Bien évidemment, nous sommes tous ravis que ce pays ami se soit dégagé du joug de son dictateur, et tout particulièrement, nous nous réjouissons que cette "révolution" se soit faite sans bain de sang.
Il faut désormais regarder l'avenir et espérer que celui ci sera à la hauteur des espérances nées de la révolution des jasmins. Mais je ne peux m'empécher de rester circonspect et de ne pas sombrer dans l'euphorie ambiante.
En 1978, j'étais à Téhéran le jour où a commencé la révolte qui devait pousser le shah dehors. Avec du recul, on peut se demander si cette révolution fut bénéfique pour le peuple iranien; pour ma part, je regrette que ce grand pays ait dû reculer de près d'un quart de siècle à la suite de cette révolution islamique, et je ne peux m'empécher de penser que le régime du shah aurait pu conduire ce pays vers un avenir plus radieux que celui qu'il a connu.
Réjouissons nous donc de cette issue heureuse en Tunisie, mais restons modestes en refusant de donner des leçons de démocratie à qui que ce soit; en revanche, faisons en sorte d'aider ce pays à s'en sortir du mieux possible, tant économiquement que culturellement, afin qu'il soit digne de son glorieux passé. Le chemin sera long et parsemé d'embuches; c'est à ce moment que, sans rejouer le rôle de la puissance coloniale, la France pourra aider ce pays à franchir les difficultés et à retrouver la sérénité politique et sociale.