Cela ressemble à un faire-part de décès : «les familles Ben Ali, Trabelsi et alliées ont la douleur de vous informer du risque qu’elles encourent de perdre une grande partie des vastes avoirs immobiliers, financiers et commerciaux qu’elles avaient mal acquis»… Ni fleurs – surtout pas de jasmin ! - ni couronnes. Peuples émus par leur si triste destin vous pouvez verser des dons à l’Association de bienfaisance pour les tyrans gloutocrates déchus (ABTGD). Les adresser soit au Palais de L’Elysée soit au Château de Bercy. MM. Sarkozy et Baroin ou Mme Lagarde feront suivre à qui de droit. A moins qu’ils ne les gardassent par devers eux pour renflouer les caisses de l’Etat toujours aussi désespérément vides. Vous pouvez aussi les adresser (au siège de l’UMP, rue de La Boétie) CCP 000.00 La Source avec la mention Amicale des amis de Ben Ali (AABA) aux bons soins de MM. Bruno Le Maire ou Eric Raoult.
C’est Clio qui m’apprit au téléphone le départ de Ben Ali vendredi dernier en fin d’après-midi alors que j’émergeais d’une sieste aussi nécessaire que réparatrice. Je me sentais pourtant encore fatiguée et envisageai plutôt de me recoucher très vite après avoir mangé rapidement. Mais cette info me fit bien plus d’effet que trente-six mille cafés et il m’eût été impossible de fermer l’œil.
Je suivis tout cela assez longtemps sur i-télé qui bouleversa ses programmes pour une édition spéciale quasi non stop, avec des coupures publicitaires à doses homéopathiques, contrairement à BFM/TV. Ce n’est pas la première fois que je constate cette différence entre les deux chaînes d’information continue, lors d’évé-nements graves. Bien plus tard, et n’ayant toujours pas envie de dormir, j’écoutai France-Info et constatai que RFI poursuivait son programme normal avec «Couleur tropicale»… La zicmu plus importante que la «Révolution de jasmin» en Tunisie ?
D’après les informations qu’elle avait apprises sur «C dans l’air» - qui a aussi bouleversé le programme prévu – Ben Ali devait être accueilli en France. MERDALOR ! J’ai beau savoir que la France fut une “terre d’asile” pour des dictateurs aussi sanguinaires et prévaricateurs que Bokassa et Baby Doc Duvallier, mon sang ne fit qu’un tour.
Justement, par une de ces ironies dont l’histoire a le secret, j’appris dans la nuit de dimanche à lundi sur France Info que Vingt-cinq ans après avoir été renversé, Jean-Claude “Baby Doc” Duvalier revient en Haïti (Le Monde du 17 janv. 2011). Il ne manquerait plus qu’Aristide pour une réunion d’anciens dictateurs gloutocrates. Pauvre peuple haïtien ! Une nouvelle calamité au moment même où le sort des urnes pour le second tour de l’élection présidentielle demeure incertain. Ce n’est sûrement pas Baby Doc qui risque de faire avancer la démocratie. Il aura beau affirmer n’avoir aucune ambition présidentielle, sa venue est inexplicable.
L’ancien «président à vie» a osé déclarer être revenu «pour aider le peuple haïtien et lui témoigner sa solidarité»… Bof ! Bof ! Il eût été un peu plus crédible en prenant le chemin du retour y a un an au moment du tremblement de terre. Pour aider les Haïtiens, je présume qu’il compte leur rendre les 100 millions de dollars qu’il est accusé d’avoir détournés… 25 ans d’exil doré en France – qui n’accepte les réfugiés politiques haïtiens qu’au compte-gouttes – et s’est bien gardée de le priver de ce pactole, pas plus que les instances internationales.
Il vient d’être mis en examen à la fois pour ses malversations financières et pour crimes contre l’humanité. Son avocat plaide la prescription – 10 ans - des faits qui lui sont reprochés. C’est sans doute pour cela que Jean-Claude Duvallier est allé en toute innocence se jeter dans la gueule du loup, fort de son impunité. Or, j’entendis un avocat pénaliste sur France-Info affirmer que depuis les premières plaintes de nombreuses procédures avaient eu lieu, ce qui interrompt bien évidemment la prescription et remet les compteurs à zéro à chaque fois. Quant aux crimes contre l’humanité, ils sont imprescriptibles.
