On a beaucoup reproché à François Mitterrand d'avoir, durant les années 80, facilité la progression du Front National, et par pur calcul électoral, embarrasser la Droite républicaine avec son pendant extrémiste.
A l'époque, la ligne de fracture était nette entre les partis de l'alliance RPR-UDF et le FN.
L'UDF, confédération de petits partis centristes, démocrates-chrétiens, radicaux et libéraux ne voulait en rien, entendre parler d'alliance avec cette droite, issue du nationalisme des débuts du XXe siècle et de la lutte contre la République des années 1930.
Du côté du RPR, les vrais gaullistes n'oubliaient pas que le FN avait aussi fait ses gammes au sein de l'OAS où il cultivait sa haine du Général De Gaulle, symbole, à la fois, de la résistance au nazisme et à son pendant français, le pétainisme, et de l'abandon de l'Algérie française. Au fil du temps, la partie la moins idéologique du RPR, la plus pragmatique, si elle se refusait toujours à une alliance, ne se priva pas de reprendre certains thèmes, honteusement toutefois, comme l'immigration et la sécurité.
Par la suite, RPR et UDF furent tentés par des alliances locales, qui, si elles donnèrent des résultats sur le coup, furent payées par la suite, par les défaites de leurs auteurs.
C'était, il y a deux décennies.
Depuis, la Droite s'est fort bien accommodée de son envahissant voisin et a fait même mieux, elle a repris plus d'un thème cher à l'extrême-droite.
La campagne de 2007 a clairement été abordée par le candidat de l'UMP, par la reprise des thèmes de l'extrême-droite. La stigmatisation des étrangers, le prétendu lien entre immigration et insécurité, la remise en cause de la laïcité,…
Le résultat fût à la hauteur des espérances du candidat de la Droite, Nicolas Sarkozy. Puisqu'il épuisa ainsi, les votes du FN et se retrouva clairement en tête du 1er tour.
Certains commentateurs, à l'époque, louèrent le candidat UMP d'avoir su faire reculer le FN, en lui pompant ses idées et son électorat.
Mais, en fait de recul, avec le temps, il est facile de voir qu'il s'agissait d'une victoire. Tout au long de la campagne présidentielle, la Droite dite républicaine, se laissa gangrener par des valeurs qui n'étaient plus les siennes, depuis la Libération.
Il ne s'agit pas seulement des élus et des état-majors, mais aussi, surtout, par une frange importante, de l'électorat, de cette droite, qui se disait décomplexée.
Aujourd'hui, le mal est fait. Le ver est dans le fruit.
Un récent sondage nous informe que 43% des sympathisants de l'UMP sont favorables à une alliance avec le Front National.
Au-delà de ce chiffre, très inquiétant en soi, il faut relever le fait qu'il s'agit de sympathisants.
En terme politique, un sympathisant, à l'inverse d'un militant, n'est pas adhérent d'un parti politique. Il s'en définit comme proche, mais, il entend conserver un libre-arbitre, qu'il croit interdit au militant encarté. En fait, le sympathisant est un électeur et dont l'engagement idéologique peut le conduire à briser son droit de confidentialité lors de ses participations aux élections.
Ces sympathisants sont donc largement favorables à une alliance électorale avec le FN.
Ce qui dit en passant, démontre la fracture Droite-Gauche. Et le rejet inconditionnel de la Gauche par les sympathisants UMP.
Plutôt brun que rouge !
A qui la faute ?
La lepénisation des esprits est une réalité à Droite. Après des années de matraquage sécuritaire et de lutte contre une prétendue invasion étrangère, les électeurs de droite n'ont plus le réflexe du rejet, qui, il y a encore quelques années, leur permettait de repousser la bête brune.
D'autant que le parti unique de la Droite ne permet pas aux électeurs d'entendre une autre musique, que celle mise en oeuvre à l'Elysée par le Chef de l'Etat français.
Le sondage du Monde nous apprend que plus de 50 % des sympathisants UMP adhèrent aux “critiques de la société exprimées par le FN”. Ils expriment fortement leur partage de vue, avec le FN, sur la justice, la délinquance, les valeurs traditionnelles, l'immigration, l'islam, l'identité nationale.
Et cette expression est bien le résultat de la politique menée par Nicolas Sarkozy, en direction de l'électorat FN, qui est dans les faits, une véritable main tendue, pour un partage des valeurs.
Pourtant, loin d'assécher le Front national, cette politique l'a remis en selle.
Un FN, pourtant exsangue, ruiné et divisé. Mais, qui voit s'ouvrir devant lui, une voie royale. Celle de la respectabilité.
En élisant à sa tête, Marine Le Pen, le FN fait, sans doute, le pari de l'ouverture. Peut-être pas encore, une ouverture politique. Mais, une brèche s'est ouverte et va permettre aux lepénistes d'accroître leur influence sur la Droite.
Les post-fascistes italiens de Gianfranco Fini ont ouvert la voie. En se disciplinant, l'extrême-droite a accès aux responsabilités, lorsque la droite classique est faible.
Et la Droite, en France, est faible. Nicolas Sarkozy est très impopulaire. Son gouvernement est discrédité et impuissant à résoudre les problèmes qu'il a lui même créer. Chaque élection intermédiaire a été une débâcle pour la majorité, que seules, les institutions de la Ve République, sauvent de la dislocation.
L'élection de Marine Le Pen fait aussi sauter un verrou. Celui du rejet de Jean-Marie Le Pen. La fille a souvent pris ses distances avec le Président du FN. Notamment sur ses déclarations antisémites. De quoi, la faire passer pour modérée.
Mais comme l'a récemment déclaré, Jean-Michel Baylet, Président du PRG : “Le FN light n'existe pas”.
Sa récente percée médiatique sur la question de la laïcité, valeur républicaine, s'il en est, peut aussi brouiller l'image d'un FN, plus souvent de confession chrétienne traditionaliste. Mais, cette percée se fait au détriment des musulmans de France. Question sur laquelle, elle est désormais proche des sentiments de la Droite gouvernementale.
Oui, le ver est dans le fruit.
La Droite de gouvernement saura-t-elle se ressaisir ? Qui pourra repousser les tentations d'alliance, sinon électorales, du moins idéologiques ?
Existe-t-il, dans les rangs de la Droite, un Georges Mandel, le symbole de la droite républicaine des années 30, qui sut dire non au pétainisme et qui le paya de sa vie ?
Ou n'est-il pas déjà trop tard ?
Les choix idéologiques de Nicolas Sarkozy, comme l'adhésion des sympathisants de l'UMP aux thèses du FN, tentent à prouver que la Droite républicaine n'est plus en mesure de résister aux idées du Front national.