Mais l’œil de Fabrice Gobert , et celui de la directrice de la photographie Agnès Godard, ont su capter, de façon très personnelle, ces instants de l’adolescence qui peu à peu chavire dans le monde des grands, sans trop y faire attention.
La disparition d’un copain, puis d’une élève de la même classe intrigue leur entourage autant qu’elle les excite. Ils extrapolent, ils supputent et les rumeurs tissent un fil ténu sur lequel le spectateur arrive à son tour à perdre l’équilibre.
Le comportement suspect d’un prof, l’attitude étrange d’un entraîneur de foot qui accepte de l’argent de la part d’un lycéen (mais la scène est vue de très loin) et les bisbilles entre camarades de classe, tout s’embrouille et galvanise les passions.
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En adoptant le point de vue des principaux protagonistes, chapitre après chapitre, en les confrontant sous des angles différents, les mêmes scènes s’entrecroisent et révèlent alors peu à peu ce qui paraît être la vérité, et n’est bien souvent qu’un peu de vie qui passe, un rien du quotidien entre les flirts et les jeux vidéo.
Jusqu’au moment où toutes les pièces du puzzle enfin rassemblés donnent, à l’ensemble une cohérence artistique, une logique thématique qui m’a un peu chagriné, le profil du scénario et sa mise en œuvre me laissant imaginer un final un peu plus surprenant.
Ce qui m’a par contre bien étonné, c’est le comportement vestimentaire des jeunes garçons, lors d’un enterrement. Ils portaient tous, sans exception, cravate et costume. Ils habitent pour la plupart dans des zones pavillonnaires de la classe moyenne, et vivent au-dessus des préjugés sociaux de leurs parents.
Des ados , des copains ... les acteurs de la relève
Un conformisme qui tient du détail, j’en conviens (je n’y vois aucune connotation sociologique vis à vis de l’histoire), surtout qu’en règle générale ces jeunes comédiens et comédiennes ont bien appris leur leçon. Et s’il n’en fallait saluer qu’un ce serait Arthur Mazet , le rôle le plus ingrat, celui de l’élève secret et renfermé, sur lequel tout le monde tombe à bras raccourci. Ajoutez lui un père professeur à la réputation douteuse (Serge Riaboukine , toujours aussi rare et excellent) et vous avez le tableau d’un gamin mal dans sa peau que Mazet interprète avec une maturité surprenante.
Car je pense que Fabrice Gobert a évité l’écueil d’une première œuvre dans laquelle les jeunes réalisateurs mettent bien souvent tout ce qu’ils ont envie de dire, d’écrire et de diriger. En terme cycliste, je dirais qu’il en gardé sous la pédale. Vivement le prochain tour.
Le bonus
Making of :
Le réalisateur, au milieu de quelques scènes de tournage, explique très bien ses intentions, qui à mon avis sont tout à fait suivies des faits dans la réalisation. «Autour d’un personnage dont la disparition fait fantasmer ses copains, je raconte une histoire en multipliant les points de vue, en les confrontant les uns aux autres .Ca aurait pu être un thriller, mais j’ai préféré le film de personnages. A la limite on peut dire qu’il y a un film par personnage, et petit à petit l’ensemble s’imbrique ».
Agnès Godard, très présente dans ce making of y va également de son analyse, pertinente, avant que les comédiens expriment leur propre ressenti, notamment par rapport à la musique du groupe Sonic Youth[élément fondateur du récit «Chacun d’entre eux avait écouté auparavant le morceau de musique que j’avais retenu pour les filmer » dit encore Fabrice Gobert, qui évoque en conclusion les influences qu’il a retenues pour filmer la forêt de nuit. Les amateurs de films d’horreur en seront pour leur frais. Ce décor approprié pour les frissons prend ici une toute autre ampleur. Encore bien joué !