Musée Hergé - Louvain-la-neuve- Belgique Architecture : Christian Portzamparc 2009
Photos © Nicolas Borel. Atelier de Portzamparc 2009
Le musée Hergé, remarquable tant pour sa conception architecturale que pour les planches originales qu’il présente, draine, depuis sa création, de nombreux visiteurs venus des quatre coins du monde.
Situé à Louvain-la-Neuve, ce splendide bâtiment est né de l’imagination et de la passion de l’architecte Christian de Porztamparc. Né à Casablanca en 1944, il reçoit en 1994 le Pritzker Prize et en 2004 le Grand prix de l’urbanisme.
Christian de Portamparc :
« Louvain La Neuve est construite sur un socle de parkings et la dalle qui la porte est à bord franc. Il m’a semblé tout de suite intéressant de ne pas rattacher le musée à la ville, qu’on s’en éloigne légèrement, qu’on se rapproche du bois.
De là est née cette sorte de passerelle qui franchit la voie en porte-à-faux et donne à l’ensemble l’aspect d’un navire amarré là. Un peu à l’image du grand vaisseau de Fitzcarraldo traversant la forêt amazonienne.
C’est ce “détachement”, cette “extra-territorialité” qui confère à l’ensemble comme une sensation de lévitation. Et qui m’a aussi permis de jouer avec le bois de chênes que l’on aperçoit à travers les grandes baies vitrées, découpées un peu irrégulièrement, à l’image d’une planche de bande dessinée.
Je voulais des espaces que l’on pénètre par la narration, une sorte de labyrinthe mental, en accordance avec l’univers d’Hergé.
Depuis les passerelles, le point de vue change en permanence et la vision de ce grand vide lumineux qui assemble les cinq espaces donne bien, je crois, la mesure de l’universalité, de la complexité, de la richesse du monde de ce grand artiste que fut et demeure Hergé. »
(Site de l’architecte Christian de Porztamparc)
L’entrée, unique en son genre par son aspect moderne et pourtant convivial, conduit le visiteur à rejoindre sans plus attendre le troisième étage où débutera la visite. Ecouteurs reliés à un Ipod, l’admirateur d’Hergé pourra tout à son aise déambuler entre des planches et des photos, des maquettes et des citations qui le ramèneront, peu à peu, à ses lectures d’enfance.
Photo du blog marine-inconnue
Si Hergé, pour la plupart d’entre nous, est un dessinateur de BD ayant marqué notre jeunesse, il n’en reste pas moins, pour l’adulte que nous sommes devenus, un homme dont les capacités à rédiger des scénarios palpitants sont indéniables. Outre ce fait, Greorges Prosper Remi, de son vrai nom – auteur belge de bandes-dessinées, né en 1907, mort en 1983 - marque également nos esprits par sa recherche approfondie, tous domaines confondus.
Photo du blog cherydan.
Le musée consacré à cet artiste relate son souci du détail, la justesse des faits, et la finition de son travail. La science (fusée, sous-marin, etc.), les peuplades reculées, les pays du monde, les guerres et les conflits politiques etc. imprègneront son œuvre de cette griffe : aventure de son célèbre héros Tintin flanqué de son inséparable chien Milou traversant l’actualité qui fut celle de l’auteur.
Plus que cela, Hergé innove et surprend par ses capacité à prédire l’avenir : « On a marché sur la lune. » le révèlera parmi les grands.
Surtout connu pour les aventures de son héros Tintin, il serait dommage d’oublier de relever qu’Hergé fut également l’auteur des BD comme « Les exploits de Quick et Flupke » (deux gosses des rues de Bruxelles inventant mille et une bêtises), « Popinol et Virginie au pays des Lapinos », « Jo, Zette et Jocko », ces derniers qui rencontrèrent eux aussi un franc succès.
En 1934, la rencontre avec l’étudiant Tchang Tchong-Jen marquera un tournant déterminant dans sa carrière. C’est par « Le Lotus bleu » que cet étudiant, qui deviendra son ami, l’initie aux subtilités de la Chine tout en lui apportant une prise de conscience sur l’importance d’une documentation approfondie et de relations plus humaines à développer avec ses personnages.
A souligner, d’ailleurs, que Tchang apparaîtra comme ami que Tintin sera amené à rechercher désespérément dans l’album « Tintin au Tibet ». Cet album sera en quelque sorte l’écho de la tristesse qu’Hergé éprouvera alors que ses nombreuses lettres ne parviendront pas à leur destinataire.
Photo du blog omnilogie
Ce sont aussi le capitaine Haddock (et ses insultes épiques notamment), la Castafiore, les Dupondts, le professeur Tournesol, et tant d’autres, dont les explications nous feront sourire et nous rappelleront, avec une certaine nostalgie, le regard innocent et admiratif que nous leur portions alors.
Le musée offre au visiteur, par la présentation chronologique de son œuvre, des explications quant aux influences liées à l’actualité (seconde guerre mondiale, Léon Degrelle etc.) qui déteignent dans certaines bandes-dessinées. Par exemple, il est intéressant d’apprendre que dans l’album « L’étoile mystérieuse » Hergé a dû, suite aux pressions des éditeurs anglophones, remplacer le drapeau américain des ennemis du navire l’Aurore par un drapeau de Sao Rico, cet ouvrage étant dessiné en pleine occupation allemande.
D’autres œuvres, comme « le crabe aux pinces d’or », « L’île Noire » ou « Tintin au pays de l’or noir » se verront corrigées, cela étant dû à l’actualité politique de l’époque.
On ne peut non plus passer sous silence les difficultés que rencontrera Hergé avec certaines de ses bandes-dessinées où le trait d’humour qu’il apportera par ses quelques caricatures sur les juifs lui vaudront, à tort ou à raison, d’être traité d’antisémite. Si certains proclament aisément que l’on peut rire de tout, il n’en va pas pour lui : c’est l’époque des déportations, mais visiblement l’auteur l’ignorait, ou bien, ne voulait pas savoir, on ne sait.
Ce musée, donc, présente sous différents aspects l’œuvre de Hergé : l’ascension de sa carrière, son implication dans le travail publicitaire, la personnalité de cet homme, empreinte de contrastes et attachante, et ses dessins, forcément, dont l’évolution du trait, devenu épuré et léger, ne cesse d’attirer les visiteurs.
Savina de Jamblinne.