Alors que les discussions d’Istanbul entre l’Iran et les puissances occidentales ont -sans surprise- échoué, la scène libanaise s’enfonce dans la crise politique avec le ralliement, non dénué d’ambivalence, de Walid Jumblatt à l’opposition pro-syrienne conduite par le Hezbollah. Engagé dans une course de vitesse avec le Tribunal Spécial pour le Liban afin d’empêcher son éventuelle inculpation et celle, tout aussi probable de ses deux mentors, Téhéran et Damas, le Parti de Dieu n’hésite pas à montrer ponctuellement sa force tout en retardant manifestement le moment d’une confrontation violente -il en a pourtant les moyens matériels- mais celle-ci signerait sa mort politique définitive.
Comble de l’ironie, dans son dernier discours -il en fait pratiquement un par semaine-, le Secrétaire général du Hezbollah profère des menaces en s’efforçant de récupérer le soulèvement démocratique tunisien. S’il n’était à même de tirer un bénéfice supplémentaire du chaos, on aimerait prendre Hassan Nasrallah au mot : spontanément descendus dans la rue après l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005 et ce, jusqu’au départ des Syriens, les Libanais -et Libanaises- épris de liberté ne cautionneraient sans doute pas plus aujourd’hui qu’hier une tutelle syrienne et la mainmise du Hezbollah sur leur pays! Autres articles avec des tags similaires
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La peur s'installe déjà
Dans ces moments incertains, le pays du Cèdre renoue malheureusement avec ses vieux démons : convoqué dans la capitale syrienne, le général Jean Kahwagi, chef des forces armées libanaises, s’est vu « recommander » de maintenir la troupe en dehors d’un éventuel conflit intérieur. Le Ministre saoudien des affaires étrangères évoque le danger d’une « partition du Liban » et ses services consulaires appellent leurs ressortissants au pays du Cèdre à la vigilance. Un député de Zahlé, susceptible d’entraîner la majorité parlementaire d’un côté ou de l’autre, fait quant à lui monter les enchères personnelles entre la nouvelle Ambassadrice américaine à Beyrouth et les promesses ministérielles de l’opposition. Des grenades blessent à Tripoli des proches de l’ancien premier Ministre Omar Karamé, favorable à Damas et pressenti pour succéder à Saad Hariri. Alors qu’ils devaient se réunir au « Sofitel Le Gabriel » en plein cœur du quartier chrétien d’Achrafiyé, les dirigeants du 14 mars ont vu samedi après-midi leur accès à l’établissement refusé par « précaution eu égard à la situation politique », selon un manager de l’hôtel : avec ou sans pression de la Sûreté générale dirigée par un proche du Hezbollah, la peur s’installe déjà. Pendant ce temps, le Tribunal Spécial pour le Liban accélère la procédure en prévoyant d’évoquer le 7 février prochain la notion juridique « d’acte terroriste », un des chefs d’inculpation possible.Dans l’attente des prochaines consultations de lundi à même, dans l’intérêt paradoxal de tous les protagonistes, de ne pas aboutir, les puissances occidentales avancent en ordre dispersé. Après avoir œuvré, non sans une déconcertante naïveté, à réintroduire la Syrie dans le jeu régional et libanais, Paris hausse désormais le ton envers Damas. Et court après Riyad. En vain. Les Etats-Unis mis à part, il est vrai que les dirigeants français, pétris d’une démocratie le plus souvent idéelle, ne sont pas encore remis de la révolte populaire tunisienne. Et de son éventuelle propagation au-delà. Alors, le Liban…
Jean-Luc Vannier, le 23/01/2011