Sur les Terres du prince Prospero, la Mort Rouge, la peste, décime la moitié de la population, emportant chaque malade en une demi-heure. Pour l’éviter, le prince s’enferme dans une abbaye fortifiée avec un millier d’amis, gais et vigoureux, chevaliers et dames de sa cour. Tous s’y barricadent et en verrouillent les issues. Ils se livrent alors sans compter à leurs plaisirs, le prince ayant pensé à tout, même aux clowns, aux danseurs et aux musiciens. Dedans, le plaisir et la sécurité. Dehors, la Mort Rouge.La retraite dure six mois, jusqu’au jour du bal masqué désiré par le prince. Tout est mis en œuvre pour que la fête soit parfaite et magnifique. Chacune des sept pièces en enfilade où doit se dérouler cette insolite mascarade est décorée et illuminée de façon différente. Chacune a sa couleur et la dernière, la pièce du fond, est tapissée de noir, du sol au plafond, éclairée de rouge sang, avec pour seul meuble une horloge d’ébène qui sonne toutes les heures figeant les danseurs et les musiciens tant le son est fort et sinistre. Personne n’ose s’y aventurer.La fête bat son plein, frénétique et joyeuse quand tous remarquent une silhouette longue et mince recouverte d’un long suaire barbouillé de sang avec, sur le visage, un masque de cadavre raidi portant les signes de la Mort Rouge Effrayés, tous les courtisans s’écartent lâchement sur son passageC’est alors que frissonnant de terreur, de dégoût et de rage, le prince , arme en main, se lance à la poursuite du spectre jusque dans la septième salle. Il accule le fantôme jusque dans l’ombre de l’horloge et s’apprête à le poignarder lorsque celui-ci se retourne et…
Il ne reste que huit phrases pour finir l’histoire dont voici les premières lignes
«La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c’était le sang, la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l’humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L’invasion, le résultat de la maladie, tout cela était l’affaire d’une demi-heure »
Extraordinaire conteur! Savant dosage de réalisme et de fantastique. Qui fait mieux aujourd’hui?On retrouve ce même thème de l'enfermement entre amis, lors des épidémies, (moment durant lequel on écrit beaucoup) chez Boccace et son Décaméron bien sûr et chez Marguerite de Navarre avec L' Heptaméron. Sans oublier le roman de Giono,"Le hussard sur le toit" qui décrit une magistrale épidémie de choléra, et sans doute d'autres qui ne me viennent pas à l'esprit en ce moment. Le Masque de la Mort Rougepar Edgar Allan Poe,Traduction de Charles Baudelaire (Nouvelles Histoires extraordinaires)