Les informations concernant le clan Ben Ali-Trabelsi sont des plus réjouissantes pour nous qui suivons attentivement leurs déboires. Si je devais décerner la palme du titre le plus humoristique ce serait incontestablement celui du Télégramme Tunisie. La fin d’un kleptocrate qui par ailleurs fait une recension presque complète des dictateurs les plus corrompus et enrichis illégalement qui ont dû se barrer en catastrophe quand le peuple eu plus que ras le bol de leurs prévarications. Je vous laisse consulter l’impressionnante liste. Un seul oubli : si l’article mentionne bien Aristide pour Haïti, il omet Baby Doc Duvalier…
Qui a vécu un exil doré en France pendant 25 ans… C’est bien pour cela que je n’accorde aucun crédit aux nouvelles palinodies du gouvernement français qui se dit Sur la piste des fonds de Ben Ali (Libération du 17 janv. 2011) et prétend «geler les avoirs du président déchu» et prendre «les dispositions pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement», ce que confirme François Baroin, porte-parole du gouvernement et ministre du Budget. La France s’est placée sur un terrain administratif en saisissant Tracfin pour empêcher la fuite des avoirs financiers détenus par l’ex-président tunisien et ses proches.
Or donc, le gendarme antiblanchiment de Bercy “invite” les banques à des «mesures de vigilance» visant les opérations des clients ayant «exercé des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives en lien avec la Tunisie», de leurs associés ou membres de leur famille. Les établissements sont tenus de signaler «les retraits substantiels en espèces, achats de métaux précieux, envois de fonds vers l’étranger» afin de permettre à Tracfin d’opérer le blocage». L’on est parfaitement en droit d’être plutôt sceptique quant à l’efficacité de ces opérations laissées au bon vouloir des banques quand l’on a en mémoire les importants retraits en liquide sur le compte de Liliane Bettencourt… Grâce à une banquière de bon conseil..
De surcroît, je vous fiche mon billet qu’il s’agit encore une fois d’une pleine citerne de lait d’beu. «Beaucoup de bruit pour rien» ! A preuve une déclaration de Christine Lagarde relevée dans le Parisien du 17 janv. 2011 Juppé : «L’exaspération du peuple tunisien (a été) sous-estimée» - il est bien temps de battre sa coulpe ! – «Tracfin a la possibilité de «bloquer pendant 48 heures et ensuite de saisir une instance judiciaire (…) il n’y a pas de “gel des avoirs” car cela nécessiterait une décision judiciaire ou internationale». Autant de légalisme pointilleux me troue le cul – pourquoi ne pas saisir la justice d’emblée, sachant que les avoirs des Ben Ali et Trabelsi sont le produit d’une rapine systématique ? – et j’ai bien peur que tout cela ne tournât en eau de boudin, la volonté politique faisant manifestement défaut.
Voilà en tout cas qui va booster les ventes du livre brûlot de Catherine Graciet et Nicolas Beau «La régente de Carthage. Main basse sur la Tunisie» (Ed. La Découverte) dont Dominique Lagarde rendit compte dans L’Express du 3 oct. 2009 Deux livres dénoncent le clan de la première dame de Tunisie. Leïla Ben Ali tenta en vain de le faire interdire et fut au contraire déboutée le 30 sept. 2009 et condamnée à verser 1.500 euros à l’éditeur… L’histoire ne dit pas si elle a honoré cette dette.
Le second ouvrage n’est pas moins révélateur des méthodes du clan Ben Ali-Trabelsi. Publié à compte d’auteur par Mohamed Bouebdelli, «Le jour où j’ai réalisé que la Tunisie n’est plus un pays de liberté» (disponible sur Bouebdelli.com ou Bouebdelli.org) il narre comment Mohamed et Madeleine Bouebdelli, «à la tête de plusieurs établissements scolaires, dont le lycée Louis-Pasteur, ont toujours refusé d’accorder des privilèges aux enfants des membres du clan». Ceux-ci trouvèrent donc le moyen de les en punir : «le lycée occupait un terrain de 10.000 m², qui vaut de l’or, au centre de Tunis… Ils ont été contraints de fermer leur lycée» !
Je lis dans l’article de Christophe Ayad Leila Trabelsi, la cleptodame (Libération du 18 janv. 2011) - certainement un des plus détaillés, avec l’article de Fabrice Amedeo Ben Ali-Trabelsi : les pillages d’une famille en or (Le Figaro du 22 janv. 2011) - s’agissant de l’implication des Ben Ali et des Trabelsi dans tous les rouages de l’économie tunisienne et qui commence fort bien «C’est l’histoire d’une Du Barry qui s’est prise pour la Pompadour et aurait pu finir comme Marie-Antoinette», d’autres comparent le sort qui attendait les Ben Ali à celui d’un autre couple de dictateurs : les Ceausescu – que sur le terrain du lycée exproprié (sans indemnisation) elle fit construire un lycée international privé et qu’à cette occasion elle fut associée à Souha Arafat – autre prédatrice de haut vol – avec qui elle s’est ensuite brouillée et qui a dû s’exiler à Malte.
