On les appelait vieillards, on les enfermait dans des maisons de retraite, des institutions pour alzheimer, au mieux, on leur confiait nos enfants ou petits enfants, et voilà qu'ils se rebellent, se révoltent et disent le contraire de tout ce que pensent les gens sérieux.
Ils? Mais Michel Rocard qui veut poursuivre la réduction du temps de travail, Roland Dumas et Jacques Vergés partis bras dessus bras dessous soutenir Laurent Bagbo en Côte d’Ivoire, Edgar Morin et Stéphane Hessel qui publient des livres à l'odeur de souffre et réussissent à faire assez scandale pour, comme Stephane Hessel, se faire expulser de l'Ecole Normale Supérieure.
Tous ont allègrement dépassé les 80 ans, sont en pleine forme et prennent un malin plaisir à aller à contre-courant, à faire exactement l’inverse de ce que l’on attend de personnalités de cet âge…
Vu leur âge, ils n’ont rien à perdre, plus de carrière à construire, plus d’autorité à respecter. Ils peuvent faire ce qu’ils souhaitent, comme ils souhaitent, ce qui leur donne une immense liberté, cette liberté que l’on attribue d’ordinaire aux adolescents. On découvre qu’on peut avoir la même dans la dernière partie de sa vie et que l'on peut continuer de penser au futur, même lorsque les années nous sont comptées.
Peut-être veulent-il simplement rester dans la lumière et qu’on continue de parler d’eux… Mais peut-être sont-ils aussi sérieux. En tout cas, il va nous falloir apprendre à regarder d’un nouvel oeil le grand âge et inventer de nouvelles manières de le considérer.
J’ai eu, ces derniers jours, l’impression de voir ces vieillards sortir du souterrain dans lequel on les enferme depuis si longtemps. Et je suis à peu près sûr qu’ils ne seront pas seuls, que bien d’autres suivront qui ne seront pas plus sages et conformistes que Rocard, Morin, Hessel, Dumas ou Vergés. Parce que, vous l’aurez remarqué, ils sont tout sauf cela. Je dirai même qu’il nous donnent un peu d’air frais… dans une société abrutie de langue de bois.