Aglagla, les amis
Par les génitoires de l’Inuit, il fait un froid de gueux.
Ce matin à l’aube, la ville claquait des dents. On grelottait nous aussi, sur notre petit vélo, le pif rouge vif, la babine bleue et les mirettes embuées de givre. Va donc pédaler avec entrain quand il fait -56°.
Ce matin à l’aube, on a vu un homme entre deux âges, l’air très comme il faut, qui courait en short et tee-shirt. Sans manches, le tee-shirt. Bon jogging, M. Gump.
Ce matin à l’aube, on a vu un rasta enjoué sur un pont, qui chantait des chansons de Bob Marley comme si le soleil brillait. Il jouait de la guitare. Et sans gants. On lui a donné des sous. Il nous a dit thanks man, et en riant.
Ce matin à l’aube, on a vu aussi un chien d’une laideur indicible, à peine plus gros qu’un rat, le poil rare et miteux, vêtu d’un ridicule pull mauve. Il pissait en tremblotant contre un arbre. Ses yeux globuleux scrutaient la rue avec terreur. Dieu qu’il était minable. Comment peut-on faire des chiens à ce point déprimants?
Les féras, elles, ne tremblent ni ne louchent quand elles se soulagent dans les eaux lacustres. Les féras ont de la classe. Les féras sont nos amies. Surtout au citron et poireaux pimentés (Mazette, quelle transition habile).
Offrez-vous des filets de féra (ou d’omble, ou de truite, ou de saumon, ou de gnou). Des citrons, des poireaux, un petit piment. Et c’est tout. Notez au passage la légèreté anthologique de la recette qui va suivre. C’est rare.
Virez le vert des poireaux. Détaillez le blanc en biseaux. Lavez à grande eau. Et faites cuire dans le panier vapeur, une douzaine de minutes.
Préparez une vinaigrette corsée, huile d’olive-vinaigre de Xérès, avec un petit piment rouge en brunoise caché dedans.
Pelez deux citrons à vif. Soit en quartiers et sans la peau.
Farinez mollo, salez et poivrez les filets de féra. Poêlez à feu furax dans un mix beurre-huile d’olive, deux minutes côté peau, une minute côté chair. Réservez au chaud. Ajoutez une noisette de beurre dans la poêle. Poêlez y les citrons, vingt deux secondes, en touillant délicatement. Assaisonnez.
Puis dressez élégamment vos assiettes, en arrosant les poireaux de vinaigrette et en coiffant la féra de quartiers de citrons rôtis. Pof, c’est fini.
Mirobolantissime, non?
Et comme c’est la fête au village, on va même se faire quelques petites bulles avec ça. Celles du délicieux et ciselé Crémant d’André et Mireille Tissot, Arbois, Jura, France du milieu tout à gauche sur la carte. Moins cher et bien plus slurpique que 96,78% des champagnes de Champagne. Oui, Madame Clicquot.
Tchou!