Comble de l’ironie : Leïla Ben Ali «fait dans le caritatif et les bonnes œuvres, à la tête de son ONG Basma». J’aimerais bien être petite souris pour en examiner le bilan et les comptes de résultat, si tant est qu’une comptabilité sérieuse ait été tenue… Elle ne néglige pas pour autant ses ambitions politiques… Ce n’est pas sans raison qu’on lui prêtait l’intention de succéder à son mari qui a 74 ans et souffrirait d’un cancer de la prostate depuis plusieurs années. Elena Ceausescu qui était une parfaite dinde tenta de passer pour une scientifique de haute volée et accumula les doctorats honoris causa de plusieurs universités complices. «Leïla Ben Ali s’est activée pour truster les postes honorifiques tels la présidence de l’Organisation de la femme arabe».
C’est aussi une parfaite salope dans son genre. Selon Fabrice Amedeo elle n’hésite pas à utiliser son unique fils – Mohamed né le 20 février 2005 grâce à un «miracle de la science» : entendre une conception in vitro alors qu’elle avait 47 ans – comme «objet de chantage» : ainsi «l’an dernier, elle serait partie avec lui à Dubaï et ne serait rentrée que lorsque Ben Ali lui aurait promis de privatiser la distribution du thé et du café en Tunisie et d’en faire profiter un de ses proches»…
L’immobilier et les Trabelsi c’est une véritable “affaire de famille” - au sens sicilien de “famiglia” ! avec Ben Ali dans le rôle du «Parrain». Ainsi, Belhassen Trabelsi, un des nombreux frères et sœurs de Leïla - 10 au total ! avec la “cheftaine” c’est une équipe de football… d’autant que pour les éventuels remplacements vous trouverez sur le banc de touche les nombreux neveux et nièces dont il faut bien satisfaire tous les ambitions et appétits… résultats garantis sur tous les tableaux, de la première division au championnat amateur (on évitera toutefois le terme de division “d’honneur“) quand les arbitres sont achetés – que Catherine Graciet décrit comme le «capitaine économique, un prédateur comme jamais la Tunisie n’en avait connu» s’était-il spécialisé dans l’achat à bas prix de terrains classés au patrimoine historique et revendus à prix d’or après avoir été – magiquement ! – déclarés constructibles.
Selon les télégrammes des ambassadeurs diplomates américains révélés par Wikileaks, Belhassen Trabelsi était le plus violent et le plus avide. «Dans les restaurants de Tunis, où l’on n’osait pas lui présenter la note, il avait pour habitude de poser son pistolet sur la table»… Charmant garçon !
De nombreux articles sont consacrés aux multiples et diverses malversations du clan Ben Ali-Trabelsi – «une mise en coupe réglée du pays, des banques à la téléphonie, des transports aux douanes». Sans oublier la grande – et petite – distribution. Un sacré florilège !
Qui peut le plus peut le moins et la palme du ridicule dans la catégorie mesquinerie doit assurément être décernée à «l’une des sœurs de Leïla qui a mis la main sur les buvettes des écoles et des universités» : «ça allait du très petit business, presque minable, au plus massif» selon les propos de Catherine Graciet recueillis par Marion Coquet pour Le Point (18 janv. 2011) Les Trabelsi-Ben Ali, prédateurs de la Tunisie qui relate comment «la belle-famille de Ben Ali a longtemps mis le pays en coupe réglée».
Imaginez qu’en France la gestion des buvettes des facs et des restau U jusqu’ici assurée par les Crouss soit confiée à Sodexho ou d’autres géants de la restauration collective. Sacrée révolution ! Remarquez que nous n’y échapperons peut-être pas. Sarko & sa bande – aussi prédatrice - n’ayant que la privatisation des services publics en ligne de mire. Régime des copains et des coquins.
Toutefois, comme Catherine Graciet l’indique par ailleurs, la propre famille de Ben Ali – les six frères et sœurs du Président, leurs enfants, ainsi que les trois filles issues du premier mariage de Ben Ali - était loin d’être blanc-bleue et avait préalablement bien tracé la voie en matière de prébende et corruption avant d’être politiquement mis sur la touche par la Première dame après quatre ans de lutte intestine. «Avec une efficacité certaine. Les frères et sœurs de Ben Ali, qui prospèrent surtout dans la contrebande, le trafic et l’import-export, perdent leur chef de file avec la mort de “Moncef” Ben Ali dans un accident de voiture : il avait été condamné en France à de la prison dans le procès de la «couscous connexion» pour trafic de drogue, mais jamais extradé» lis-je dans Libération. Rien que du beau monde !
