Pourquoi ce choix ? Pour la feuille de route de l’auteur qui a été directeur littéraire pendant 13 ans à Québec-Amérique*, pour le questionnaire de la librairie Monet, pour l’article de Tristan Malavoy-Racine.
Un autre roman pour lequel je suis mitigée. Décidément, ces temps-ci, je vogue dans cette ère nébuleuse. Je ressors de ce livre avec la sensation d’avoir fait un voyage sans guide, tandis que j’en aurais apprécié un ! Premièrement, aucune attirance particulière pour la destination, la réputée grotte de Lascaux, déjà, ça part mal un voyage ! Pourtant, l’auteur qui s’y intéresse fortement aurait pu être ce guide que j’espérais. Je ne l’ai pas trouvé très convainquant, ses passions restant une matière ininflammable. Il a plutôt fait comme si tous les lecteurs étaient aussi passionnés que lui par cette anecdote centrale ; sa mère, sa grand-mère et ses deux tantes, après des années d’économie arrivent à Lascaux pour visiter sa grotte le jour malencontreux de sa fermeture aux touristes. La raison qui leur est donné, le souffle des touristes détériorent progressivement les trésors du passé qui s'y nichent.
L’anecdote est décrite en détails puis nous est surtout présenté, par une voix narratrice enfantine, le « après » de ces quatre femmes déçues au point d’en être quasi traumatisées. Marquées par l’absence de souvenirs vécus, elles ont rapporté des souvenirs « objets » ; des diapositives et un jeu de cartes avec lequel elles jouent en bluffant. Elles entretiennent des rituels, et je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux « femmes » de Michel Tremblay. Et d’ailleurs, voici ce que monsieur de Bellefeuille en dit : «Quand j'ai vu Les Belles-Soeurs, au moment de la création, j'ai été partagé entre ma profonde admiration pour Michel Tremblay et un sentiment plus ambigu: au fond de moi, je me disais: ce gars-là m'a volé mon univers!"
L’auteur ne cache pas que l'histoire est tirée de son enfance. Il avoue même avoir attendu que sa mère décède avant de la raconter. Il en a été marqué, et probablement plus même que le quatuor de femmes. On connait la propension des enfants à dramatiser ou à grossir le petit.
On voyage entre le passé et le présent, d'une manière assez désordonnée. Les dates sont indispensables à lire avant chaque chapitre. J’ai fini par perdre le fil et plutôt accepter d'y voir un récit fragmenté. Je doute que l'auteur ait désiré que le lecteur l'aborde ainsi. À ma défense et à la sienne, j’ai manqué d’attention pour mon peu d’intérêt du et des sujets.
L’auteur n’est pas venu me chercher, et cela ne m'apparait pas être son style d'aller chercher qui que ce soit. Il navigue sur les vagues de son passé comme une personne désireuse d’évacuer certains souvenirs troubles d’enfance, que tu y sois intéressé ou pas, ne semble pas le concerner. C’est très subjectif ce que j’avance là, ce serait plus honnête de dire que personnellement, c'est ainsi que je l'ai senti.
Pour donner pleine justice à ce roman, les chapitres de Simon (son alter ego) mettant en jeu sa conjointe, Raphaëlle, pas en lien avec son enfance sont les moments qui m’ont le plus captivée.
Un poker à Lascaux, Normand de Bellefeuille, *Québec-Amérique, 194 pages.