“Mais le combat ne montre rien de sa dure réalité : hommes et choses sont estompés par la brume argentée de l’aube marine, la fumée des explosions, le brouillard artificiel que les avions laissent tomber du ciel pour dissimuler et protéger les opérations de débarquement.”
Curzio Malaparte en quelque soixante pages d’une description poétique, triste et délicate commet une œuvre magistrale.
“Plus que par la colère ou le chagrin, il semble ravagé par un sentiment plus profond, nouveau : comme si, à cet instant, pour la première fois, il voyait l’inutilité du sang versé dans ces années terribles, des larmes, de la faim, de la misère, de la peur, de toutes les humiliations de la défaite.”
Des femmes extraordinaires décrites par Malaparte qui note “L’exode féminin est peut-être le phénomène le plus intéressant de cette triste époque.”
Carole Cavallera, auteur d’une magnifique traduction respectant la poésie du texte, propose en postface le bijou que voici : “Le plus grand Malaparte est en effet dans ces pages poétiques et rapides : tantôt il se presse, faufile les scènes, comme on dit en couture, les couds à peine d’un bout de chemin esquissé ; tantôt il s’arrête, et son œil cinématographique suggère un combat estompé dans la brume, passe au plan serré pour dénoncer les trafiquants qui achèvent d’affamer le peuple, puis au plan large, presque lyrique, pour l’arrivée du cortège dans une ville de Naples bruissante de prières et de cris d’enfants. Ainsi progresse Le compagnon de voyage , au fil des stations d’une longue procession, celle de la Passion du peuple des perdants, des vaincus de l’Histoire, des frères Malaparte.”
Folio, 2010, 63 pages paru sous le titre original Il compagno di vaggio en 2007, traduit par Carole Cavallera.