«Lorsque Ben Ali épouse Leïla Trabelsi en 1992, des clans existent déjà. Eltaief, Chiboub et Mabrouk, les époux des trois filles du président issues d’un premier lit, pratiquaient déjà une prédation économique sur le pays. Eltaief était même appelé le “président bis”, il avait mis la main sur les usines, sur l’immobilier. Chiboub, lui, avait accaparé la grande distribution (Carrefour), faisant également la pluie et le beau temps. Mabrouk, le réseau Internet».
Marwan Mabrouk ne s’intéresse pas seulement au réseau internet. Il prospère dans l’automobile (concessions Fiat et Mercedes), la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat) et la grande distribution (Géant et Monoprix). J’ai la chance d’être servie par une bonne mémoire, notamment celle des noms. Aussi, quand je vis sur ma boîte cette info du Monde – les coulisses de l’économie et des médias - Tunisie : Casino ne lâche pas son partenaire local (20 janv. 2011) et surtout : «Le distributeur Casino, dont l’hypermarché Géant - géré en franchise par une société de Marwan Mabrouk, gendre de Zine El-Abidine Ben Ali – et situé aux environs de Tunis, a été la cible de pilleurs, “ne lâchera pas la famille Mabrouk”, indique une source proche de l’enseigne» je sus que j’avais affaire à du “lourd”…
Ce n’est nullement une découverte : les multinationales sont tout aussi prédatrices – kleptocrates ou gloutocrates – que les dictateurs et autres dirigeants corrompus à leurs ordres. En Tunisie, en France comme ailleurs. Même combat. Perverses retombées de l’ultralibéralisme et de la mondialisation.
Chez Orange, on peut également serrer les fesses : Cyrine, une des filles de Ben Ali – mariée à Slim Zarrouk qui a crée sa propre banque et s’est approprié la société de services qui dessert l’aéroport de Tunis ; ancien joueur de foot, il est aussi à la tête du club l’Espérance de Tunis - possède la licence téléphonique d’Orange et le fournisseur Internet Planet Tunisie… Plutôt rigolo quand on sait comment internet à contribué à leur chute et le slogan d’Orange sur la photo dénichée sur Google «iPhone 4 encore une fois, ça bouscule tout» ! prémonitoire
Mais l’on rit jaune en apprenant qu’une surenchère de dernière minute de Slim Zarrouk aurait coûté 50 millions d’euros supplémentaires à Orange. Pas grave : c’est nous, les cons…sommateurs et co…chons de payants qui payons la note avec des abonnements et des prestations toujours plus élevés cependant que les salariés de France-Télécom soumis aux pressions inhumaines de “l’entreprise barbare” se suicident à la chaîne. Les profits des actionnaires et salaires des dirigeants ne souffrent d’aucune baisse.
Un proche de Géant – resté heureusement anonyme – eût mieux fait de fermer son grand clapet à déconner ! Selon lui, le fait que les vols aient concerné des télévisions et des bouteilles d’alcool – cela prouve au moins que beaucoup de Tunisiens se foutent comme de l’An 40 des diktats islamistes ! – démontrerait que «ces agressions étaient le fruit de casseurs et pilleurs et n’étaient pas motivées par des raisons politiques». Comment peut-on être aussi aveugle ? Le peuple tunisien, éternel frustré – aussi bien de démocratie que de ressources suffisantes pour vivre décemment – se venge en pillant des biens auxquels il n’aurait jamais eu accès même en travaillant toute une vie.
Aux âmes bien pensantes qui pourraient s’en offusquer je rappellerais que ce fut également le cas en Argentine au moment de la débâcle financière en décembre 2001. Avec un plan de rigueur drastique : «Loi du Déficit zéro» alors que la dette dépassait les 130 millions de dollars entraînant une succession de faillites d’entreprises. Les 19 et 20 décembre 2001, les manifestations se multiplièrent, dégénérant en émeutes et affrontements avec les policiers : 35 morts. Les émeutiers dévalisent des grandes surfaces. J’ai le souvenir précis d’un hypermarché Carrefour aux infos télévisées. Nous vîmes ressortir les pillards précisément avec des télévisions ou n’importe quoi d’autre qui s’était trouvé à portée de main. La seule limite étant ce qu’ils pouvaient porter. Longtemps bercés – et bernés – par la démagogie populiste de Carlos Menem et réduits à la misère, le peuple et les classes moyennes se vengeaient. En 1985, l’entourage du président Menem avait été touché par des affaires de corruption. Ce qui ne l’empêcha nullement d’être réélu en 1995 dès le premier tour après qu’il y eut fait changer la Constitution pour être autorisé à briguer un second mandat.
