Les musiciens incapables de se réinventer sont nombreux. Sam Beam, alias Iron & Wine, n’est clairement pas de ceux-là. Avec Kiss Each Other Clean, le barbu repousse un peu plus loin les limites de la musique folk, jouant aux frontières du jazz et de la funk. Une expérience aussi déroutante que salutaire.
Kiss Each Other Clean est un labo. Celui dans lequel Sam Beam tente de faire évoluer le grabataire qu’est aujourd’hui le folk américain. Sans renier l’héritage de Simon & Garfunkel ou de Neil Young, auquel sa musique a souvent été comparée, Iron & Wine fabrique sa créature à lui, combinant les différents sons et influences trouvés sur son chemin.
L’album s’ouvre sur Walking Far From Home, une chanson au motif répété en boucle dont la mélancolie n’a pas grand chose à voir avec les pistes suivantes. La preuve en est faite dès qu’on entame le deuxième titre, Me and Lazarus, agrémenté de bruitages bizarroïdes, d’un clavinet nerveux et de solos de saxophone plutôt funky.
Par la suite Iron & Wine poursuit cette logique d’anarchie maîtrisée. Half Moon, dont la guitare hawaïenne et ses choeurs féminins fleurent bon le soleil après la pluie, côtoie un titre folk beaucoup plus classique comme Tree By the River. De son côté Rabbit Will Run lorgne vers l’Afrique et des sonorités rappelant Psapp, tandis que l’ovni Big Burned Hand colore l’éther de touches jazzy. Une seule constante : l’usage des chœurs et le doublage systématique de la voix à la tierce, déjà présents dans les précédents albums.
Dans l’ensemble ce nouvel opus peut paraître un peu décousu et rend difficile d’avoir un avis tranché. Reste qu’Iron & Wine a parcouru un sacré bout de chemin depuis The Creek Drank the Cradle, en 2002. Les déçus pourront toujours verser leurs larmes sur les albums précédents, écouter en boucle Naked As We Came ou Cinder and Smoke et se répéter que c’était mieux avant. Mais ce serait passer à côté d’une belle surprise.
Sortie le 24 janvier 2011