( Cette nouvelle est la suite de "Coquecigrue" )
Faut-il déjà que je trouve la force de me lever ! Je suis tout engourdi, mille étoiles tournent autour de ma tête. Suis-je vivant ou bien mort pour l’éternité et planant dans la stratosphère ? Me lever ? Ah, je dois m’armer de courage, ordonner à mon cerveau de commander mes muscles. Je crois avoir lu quelque part que nous sommes maîtres de notre destinée, que nous sommes tous dotés de volition. Mais d’où me vient cette passion pour la lecture ? Peut-être qu’en feuilletant un des livres de cette pile, je trouverais un prénom, un indice ? Voyons voir … « Le grand parking était désert, Elisabeth disparut au loin, suivant la courbe d’un virage … ». Elisabeth ! C’est bien ça. Il me faut trouver ce parking.
Je longe la côte, trainant avec velléité mes pieds nus sur le sable fin, quelques douces vagues viennent caresser mes orteils. Il fait beau et je retrouve peu à peu mon équilibre. Je prie : « Seigneur, guide mes pas, je n’ai aucune idée de l’endroit où je me trouve. Seigneur, oriente moi et que ta volonté soit faite » puis machinalement, j’enfonce mes poings dans mes poches et me heurte à un trousseau de clefs. Ah j’ai bonne mine ! Sont-ce les clefs du paradis ou celles de ma voiture ? Voiture, parking : c’est un signe. Je me demande bien à quoi ressemble mon automobile, je ne connais même plus mes goûts. Suis-je riche, suis-je pauvre ? A en croire par mes vêtements, je ne dois pas rouler sur l’or. Je quitte le bord de mer et me dirige vers la ville qui se dessine en fond de toile. J’aperçois de belles demeures, la promenade est agréable, je me sens bien, j’ai bon espoir, je persévère. J’arrive sur la digue où une bonne cinquantaine de véhicules sont garés. Je n’ai plus qu’à essayer de les ouvrir tous, je finirais bien par tomber sur le mien et découvrirai ainsi mon identité. Pourvu que je sois quelqu’un d’honorable, que je n’ai pas fait de mal à cette jeune Elisabeth ce qui pourrait expliquer mon coup sur le crâne : légitime défense ! Je commence à perdre ma ténacité, je doute de moi-même. Allez, courage ! Il me faut affronter toutes les éventualités, ne pas baisser les bras, avancer, foncer, repousser les limites de l’extrême, accepter ce que je suis sans tergiverser. J’enfonce les clefs, une à une, dans chaque serrure. J’ai l’impression d’être un voleur, la honte m’envahit. Pourvu que la police ne passe pas par là ! Je surmonte mes craintes, j’insiste et voici pas que ce pot à yaourt s’ouvre comme par enchantement telle Cendrillon entrant exactement dans la chaussure de verre. J’ai donc une toute petite Fiat 500, rouge. Les sièges sont bien encombrés, je ne dois pas être très soigneux. Je prends place et n’ai aucun mal à trouver mes papiers, mon permis. Je n’ai plus aucun soupçon, cette charrette m’appartient, je m’y sens tellement à l’aise ! Voici donc mon adresse : je vis en région parisienne. Pourquoi suis-je donc à la mer ? Je m’entête de plus belle à vouloir comprendre. Je laisse mon vieux tacot et me mets en quête de ce grand parking isolé. Je marche sans trêve, je pousse mes efforts jusqu’à l’assèchement de mes papilles. J’y arriverai, je suis déterminé et j’ai suffisamment de bravoure. Oh ! Que cette auberge est jolie ! Je vais aller m’y désaltérer, cela me remettra les idées en place. Mazette, mais c’est chic ici ! Un majordome m’accueille et me guide vers la terrasse fleurie où de sympathiques tables en marbre semblent m’inviter à prendre place. Que vais-je boire ? Ai-je au moins de l’argent ? J’examine l’état de mon porte feuille : ouf ! Sauvé. L’eau me vient à la bouche. J’apprécie ce repos, celui du guerrier car ma vie à cet instant est un rude combat. Je consulte avec plaisir la carte, je suis paisible.
« Encore vous ! Je vous avais pourtant prié de ne plus croiser mon chemin. Que faites-vous là ? »
« Euh … Monsieur, à qui ai-je l’honneur ? »
« Et en plus, vous vous payez ma tête, une seconde fois ! Mais que voulez-vous donc ? Elisabeth n’est pas là et ne souhaite plus vous revoir, mettez vous bien ça dans le ciboulot une bonne fois pour toutes ! »
« Pardonnez moi, Monsieur, je crois que j’ai perdu la boussole ».
Et voilà, j’ai quitté cette région désormais, fier d’avoir retrouvé la trace de ma dulcinée, heureux et soulagé d’avoir pu mettre fin à mon obsession mais ne sachant toujours pas qui m’a assommé et pourquoi mais ceci est une autre histoire ! Un peu de volonté, beaucoup d’obstination et un grain de folie devraient m’apporter des réponses, un peu plus tard, quand le vent aura tourné. Je ne me décourage nullement, c’est ma devise.
(Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant exité ne serait que le fruit du hasard)