Je soutiens depuis longtemps que le pillage des grandes surfaces pourrait tout aussi bien se produire en France à force d’exaspérer les pauvres et les classes moyennes en les tondant proprement. Le droit nomme cela «état de nécessité».
Cerise sur le gâteau, le défenseur de Géant poursuit aussi stupidement «La famille Mabrouk est une famille d’entrepreneurs», en précisant que le gendre de Ben Ali est en procédure de divorce avec la fille de M. Ben Ali. C’est aussi risiblement ridicule que les anciens hiérarques du système pouvant être ministres à condition d’abandonner leur étiquette “RDC”… Autant changer l’étiquette d’une bibine pour en faire un grand cru ! Le pseudo “nectar” n’abusera pas le palais tout en vous déchirant l’estomac… Nous savons très bien que tous les membres du clan mafieux Ben Ali-Trabelsi sont des «entrepreneurs». Ils le sont tellement qu’ils ont laminé tous leurs concurrents directs ou potentiels par une série de moyens peu orthodoxes que l’on n’apprend pas dans les cours de droit des affaires…
Il m’étonnerait fort qu’il soit possible en Tunisie d’acheter une automobile en échappant à la main-mise des Ben Ali ou des Trabelsi. Je suis impressionnée par la liste des marques dont ils sont concessionnaires, évidemment exclusifs. Marwan Mabrouk : Fiat et Mercedes. Belhassen Trabelsi – qui possède également, en autres multiples intérêts dans tous les domaines (dont la Banque de Tunisie dont il avait confié la présidence à la femme d’Abdelwabab Abdallah, conseiller de Ben Ali) un véritable inventaire à la Prévert ! Karthago Airlines (aux dépens de la compagnie nationale Tunisair) – et a investi dans l’assemblage de camions et de tracteurs (Alpha Ford International), est titulaire des licences d’importation d’automobiles : Ford, mais aussi Range Rover, Jaguar et Hyundai. Enfin, et plus récemment Mehdi Belgaïd - un futur gendre - a mis la main sur la concession Peugeot : «L’Etat lui a tout bonnement offert sa participation dans la société Stafim, importatrice des modèles français, et sommé la Banque internationale arabe de Tunisie de vendre sa participation au gendre prodigue».
Ce qui mit à l’évidence le feu aux poudres dans l’opinion publique c’est qu’ils ne s’en cachaient même pas. A la question de Marion Coquet pour savoir s’ils agissaient au vu et au su de tous, la réponse de Catherine Graciet est sans équivoque : «Oui, et cela explique en partie l’intensité de la révolte. Les gens se vengent. En Tunisie, le peuple a une éducation à la hauteur, et a accès à Internet. Les gens étaient parfaitement informés de ce qui se passait, d’autant que beaucoup ont eu à en souffrir, et que les Trabelsi avaient un mode de vie très ostentatoire». Comment ne pas penser à L’arrogance de la corruption (RFI 15 janv. 2011) où Jean-Baptiste Placca rapporte ce propos d’un manifestant ?
Mais ce fut incontestablement leur perte. Lire dans l’Express du 13 janvier 2011 l’article de Marie Simon En Tunisie, une “quasi-mafia” entoure Ben Ali qui est des plus instructif et relate notamment les révélations – secret de Polichinelle – contenues dans les télégrammes officiels américains dévoilés par Wikileaks : notamment un câble daté de juin 2008 sous le titre évocateur «Ce qui est à vous est à moi» qui cite plus d’une dizaine d’exemples de “magouilles” à mettre au compte de ce clan et selon une citation du Gardian «La moitié du monde des affaires en Tunisie peut se targuer d’être lié à Ben Ali d’une façon ou d’une autre et notamment par le mariage». Les raisons de la colère des Tunisiens ne sont pas à chercher bien loin : «Frappés par une situation économique difficile, une inflation croissante et un taux de chômage élevé (…) Ils sont frustrés par le manque de liberté politique et en colère contre la corruption de la famille de la première dame (…) nourrie par les démonstrations de richesse des puissants et par les rumeurs de corruption persistantes».
