ajouté, « en mon âme et conscience et au contact de l’émoi de certains, j’ai pensé qu’il était de mon devoir de prendre cette décision ».
Selon le quotidien Le Monde, l’Elysée et le Ministère de la Culture aurait changé d’avis d’un commun accord. Le Président de la République ne cache pas son admiration pour l’écrivain, souvent cité comme son préféré. Mais l’affaire était politiquement trop délicate.
Pourtant, aussi délicate soit-elle, de nombreux auteurs et intellectuels s’offusquent de cette décision.
Philippe Sollers se dit « absolument atterré ». « Le Ministre de la Culture est devenu aujourd’hui le Ministre de la censure », selon lui. Bernard-Henri Lévy et Alain Finkelkraut auraient préféré qu’on assume cet héritage contradictoire, qu’on explore cette énigme.
Henri Godard, grand spécialiste de Céline, qui avait rédigé la notice sur l’écrivain dans le recueil des célébrations, a déclaré à l’AFP se sentir « intégralement piégé par ce recul » du ministre de la Culture dont il n’avait pas été informé.
Pour Henri Godard, il s’agit aussi « d’un désaveu du Haut Comité » présidé par l’historien Jean Favier. Certains membres avaient suggéré d’accompagner la notice d’un texte dénonçant explicitement l’antisémitisme violent de l’écrivain. « Je pensais que la valeur de la création littéraire de Céline méritait d’être mise en valeur », a ajouté M. Godard. Il rappelle que Voyage au bout de la nuit est au programme de l’agrégation depuis 1974. « C’est une incroyable régression », s’alarme-t-il.