Même constat fait par Laura Raim dans l’Expansion (17 janv. 2011) Comment le clan Ben Ali a pillé la Tunisie : «L’ancien président en fuite a amassé une fortune colossale pendant ses 23 ans à la tête du pays. Extorsions, racket, menaces.. Tous les moyens étaient bons pour faire main basse sur les secteurs clés de l’économie». Procédés dignes de la mafia. D’ailleurs, le clan Trabelsi était surnommé “La famille” par les Tunisiens qui n’étaient nullement dupes : «Certains rejetons du clan Trabelsi sont carrément des malfrats»…
A la question de savoir «Comment Ben Ali a-t-il amassé une telle fortune, lui qui ne possédait rien ou presque avant d’accéder au pouvoir ?» Antoine Sfeir – directeur des cahiers de l’Orient – explique sur BFM que «Toutes les sociétés privées étaient victimes de la corruption de Ben Ali : «il rentrait dans une société, il demandait à voir le patron. Il lui disait : ‘le notaire va vous appeler, nous sommes à 50/50 désormais’. C’est tout, ça suffisait”. Et tous les moyens étaient bons pour convaincre les récalcitrants: racket, intimidation, menaces…
Le haut patronat tunisien était forcément complice, à l’instar de Hedi Jilani, le patron des patrons tunisiens – l’équivalent du Medef. Belhassen Trabelsi avait épousé une de ses filles et lui-même avait «placé» une autre de ses filles comme épouse de Sofiane Ben Ali, fils de «Moncef», le frère décédé du Président.
Paradoxalement, c’est grâce à internet et à la diffusion des révélations de Wikileaks que la colère des Tunisiens est encore montée d’un cran : voir écrit noir sur blanc et par des ambassadeurs américains ce qu’ils connaissaient parfaitement mais dont personne ne pouvait parler librement a servi de détonateur. On ne dira jamais assez combien les blogs des dissidents, Facebook et Twiter, sans oublier les téléphones mobiles ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation des Tunisiens. On nous a suffisamment rappelé ces dernières semaines que la spécificité de la Tunisie tenait à l’existence d’une classe moyenne éduquée quand bien même serait-elle paupérisée (sans oublier le rôle essentiel des femmes, largement éduquées, originalité dans le monde arabe). Nous savons – en France - ce qui nous reste à faire !
En attendant, Leïla Trabelsi – l’épouse gloutocrate de Ben Ali - ne s’est pas embarquée sans biscuits : selon des suppositions des services secrets français La famille Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d’or (Le Monde du 16 janv. 2011) en lingots d’or - pour une valeur de 45 millions d’euros ! - qu’elle se serait fait remettre à la Banque de Tunisie. Le gouverneur, de même que Ben Ali auraient refusé dans un premier temps avant de céder. Elle se serait ensuite envolée pour Dubaï avant de rejoindre Djeddah. Cette information vient d’être validée par l’inventaire des réserves en or de la Banque de Tunisie. Perso, j’eux bien aimé lui mettre ce joli collier autour du cou avant de la jeter d’un avion ainsi lestée…
La population tunisienne se vengea en pillant et dévastant les biens de la famille Trabelsi. Qui pourrait le leur reprocher ?
Spectacle réjouissant – aussi bien dans les reportages télévisuels qu’à la radio - dont vous trouverez un compte-rendu détaillé dans l’article de Léa-Lisa Westeroff, envoyée spéciale de Libération à Tunis Dans les villas des Trabelsi, colère, pillage et envie (17 janv. 2011) où comment «Les Trabelsi, une famille de va-nu-pieds il y a un quart de siècle, a pu mettre le pays en coupe réglée et prendre le contrôle de ses ressources les plus juteuses grâce à la “coiffeuse”, Leïla, la seconde femme du raïs qu’il a épousée en 1992 après quatre années de liaison et le divorce d’avec sa première femme».
Comme le souligne Léa-Lisa Westerhoff, le vendredi 14 janv. 2011, «dès que l’information du départ de Ben Ali s’est propagée, les Tunisiens n’ont pas attendu une minute pour se venger de la famille honnie. Plusieurs villas des Trabelsi et Ben Ali ont été saccagées. Les vitres pare-balles brisées, les lustres arrachés, les voitures dans les jardins incendiées».
Dans Libération, Christophe Ayad rapporte que selon l’ambassadeur américain qui a dîné à Hammamet dans la villa de Saker El-Materi – qui a épousé Nesrine, l’une des deux filles de Leila et Ben Ali et qui était à la tête d’une holding tentaculaire intervenant notamment à la Bourse ainsi que dans le créneau «légèrement islamique» : la radio coranique Zitouna FM lui appartient et il s’était lancé dans la finance islamique… qui est en principe fondée sur une certaine idée morale de la finance ; là aussi on a le droit de bien rigoler ! – il y avait un lion en cage à qui l’on servait quatre poulets par jour «ce qui lui a rappelé Oudaï, le fils de Saddam Hussein»… Cela n’a rien à voir avec le luxe, c’est de la débauche, une insulte aux souffrances du peuple tunisien qui peine à s’acheter de quoi manger. Aussi insupportable que répugnant.
Les Tunisiens s’indignent à bon droit en voyant – entre autres choses – une langouste reposant au fond de la piscine de la villa de Moez Trabelsi, l’un des neveux de Ben Ali «Vous voyez, nous, on a du mal à s’offrir des sardines à 3 dinars le kilo ; eux, ils mangent de la langouste !» s’exclame Foufou, chauffeur de taxi. Pourtant «Cette résidence de 400 m2 n’est ni la plus belle, ni la plus grande, de la banlieue chic de Gamart, au nord-est de la capitale tunisienne, mais elle appartient au clan des Trabelsi. Depuis vingt-trois ans, cette famille cristallise toutes les haines des Tunisiens, car elle est le symbole même des injustices de tout un système. Trafic d’influence, bakchich systématique pour obtenir des contrats, détournement de biens publics».
Autres réactions tout aussi significatives. Zeid, entrepreneur de 62 ans, est venu «voir». «Je suis soulagé, raconte-t-il. Ça veut dire que tout ce qui est au peuple revient au peuple, et tout ce qui est à l’Etat revient à l’Etat. On ne meurt jamais sans devoir un jour payer ses crimes». Zeid sait de quoi il parle, il a eu directement affaire au clan Trabelsi lorsqu’il a tenté de monter une entreprise de construction à Gamart. Pendant trois mois, son chantier a été bloqué, au point que l’homme s’est endetté. «Chaque jour, les règles changeaient et les travaux n’étaient plus aux normes. En fait, Moncef Trabelsi ne voulait pas de concurrent dans le domaine de la construction».
Amel, institutrice à la Marsa, voulait absolument profiter de son dimanche pour voir «ce qu’il reste après vingt-trois ans du vol de la Tunisie et des Tunisiens». L’un de ses frères, qui travaille à la douane, aurait réceptionné une Porsche d’une valeur de 550 000 dinars (280 000 euros) au nom du fils de l’ex-président, Mohamed Zine el-Abidine Ali. « Mais son fils a 5 ans, comment il va la conduire ? C’est indécent !» s’exclame l’institutrice. «Les gens voient que des proches, avec des diplômes d’enseignement supérieur, ne trouvent pas de travail et que des messieurs illettrés deviennent les plus riches, et même pas simplement de Tunisie».
Les pilleurs – qui n’ont pas touché aux autres villas - ont ciblé celle d’un autre frère de Leïla Trabelsi, Adel – officiellement instituteur – qui «a pu se payer un palace en marbre avec un ascenseur qui dessert un seul étage», plaisante Azzedine Bhira, une casquette vissée sur la tête. Il est mécanicien, et a réparé de nombreuses voitures du propriétaire des lieux. Sa femme est institutrice et gagne 500 dinars (250 euros) par mois. Il raconte que la maison, comme toutes les autres, a été construite sur un terrain non constructible qui appartient à l’Etat et que la famille a décidé de s’accaparer sans rien payer.
Enfin, Moncef Bey - le petit-fils de l’ex-roi de Tunisie - venu en promeneur du dimanche.: «On n’est pas choqué (…) C’est le peuple qui se venge, il fallait bien que ça arrive un jour, puisque les Trabelsi ont trop pris d’argent et cela n’allait pas s’arrêter»… J’ai entendu sur France Info et vu sur i-télé ou BFM des personnes déterrer et prendre des plantes dans les jardins des villas du clan qu’ils transportaient dans une brouette. «Pour décorer leur jardin». J’ai trouvé cela plutôt réjouissant et même gentiment naïf quand on sait que le clan Ben Ali-Trabelsi est accusé d’avoir détourné 5 milliards de dollars.
Léa Lisa Westeroff rappelle à cette occasion un fait divers significatif dont j’ai entendu parler par ailleurs : comment les fils de Moncef Trabelsi, frère de Leïla et ancien travailleur en Lybie qui a prospéré dans le bâtiment en ruinant tous les petits concurrents potentiels – dont Imed qui a été tué à coup de poignard par son garde du corps le 16 janvier 2011… On ne se méfie jamais assez du “petit personnel” ! ce n’est pas Liliane Bettencourt qui me démentira
Malheureusement, «l’un deux appartenait à Bruno Roger de la banque d’affaire Lazard Frères, un proche de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy… Le bateau fut rapatrié sur pression de Paris, mais seuls des comparses furent jugés en France. La Tunisie de Ben Ali a toujours refusé d’extrader les neveux de l’ex-président et a tout fait pour étouffer l’affaire». Aux dernières nouvelles, selon un flash-info du Figaro (21 janv. 2011) Imed Trabelsi est vivant et serait interrogé par la police à l’hôpital de Tunis. Preuve supplémentaire que les infos sont loin d’être toujours fiables dans la Tunisie en proie à un certain chaos. Le membre du personnel de l’hôpital qui a annoncé sa mort aurait-il tenté de le soustraire à la police ? Tout est possible dans un pays où règne la corruption.
D’autant que j’apprends par ailleurs que Najet, une cousine de Leïla Trabelsi est devenue directrice de l’hôpital Kheireddine de Tunis… Dommage que je n’ai pas une cousine si influente ! car outre mon DE d’infirmière j’ai suivi plus tard pendant 2 ans un stage d’administration hospitalière. Mais en France, les directeurs d’hôpitaux doivent passer par l’Ecole de Santé publique de Rennes.
Nous avons échappé au pire à lire un article du Figaro Leïla préparait son installation avenue Foch (21 janv. 2010). Car si Dominique Rizet et Sophie Roquelle nous apprennent que «la fortune du clan en France serait essentiellement immobilière, comprenant deux hôtels particuliers parisiens, acquis l’an dernier, un chalet à Courchevel et des villas sur la Côte d’Azur» - certaines sources parlant aussi de plusieurs appartements dans des immeubles haussmanniens de la capitale – elles affirment que Ben Ali devait bien atterrir au Bourget le 14 janvier 2011…
Une demi-compagnie de CRS, le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, la patronne de la police de l’air et des frontières et son adjoint avaient été dépêchés sur place, initialement pour accueillir le Président en fuite et son épouse. Après une longue attente, l’accès au sol français leur est refusé (sur ordre de l’Elysée?)»… Que Sarko, son gouvernement et certains dirigeants de l’UM/Posture – Bruno Le Maire et Eric Raoult ont fait preuve d’un cynisme encore plus décoiffant que Michèle Alliot-Marie ! lire à cet égard l’excellent coup de gueule de Jean-Marcel Bouguereau sur son blog du Nouvel Obs Tunisie : la cécité complice de notre gouvernement (11 janv. 2011) - cessent de nous prendre pour de parfait cons… J’y reviendrais car cela mérite un article détaillé.
Je lis dans l’article de Fabrice Amedeo que «Des experts tunisiens considèrent que 40 % de l’activité économique et des flux financiers étaient aux mains de membres de la famille présidentielle il y a encore une semaine». La Fondation Global Financial Integrity estime que la corruption a fait perdre un milliard de dollars par an au pays. «Ce sont de véritables prédateurs», explique Béatrice Hibou, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) selon laquelle «Le départ de la famille Ben Ali va apporter un vrai ballon d’oxygène à l’économie tunisienne, De nombreux entrepreneurs ont vu leurs activités perturbées par les captations de richesses du clan présidentiel. Ou ils ont préféré rester petits pour ne pas être ennuyés…».
Acceptons-en l’augure. Mais comment ne serais-je pas inquiète en lisant un article d’Emmanuel Lévy dans Marianne2 (21 janv. 2011) Un analyste d’agence témoigne : dégrader la Tunisie est honteux ! ? Fort de son expérience – il reste bien entendu anonyme – il estime que les agences de notation font une grossière erreur d’appréciation alors que, selon lui les fondamentaux de la Tunisie restent corrects. Ainsi, «Si Fitch et Standard & Poors ont d’ores et déjà placé la note de la dette souveraine de la Tunisie sous «surveillance négative», Moody’s n’a pas hésité mercredi 19 janvier à la dégrader de « Baa2 à Baa3».
Pauvre Tunisie ! Après que son économie eût été mise en coupe réglée par la meute des Ben Ali et Trabelsi, elle risque d’être soumise «Au Bonheur des ogres» : les spéculateurs de la finance internationale. Au moins aussi gloutocrates que les Benali et Trabelsi.
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Post-scriptum J’étais à la recherche d’une photo de Ben Ali sur Google et suis tombée sur celle de Sarko l’embrassant comme un «ami» à son arrivée à Tunis en 2008 publiée sur un article de Bayrem, internaute franco-tunisien vivant à Toulouse Témoignage sur la Tunisie de Ben Ali qui démontre à l’envi comment son père – ingénieur centralien formé dans les années 70 – n’a jamais eu la carrière à laquelle il pouvait prétendre parce qu’il était critique et n’avait jamais pris la carte du RDC…